Ici Catherine Perrin
Animatrice, musicienne, auteure, la diplômée aux multiples intérêts a tout d’une femme-orchestre.
Par Renée Larochelle
Lorsqu’elle a annoncé son départ de l’émission Médium large, en juin 2019, l’animatrice Catherine Perrin (Musique 1982) a probablement fait bien des malheureux chez les milliers d’auditeurs qui l’écoutaient fidèlement depuis huit ans, le matin, en semaine, à la radio de Radio-Canada. Ils ont pu toutefois se consoler puisque la dame n’a pas délaissé le micro. Elle conduit, depuis l’automne dernier, l’émission Du côté de chez Catherine, le dimanche après-midi, sur les ondes de la même chaîne. La formule hebdomadaire lui permet de fouiller davantage ses sujets et, aussi, d’aller à la rencontre des gens pour faire des entrevues sur le terrain, chose inimaginable du temps où elle accueillait entre 35 et 40 invités par semaine.
«Tous les vendredis, c’est un rituel, raconte Catherine Perrin. Je vais à la bibliothèque du quartier ou à la station de métro Ahuntsic, à Montréal, près d’où j’habite. Je demande aux gens de donner leur opinion sur un sujet qui sera présenté à l’émission. J’aime ce contact direct.» Autre avantage de taille à son nouveau statut: du temps pour lire, regarder des séries et des films pour son propre plaisir, ce qu’elle a fait davantage par devoir pendant ses années à Médium large. «Je reprends lentement contact avec des auteures que j’apprécie particulièrement: l’une française, Delphine de Vigan, et l’autre québécoise, Dominique Fortier», lance avec enthousiasme la belle quinquagénaire.
Les arts dans la famille
Née à Sainte-Foy, dans la région de la Capitale-Nationale, Catherine Perrin est la deuxième des trois filles de la famille. Elle a grandi entre un père juriste, grand amateur de musique classique, et une mère à la maison, boulimique de lecture. L’un des souvenirs qu’elle garde avec bonheur concerne justement cette maman friande de littérature. «Lorsque nous rentrions, après l’école, nous trouvions souvent notre mère assise par terre dans l’une des chambres, l’aspirateur éteint à côté d’elle, complètement absorbée dans la lecture d’un roman.»
Apprendre à jouer d’un instrument faisait partie du cours normal des choses dans la famille. Pour la jeune Catherine, ce sera le piano, jusqu’au jour où, assistant à une interprétation du Concerto pour quatre clavecins de Jean-Sébastien Bach, au Grand Théâtre de Québec, elle ressent un véritable coup de foudre pour cet instrument. Par un heureux hasard, un ami de son père, parti vivre en Europe, a laissé aux Perrin son clavecin en consigne. «Au début de l’adolescence, j’étais plutôt maigre, et le piano, de par sa stature imposante, m’intimidait physiquement, souligne Catherine Perrin. C’est comme si, avec le clavecin, j’avais trouvé exactement le bon rapport de force.» À 13 ans, la voilà donc admise au conservatoire de musique pour faire l’apprentissage de cet instrument.
En amour avec le clavecin
De cette période, où elle est par ailleurs élève appliquée à l’école secondaire De Rochebelle, jusqu’à la fin de son baccalauréat en musique à l’Université Laval, la jeune Catherine ne voit pas son avenir ailleurs que dans le domaine musical. Sur le campus, elle a le privilège d’avoir comme professeur Scott Ross, un virtuose du clavecin décédé en 1989, qui continue d’être une référence de premier ordre dans l’interprétation des œuvres de Bach, de Rameau, de Scarlatti. Entre 1973 et 1986, la présence de ce musicien exceptionnel à la Faculté de musique attirait beaucoup d’étudiants provenant d’Europe et d’Amérique latine. «C’était un milieu formidable et très stimulant, se rappelle Catherine Perrin. Nous réalisions toutes sortes de projets, liés à la musique contemporaine, entre autres. Je ne regrette qu’une chose: ne pas avoir assez profité de la vie étudiante durant ces trois années. Il faut comprendre qu’à la Faculté, nous étions dans une espèce de serre, au sens presque botanique du terme!», illustre-t-elle en riant.
Richard Paré a côtoyé Catherine Perrin sur les bancs de l’Université en plus de l’avoir connue au Conservatoire de musique de Québec, dès la fin des années 1970. «Quand j’ai entendu Catherine jouer pour la première fois, je me suis dit que cette fille savait vraiment comment faire résonner un clavecin!», relate celui qui est aujourd’hui professeur d’orgue, de clavecin et de musique ancienne à la Faculté de musique. Elle m’impressionnait par sa façon de jouer et par son grand esprit de curiosité.»
Au Conservatoire de musique de Montréal, où la claveciniste poursuit sa formation après l’Université Laval, on lui décerne le Premier Prix à l’unanimité lors de la collation des grades.
Une voix qu’on a le goût d’entendre
Par la suite, la jeune femme s’envole pour l’Europe afin d’y poursuivre ses études au Conservatoire royal de La Haye, aux Pays-Bas, d’où elle revient avec un certificat en interprétation. De retour à Montréal, elle se rend vite compte que vivre du clavecin n’est pas facile. Elle décide d’ajouter une corde à son arc en s’inscrivant au certificat en communication, à l’Université du Québec à Montréal. Coup de chance, la chaîne culturelle de Radio-Canada – qui diffusait alors presque exclusivement de la musique classique – recherche des spécialistes dans ce domaine pour remplacer des chroniqueurs durant la nuit et en période estivale. Ainsi débute l’aventure radiophonique pour Catherine Perrin.
De 2005 à 2009, on la retrouve aux côtés de René Homier-Roy, à la populaire émission C’est bien meilleur le matin, où elle commente l’activité culturelle. En 2011, on lui propose d’animer le magazine qui deviendra Médium large, à la suite du départ de Christiane Charette à ce créneau d’antenne. «J’étais folle de joie… et de trac, se rappelle-t-elle. C’était tout un défi! La première année a été difficile, mais j’ai fini par trouver ma place.» La suite des choses le prouvera: en 2013, Catherine Perrin reçoit le prix Coup de cœur du grand public du Conseil supérieur de la langue française, qui rend hommage à son aptitude à rendre intéressants tous les sujets qu’elle aborde et à sa capacité d’écoute exceptionnelle.
À cet égard, Richard Paré se dit peu surpris de la brillante carrière d’animatrice menée par son ancienne collègue de classe, avec qui il continue d’ailleurs de donner des concerts à l’occasion. «Il y a des voix qu’on a le goût d’entendre à la radio, et celle de Catherine en fait partie», constate le professeur Paré.
Des moments inoubliables
Durant son passage à Médium large, Catherine Perrin a interviewé des milliers d’invités. Certains l’ont évidemment marquée plus que d’autres. C’est le cas de Denis Mukwege, ce gynécologue qui soigne et répare les mutilations génitales chez les femmes victimes de viols et de violences sexuelles en temps de guerre, et ce, au péril de sa vie. Militant des droits humains congolais, il a reçu le prix Nobel de la paix en 2018. «L’entrevue a été très émouvante, sans compter que nous étions fiers de pouvoir faire connaître cet homme admirable à notre auditoire», commente l’animatrice. Par ailleurs, elle n’aime rien autant que ces moments où il se passe quelque chose d’imprévisible avec un invité, comme ce fut le cas avec Sophie Thibault, chef d’antenne au journal de 22 h du réseau TVA. «Au fil de l’entretien, Sophie a fait allusion au fait qu’elle avait une conjointe dans sa vie. C’était la toute première fois qu’elle en parlait en public. J’avais réussi à créer un climat de confiance qui l’a amenée à faire cette confidence tout naturellement.»
À la télé, Catherine Perrin a aussi fait sa marque, tenant la barre du magazine de cinéma Le septième à Télé-Québec, de 2000 à 2004, et, plus tard, du magazine culturel Six dans la cité, à Radio-Canada. Elle a également publié Une femme discrète aux éditions Québec Amérique, en 2014, «un genre d’enquête scientifique», comme elle qualifie ce récit, où elle établit des liens entre la maladie dont a souffert sa mère à la fin de sa vie et un traumatisme vécu par celle-ci dans sa petite enfance. L’automne dernier, l’auteure a terminé un premier roman qui porte sur le pouvoir thérapeutique de la musique et dont la parution est prévue cet hiver.
Mère de deux jeunes adultes, Catherine Perrin est également une citoyenne engagée. Elle a conçu un projet bénévole dont la formule est simple: un communicateur passionné de culture – animateur, journaliste, chroniqueur – propose une sortie culturelle à un groupe d’immigrants fréquentant deux centres de francisation de Montréal. Cette sortie permet au groupe d’assister à des représentations comme celles du Théâtre du Rideau Vert, de l’Opéra de Montréal, des Grands Ballets canadiens, de la Cinémathèque québécoise, ou encore à des événements comme le festival Coup de cœur francophone. L’activité est suivie d’une discussion au cours de laquelle les participants échangent sur le spectacle, parlent de liberté d’expression, de sens critique, etc. Pour l’instigatrice, il s’agit d’un excellent moyen d’intégrer les personnes immigrantes à la société québécoise.
Cette même société irait plutôt bien, selon elle, sauf sur le plan environnemental où nous serions tous un peu «hypocrites». «On se fait croire qu’on est une nation verte, tout en ne voulant pas perdre nos acquis. Je ne dis pas qu’il faut renoncer à notre confort, mais on doit le repenser à notre mesure, en marchant, en prenant les transports en commun pour aller au travail, faire nos courses ou simplement pour nous garder en forme.»
Faire avancer les choses
Où se voit Catherine Perrin dans 10 ans? «D’abord, j’aimerais être en vie et en santé», indique-t-elle avant d’affirmer qu’elle souhaite continuer à redonner à la société, elle qui considère avoir beaucoup reçu. Quand on lui demande ce qui la fait vibrer, la réponse fuse: se retrouver en pleine nature, à la campagne, là où elle peut faire le plein d’énergie, avec son mari, le bassoniste et chef d’orchestre Mathieu Lussier, également vice-doyen de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, «un homme au moins aussi occupé que moi», mentionne-t-elle. Certaines choses la réjouissent particulièrement, comme les projets socialement responsables. «Quand j’entends parler d’une entreprise qui a réussi à électrifier ses camions, que cela a permis de diminuer son bilan de gaz à effet de serre, qu’un groupe se mobilise autour d’un but, en somme, ça me rend heureuse! Bref, j’aime les choses qui avancent.»
***
Discrète musicienne
Malgré une feuille de route impressionnante, Catherine Perrin voit sa carrière de musicienne à une échelle modeste. «Je participe à peu de concerts, pour maintenir une qualité malgré tout le reste de mes activités», répond-t-elle lorsqu’on l’interroge sur sa pratique musicale. N’empêche que son premier disque solo, 24 Préludes – qui couvre cinq siècles de préludes au clavecin – paru chez ATMA en 1998, a été accueilli avec enthousiasme par la critique, tout comme son disque ayant pour titre Ah! vous dirai-je maman salué d’un prix Coup de cœur de la revue française Piano. On a pu aussi entendre la claveciniste sur les scènes du Québec avec l’Ensemble contemporain de Montréal, les Violons du Roy et l’orchestre de chambre I Musici de Montréal. Avec ce dernier orchestre, elle a enregistré le Concerto pour clavecin d’Henryk Górecki, sous étiquette Chandos. Paru en 1998, le disque avait été coté 10/10 par Répertoire, un magazine français spécialisé en musique classique publié jusqu’en 2004, en plus de remporter deux prix Opus, décernés par le Conseil québécois de la musique.
Depuis 2008, avec Mathieu Lussier au basson et Denis Plante au bandonéon, Catherine Perrin forme un trio, Bataclan, qui se produit à l’occasion sur scène. Le groupe a un répertoire musical qui évoque le tango sud-américain et l’Europe des cabarets. Elle continue également de se produire dans le cadre d’un théâtre musical sur le thème des fables de La Fontaine, où elle agit comme musicienne et narratrice. Comprenant 11 fables, ce spectacle marie la musique du compositeur québécois Denis Gougeon à celle du grand Jean-Philippe Rameau.
Le plus récent concert de Catherine Perrin a eu lieu le 1er décembre dernier, au Palais Montcalm, à Québec, et rendait hommage au regretté professeur Scott Ross. À cette occasion, la dame s’est jointe à trois autres musiciens pour interpréter le Concerto pour quatre clavecins de Jean-Sébastien Bach, la même pièce ayant déclenché sa passion pour le clavecin lorsqu’elle était adolescente. Par les temps qui courent, cette musicienne accomplie affirme écouter davantage de musique qu’elle n’en fait, et ce, aux fins de la chronique sur la musique classique qu’elle rédige deux fois par mois pour le quotidien La Presse. «Les seuls genres de musique qui ne m’ont pas encore rejointe – et je vous assure que je fais bien des efforts en ce sens – c’est le rap et le hip-hop», rapporte-t-elle avec humour.
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Jusqu’à tout récemment, j’ignorais, je l’avoue, son impressionnante feuille de route musicale. Un volet que je tiens à découvrir!
Merci, Catherine, d’avoir été et d’être la personne que vous êtes.
Elizabeth Crettenand
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Votre présence à la radio est trop courte maintenant!
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