Le togolais Yao Assogba, humaniste engagé
Parcours unique d’un diplômé, sociologue et professeur émérite, depuis son pays natal jusqu’au Québec.
Catherine Gagné
Auteur de nombreux articles savants et de livres, dont une récente autobiographie, et coauteur d’une vingtaine d’ouvrages collectifs, Yao Assogba (Sociologie 1975; Administration scolaire 1978 et 1983) présente une trajectoire de vie qui impressionne. Togolais d’origine ifè, il arrive au Québec en 1970, en pleine crise d’octobre. Un an plus tard, l’année de la tempête du siècle, le voilà à Québec pour entreprendre des études universitaires en sociologie.
Celui qui, lycéen au Togo, s’impliquait déjà pour l’avancement de l’éducation des jeunes filles et garçons et pour la défense d’autres causes sociales raconte : «L’Université Laval a été un terreau fertile pour ma vie intellectuelle et mon engagement social.» Fasciné par le «brassage des cultures», il y côtoie d’éminents professeurs en sociologie et en éducation. Ces contributeurs au développement du Québec, affirme-t-il, ont été déterminants dans son propre parcours.
En outre, l’étudiant d’alors s’implique et laisse sa marque sur le campus en devenant président de l’Union générale des étudiants africains à Québec (UGÉAQ). C’est aussi là qu’il rencontre Andrée Tremblay (Orientation 1975) devenue son épouse. L’homme se rappelle quand elle l’a invité au Lac-Saint-Jean pour célébrer Noël. «Pour la première fois, je me suis senti chez moi, malgré la neige, relate le diplômé. Les parents d’Andrée sont agriculteurs, tout comme les miens. Il y avait là une chaleur humaine et un sens de la fête qui m’ont rappelé ma famille et ma culture.»
La suite à Gatineau
Après avoir enseigné comme chargé de cours durant quelques sessions à son alma mater, le jeune diplômé s’installe à Gatineau avec sa conjointe pour y élever leurs trois enfants. Yao Assogba pratiquera son métier de professeur à l’Université du Québec à Hull (aujourd’hui UQO) durant 27 ans. «Voir l’étincelle dans les yeux des étudiants me passionnait, confie-t-il. Je leur disais souvent: “Je ne vous forme pas pour les examens, mais pour vous-mêmes, en tant que personnes et futurs travailleurs”.» C’est un élan humaniste semblable qu’Andrée Tremblay a cultivé en tant que conseillère en orientation. «J’étais intriguée par ce qui motive les gens à choisir un métier et je voulais les soutenir dans leur démarche lorsqu’ils arrivent à un carrefour de leur vie», indique-t-elle.
Profondément engagé dans sa communauté, notamment auprès de la diaspora togolaise au Canada, ce couple altruiste a créé en 2001 la Fondation Lani, dont la mission est d’appuyer des projets de promotion de la vie dans une perspective de prévention du suicide chez les 12 à 25 ans. Comme parents, c’est ainsi qu’ils ont trouvé réconfort dans la lourde épreuve de la perte de leur fils Lani, un adolescent sensible et d’une grande profondeur qui, le 10 novembre 2000, mettait fin à ses jours à l’âge de 18 ans pendant qu’il traversait une grande détresse.
La pérennité
Depuis, la Fondation Lani a soutenu plus de 800 jeunes. «Rien ni personne ne peut remplir le vide laissé par Lani, mais plein de choses et de gens peuvent remplir ma vie, et la Fondation Lani en fait partie», relate Andrée Tremblay. «Quand j’entends les témoignages de jeunes qui se sont reconstruits grâce à la Fondation, je me dis que Lani n’est pas décédé pour rien», ajoute le professeur Assogba. Aujourd’hui grands-parents, les deux complices souhaitent profiter pleinement de leur nouveau rôle tout en continuant de transmettre les valeurs d’entraide qui les animent intensément. Quels sont leurs idéaux pour demain? Une Fondation Lani forte et pérenne. Ils rêvent aussi d’un Togo où règne la démocratie et d’un Québec qui intègre ses immigrants dans l’harmonie.
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