Éblouis par l’aura santé
L'idéalisation de certains aliments n'aide pas les consommateurs à y voir plus clair.
Par Jean Hamann
Qu’est-ce qui fait le plus engraisser: trois tranches de bacon ou une banane? Si vous avez choisi le bacon, vous faites erreur, car le nombre de calories est équivalent dans les deux cas. Mais rassurez-vous, la plupart des gens pensent comme vous. L’aura santé conférée à certains aliments complique la tâche des consommateurs soucieux de leur alimentation, constatent Véronique Provencher et Raphaëlle Jacob, de l’École de nutrition et de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), dans un article synthèse de la revue Current Obesity Reports.
Présentation et classe d’aliments
Plusieurs facteurs influencent la perception que nous avons d’un aliment, rappellent les deux chercheuses. Le premier est la façon dont le produit est présenté. L’équipe de Véronique Provencher l’a bien montré en invitant des sujets à manger des biscuits avoine et raisins. Lorsque ces biscuits étaient présentés comme une nouvelle collation santé, les sujets en consommaient spontanément 35% de plus que ceux à qui l’on disait s’agir de biscuits gourmets faits avec du beurre et de la cassonade.
Un autre élément qui confond le consommateur est la parenté d’un produit avec une classe d’aliments valorisés, les légumes par exemple. C’est ainsi que les salades sont automatiquement considérées comme faibles en calories parce qu’elles contiennent des légumes, peu importe la quantité de bacon, de fromage et de vinaigrette grasse ou sucrée qu’on y trouve.
Le consommateur peut également se laisser berner par la puissance d’une marque, poursuit la chercheuse. Ainsi, on a demandé à des sujets d’évaluer des biscuits de marque Kashi, réputée pour ses produits santé, en laissant croire à la moitié des participants que la marque était plutôt Nabisco. La cote de satisfaction pour la saveur et l’évaluation globale des biscuits étaient plus faibles chez les sujets qui croyaient manger des produits Nabisco.
Les consommateurs tentent de faire des choix alimentaires rationnels, mais l’abondance d’information nutritionnelle complique les choses, constate Véronique Provencher: «Devant un problème complexe, l’esprit humain cherche des règles simples: si un produit contient des légumes, des probiotiques ou des oméga-3, s’il est faible en gras ou s’il est fabriqué par une marque réputée santé, il doit s’agir d’un bon aliment. Ces raccourcis biaisent les perceptions, les choix et parfois même les portions qu’on s’autorise.»
La chercheuse propose une riposte sur deux fronts: continuer d’améliorer l’offre de produits sains pour favoriser les bons choix alimentaires et inviter les consommateurs à miser davantage sur leur intuition. «Au lieu d’aborder la question en termes de bons et de mauvais aliments ou de quantité de gras, de sucre et de calories, il faut considérer son panier d’épicerie dans sa globalité, en s’assurant de faire une bonne place aux fruits et légumes ainsi qu’aux aliments peu transformés, qu’on va prendre le temps de cuisiner et d’apprécier.»
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