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Hiver 2014

L’homme derrière l’équipe de ski paralympique

Il y a quatre ans, le diplômé Jean-Sébastien Labrie a mené les athlètes de ski para-alpin jusqu’au podium. Reproduira-t-il l’exploit à Sotchi ?

Après un peu de repos à Québec, Jean-Sébastien Labrie se lance à l’assaut des Jeux paralympiques : derniers préparatifs, compétitions et montées d’émotion.

Il a l’allure du gars d’à côté. Chemise à carreaux, un brin timide, le pas tranquille. À l’heure où paraît ce magazine, son calme aura pourtant chuté d’un cran: Jean-Sébastien Labrie (Géomatique 1996) s’apprête à vivre une seconde aventure paralympique, du 7 au 16 mars,
à Sotchi. En 2010, à Vancouver, lui et son équipe avaient raflé 13 des 18 médailles canadiennes. «Jamais je n’aurais cru être aussi énervé», se rappelle-t-il.

Pendant son enfance à Plessisville, Jean-Sébastien était boulimique de sports: natation, water-polo, golf, baseball… Le hockey en particulier. Jusqu’à ce que des entraîneurs le mettent de côté, au début de l’adolescence: «Trop petit, Labrie». Douche froide! «J’étais pourtant dans les meilleurs! Ça m’a rendu très conscient de la portée des gestes d’un entraîneur sur l’avenir d’un athlète», confie l’homme, 30 ans plus tard. 

Pour digérer cette déception, il se lance dans le ski alpin. Trop tard pour une carrière d’athlète mais, entraîneur certifié à 15 ans, il passe ses journées à la station du Mont Apic, près de chez lui. Puis, à celles de Stoneham et du Relais quand ses études universitaires l’amènent à Québec.

Une formation toujours utile
Cette période, il s’en souvient comme d’un gros défi. Il s’accuse d’avoir manqué d’assiduité pendant son baccalauréat en géomatique. Pas simple, étudier à temps plein quand on entraîne des jeunes la moitié de la semaine. «J’avais beau aimer les cartes et les plans, j’étais déboussolé», illustre le diplômé qui a peu exercé dans son domaine. Des années perdues? «Du tout!, réagit-il. J’ai appris à m’organiser, à respecter des délais serrés. Comme entraîneur et gestionnaire, ça me sert tous les jours.»

Jean-Sébastien Labrie ne croyait pas que le ski allait un jour être son emploi à temps plein. Des offres imprévues l’ont mené sur ce chemin. Stage d’un mois dans l’Ouest avec l’équipe canadienne de ski alpin. Suivi d’un an comme entraîneur avec la division Laurentienne de l’équipe canadienne. Puis, un contrat comme coach au National Ski Academy de l’Ontario. «Ceux-là me réclamaient même si à l’époque je parlais zéro anglais», s’étonne-t-il encore. Même surprise, en 2002, lorsqu’on lui propose d’être entraîneur-chef de l’équipe des femmes de l’Ontario. Toutes ces perches tendues… «Je me suis souvent demandé: pourquoi moi?» François Bourque, ex-porte-couleurs de l’équipe canadienne de ski alpin et actuel entraîneur de l’équipe de ski Rouge et Or, a une explication: «Au-delà de ses connaissances techniques, Jean-Sébastien est humain. Il respecte ses athlètes et sait communiquer avec eux pour en tirer le meilleur.» 

En 2006, Jean-Sébastien Labrie reçoit une autre proposition: joindre l’équipe canadienne de ski para-alpin à titre d’entraîneur adjoint, assortie d’un objectif clair, une performance maximale de cette équipe aux Jeux paralympiques de Vancouver 2010. «J’avais la chance d’accompagner des athlètes jusqu’à cette expérience ultime en découvrant une nouvelle facette du ski.» Côtoyer des personnes handicapées ne comportait aucun inconfort pour lui, dont le père était atteint de sclérose en plaques. «Certaines personnes du milieu ont pourtant craint que ce poste nuise à ma crédibilité», déplore-t-il.

À l’époque, l’équipe bénéficiait de peu d’encadrement. Rapidement promu entraîneur-chef, Jean-Sébastien Labrie a bâti avec ses collègues un programme aux exigences rehaussées. Il s’est notamment appuyé sur la revue exhaustive des rares données qui concernent l’entraînement des personnes vivant avec un handicap. «Là aussi, note-t-il, ma formation en sciences m’a servi.» Les athlètes, eux, étaient fins prêts à repousser leurs limites. «Handicapés ou pas, les sportifs de haut ni-veau sont très assidus et savent que chaque geste compte», soutient le pro.

Les résultats n’ont pas tardé: en 2009, le Canada devenait la meilleure nation sur le circuit de la Coupe du monde. Et la même année, Jean-Sébastien Labrie obtenait le Prix d’excellence Petro-Canada aux entraîneurs ainsi que le trophée Andrzej-Kozbial d’entraîneur international de l’année. En 2010, il raflait le titre d’entraîneur du mois de mars de l’Institut national du sport du Québec pour la performance de son équipe aux Jeux de Vancouver. 

«Jean-Sèb’ ne s’en pètera jamais les bretelles, mais une part des succès de l’équipe para lui revient», juge François Bourque. Le «coupable» l’admet avec modestie, précisant qu’il n’est pas seul dans sa barque: une douzaine d’athlètes, les autres entraîneurs, le médecin, le physiothérapeute, le psychologue et les techniciens. «J’aime rallier ces gens, mais je ne me suis jamais senti comme leur boss», module-t-il. Selon François Bourque, c’est que son leadership s’impose naturellement.

Sotchi et les émotions
Avec Sotchi dans la mire, c’est sans hésiter que Jean-Sébastien Labrie replonge dans l’expérience paralympique en 2012. L’équipe place la barre haut, comme à Vancouver, mais les défis sont différents: plus d’athlètes inexpérimentés et le vétéran Chris Williamson, grand espoir de médailles, blessé cet été. «Mon appui psychologique au groupe a été primordial dans les circonstances», note l’entraîneur-chef qui a passé l’automne à régler les détails d’hôtels, de repas, d’accréditations, de vols et d’entretien d’équipements. Tout pour assurer à ses athlètes des conditions optimales.

Sur place, l’homme s’attend à beaucoup de stress. Un programme soutenu de compétitions et des attentes quotidiennes de performances, ça essouffle. L’expérience de 2010 l’aidera à gérer la pression, se rassure-t-il. Pour les montées d’émotion, c’est moins sûr! «Des milliers de spectateurs et tes athlètes sur le podium, c’est touchant: à Vancouver, je me suis fait prendre la larme à l’œil…» 

L’après-ski
Les Jeux achevés, le boulot de Jean-Sébastien Labrie se poursuivra à coups de courriels, de téléphones et de conférence téléphoniques: bilans, états financiers, budgets à venir. Puis, il guidera son équipe vers les Championnats du monde de février 2015, à Panorama, en Colombie-Britannique. Après? L’heure sera à la réflexion. «Je ne suis plus jeune», remarque sans sourciller celui qui fêtera ses 43 ans en mai. Il évoque la fatigue liée aux déplacements. Entre l’Europe, l’Asie et son bureau de Calgary, le résidant de Québec passe jusqu’à sept mois par an sur la route. 

Ses plans d’avenir? Une carrière où il gardera contact avec le sport. Où il pourra faire une place à sa récente passion pour la photographie. La course à pied est aussi dans ses plans. En 2011, à une température aux antipodes de celle des pentes de ski, il a complété son premier marathon, à Québec. Il ne visait aucun record. «Je voulais comprendre mes athlètes qui vont au bout de ce qu’ils entreprennent.» Un vrai leader prêche par l’exemple, croit-il. Pareil pour les choix personnels. Fonder une famille aurait été difficile avec son mode de vie: «Je demande des sacrifices à mes athlètes, c’est normal que j’en fasse aussi.»

Le coach n’a toutefois aucun regret. Des 90 m de dénivelé du mont Apic aux 1000 m et plus des montagnes de Sotchi, il est fier du chemin parcouru. «Le sport m’a amené à être une meilleure personne, à mieux me comprendre.» Il le sait, même si les horaires de 9 à 5 l’attirent dorénavant, son penchant pour les voyages et l’adrénaline ne seront jamais loin. «C’est le paradoxe de ce métier. Et je l’assume tout à fait.»

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  1. Publié le 17 mars 2014 | Par Louise Desautels

    À Sotchi, l'équipe de Jean-Sébastien Labrie a récolté 8 des 16 médailles canadiennes.
  2. Publié le 4 mars 2014 | Par Louise Desautels

    @Louise Vézina
    ICI Radio-Canada Télé diffusera 4 émissions spéciales sur les Jeux paralympiques d'hiver à Sotchi, dans le cadre de «Sport week-end», les samedis 8 et 15 mars 2014, de 14h à 15h, le vendredi 14 mars de 0h à 2h et le samedi 22 mars de 14h à 17h.
    Pour d'autres détails sur la télédiffusion de l'événement, voir http://www.paralympic.ca/fr
    Finalement, on peut télécharger l'application Web Équipe paralympique canadienne.
  3. Publié le 27 février 2014 | Par Louise Vézina

    J'ai adoré l'article. Belle initiative que celle de nous faire connaître des gens d'exception!
    J'aurais aimé y trouver des informations en rapport à la télédiffusion de certaines des épreuves présentées aux Jeux paralympiques. À Vancouver, nous avions pu en voir à la télé.

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