Derrière l’écran de vapeur
La fumée de cigarette électronique a des effets néfastes sur certaines cellules de la bouche.
Par Jean Hamann
La cigarette électronique est sans doute moins nocive que la cigarette ordinaire, mais elle n’est pas inoffensive pour autant. En effet, une étude publiée par des chercheurs de l’Université Laval dans le Journal of Cellular Physiology montre que certaines cellules de la bouche exposées directement à la fumée de cigarette électronique meurent en grand nombre dès les premiers jours de vapotage.
L’équipe de Mahmoud Rouabhia, professeur à la Faculté de médecine dentaire et membre du Groupe de recherche en écologie buccale, arrive à ce constat après avoir exposé des cellules d’épithélium de gencive cultivées in vitro à la fumée de cigarette électronique. «L’épithélium buccal est la première ligne de défense de l’organisme contre le monde extérieur», rappelle le chercheur.
Mort cellulaire et dommages biologiques
Pour simuler ce qui se produit dans la bouche d’une personne lors d’une séance de vapotage, les chercheurs ont placé des cellules épithéliales cultivées in vitro dans une petite chambre contenant un peu de liquide faisant office de salive. La fumée de cigarette électronique était introduite dans cette chambre à raison de 2 «inhalations» de 5 secondes par minute pendant 15 minutes chaque jour.
Premier constat: les cellules s’allongent et grossissent dès la deuxième journée d’exposition, et ces changements s’accentuent après la troisième journée. «Il s’agit d’un signe que les cellules évoluent vers la mort», souligne Mahmoud Rouabhia. Second constat: l’activité de l’enzyme LDH, un marqueur qui indique la présence de dommages biologiques, augmente en fonction du nombre d’expositions, passant du simple au double. «Ce résultat suggère que certains composés de la fumée de vapotage sont toxiques pour les cellules de la bouche», ajoute-t-il.
Les observations directes au microscope confirment son hypothèse. Le pourcentage de cellules mourantes ou mortes, qui se situe à 2% dans les cultures de cellules non exposées, passe à 18%, 40% et 53% après 1, 2 et 3 séances d’exposition à la fumée de vapotage. «La fumée de cigarette électronique n’est pas uniquement de la vapeur d’eau, rappelle le chercheur. Elle ne contient pas de composés goudronnés comme la cigarette ordinaire, mais elle expose tout de même les tissus de la bouche et des voies respiratoires aux composés résultant du chauffage de la glycérine végétale, du propylène glycol, des arômes et de la nicotine qu’on trouve dans le liquide des cigarettes électroniques.»
Ces résultats n’annoncent rien de bon, même si les effets cumulatifs de ces dommages cellulaires ne sont pas encore documentés. «Le dérèglement de la barrière de cellules qui assure notre défense peut accroître le risque d’infection, d’inflammation et de maladies parodontales, avance Mahmoud Rouabhia. À plus long terme, il pourrait se solder par un risque accru de cancer. C’est ce que nous voulons vérifier dans la suite de nos travaux.»
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