Prêts néfastes de la Banque mondiale?
Cette forme d’aide nuirait à la croissance des pays bénéficiaires.
Par Yvon Larose
Créée en 1945, la Banque mondiale a pour rôle de prêter à des pays en développement de l’argent public provenant de pays développés. En 2014, elle a financé des projets d’investissement à hauteur de 65,5 milliards de dollars américains. Mais qu’en est-il des effets réels des programmes de prêts?
Ces dernières années, deux chercheurs, l’un à l’University College de Londres, l’autre à l’Université Laval, se sont penchés sur cette question jusque-là peu étudiée. En mai 2019, Rodwan Abouharb et Érick Duchesne publiaient les résultats de leur recherche conjointe dans la revue Social Sciences.
Diminution de la croissance
Dans leur analyse, les chercheurs ont étudié 131 pays en développement entre 1981 et 2009. Cette période couvre la mise en place, par la Banque mondiale à la fin des années 1990, d’une réforme visant à améliorer l’efficacité de ses programmes de prêts. «D’une part, nous avons découvert que l’exposition à court terme, de même qu’à plus long terme, aux prêts de la Banque mondiale, loin d’améliorer la croissance économique, a tendance à l’empirer, explique Érick Duchesne, professeur au Département de science politique. Typiquement et en moyenne, durant une période donnée dans une même région du monde, nous avons calculé qu’un pays ayant reçu un prêt a vu sa croissance annuelle diminuer de l’ordre de 3 à 4%, tandis qu’un autre pays n’ayant pas reçu de prêt a vu sa croissance augmenter de 3 à 4%. D’autre part, nous n’avons trouvé aucune preuve que la réforme du début des années 2000 ait permis, entre 1999 et 2009, d’améliorer les taux de croissance des pays concernés.»
Les chercheurs ont fait ces observations tant en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et aux Caraïbes qu’en Asie de l’Est et dans le Pacifique. Sur le plan méthodologique, Rodwan Abouharb et Érick Duchesne ont croisé de multiples données relatives à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, mentionnons l’inflation, le service de la dette, le capital humain, les taux de change, les réserves de devises étrangères, la corruption et le niveau de démocratie.
Le professeur Duchesne insiste sur les facteurs politiques. «Plusieurs de nos modèles n’indiquent pas d’effet significatif de ces facteurs sur la croissance de l’économie, souligne-t-il. Nous n’avons pas trouvé de liens entre des niveaux plus élevés de démocratie et la croissance économique. Cependant, nous avons découvert que les régimes militaires, ainsi que la guerre froide qui a perduré jusqu’à la fin des années 1980, avaient un effet négatif sur ladite croissance.»
Le chercheur rappelle que la Banque mondiale avait une stratégie en deux volets pour sa réforme. L’un de ces volets portait sur la reconnaissance de la dette nationale des pays aidés. «Les économies développées sont largement responsables de l’accroissement de la dette des pays en développement, soutient le professeur, mais ces derniers ne sont pas exempts de reproches. Des sommes faramineuses leur ont été consacrées, mais une bonne partie de cet argent s’est évaporée pour enrichir des autocrates et corrompre l’opposition politique.»
Selon Érick Duchesne, la Banque mondiale tirerait avantage à revenir à ses origines et à se concentrer sur des volets spécifiques comme la réduction de la pauvreté ou le soutien aux organisations non gouvernementales sur le terrain. «Les ressources pour la vérification de la mise en œuvre des programmes de prêts sont insuffisantes, soutient-il. D’un autre côté, des projets ciblés sont souvent plus efficaces. La Banque mondiale voit grand, mais elle devrait peut-être cibler des objectifs plus restreints là où les efforts peuvent avoir un effet plus immédiat. Le soutien aux coopératives dirigées par des femmes et l’allocation de microcrédit en sont de bons exemples.»
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Publié le 26 septembre 2019 | Par Guy Bédard
L’article voit juste et il faut se demander s’il ne faudrait pas une analyse en profondeur de cet outil qui coûte cher aux divers pays participants.
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