Portrait de famille
Dans le cinéma québécois, les relations familiales sont pour le moins difficiles.
Par Matthieu Dessureault
La famille n’a rien de «jojo» chez nos cinéastes! Andrée Fortin, professeure au Département de sociologie, a épluché 150 longs métrages de fiction, sortis entre 1966 et 2013, dont l’histoire tourne autour d’une relation familiale.
Un des constats qui émane de son analyse, publiée dans Recherches sociographiques. Manifestations contemporaines de la vie familiale: «Le rapport mère-enfants est le plus compliqué. La mère reste dans le silence ou le non-dit et, souvent, l’histoire se termine par une coupure.» Borderline (Lyne Charlebois) en est un exemple: le personnage de Kiki s’enfonce dans la drogue, l’alcool et le sexe alors que le dialogue est impossible avec sa mère schizophrène. On peut aussi penser à Tout ce que tu possèdes (Bernard Émond), Les bons débarras (Francis Mankiewicz) et J’ai tué ma mère (Xavier Dolan).
Ce n’est guère mieux du côté paternel. Il n’est pas rare que le lien soit brisé, l’enjeu du récit étant justement de le renouer. Dans plusieurs cas, une activité en nature permet de rapprocher père et fils, comme une partie de chasse (Un zoo la nuit, Camion, Le temps d’une chasse) ou un séjour en forêt (De père en flic).
Les liens fraternels, en revanche, sont plus forts que tout et s’inscrivent sous le signe de l’entraide et de la solidarité. Souvent, la fratrie partage un toit (Les bons débarras, Un petit vent de panique, Les 3 p’tits cochons). S’il existe une tension, elle se résorbe ou s’atténue généralement. Un constat qui a étonné la chercheuse: dans plusieurs films analysés, l’art est très présent dans la vie des enfants. Cela peut être la danse (La capture), l’écriture (Borderline, L’arrache-cœur) ou le cinéma (Emporte-moi).
Ces exemples peuvent en dire long sur la société québécoise, selon Andrée Fortin: «Bien qu’il ne soit pas un reflet pur et dur de la réalité, notre cinéma présente une fracture entre les générations. L’héritage ne se transmet plus. Les jeunes, qui s’épanouissent avec des gens de la même génération, renforcent leur identité par la pratique des arts et par l’espace partagé. Bref, la quête identitaire passe davantage par le moment présent que par l’héritage.»
La sociologue encourage les Québécois à se déplacer en salle: «Les gens ont parfois des préjugés à l’égard du cinéma d’ici, mais ces films parlent de nous! Si on ne les regarde pas, qui le fera?»
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