À la poursuite du rêve américain
La géographe Danièle Bélanger a observé les déplacements des migrants latino-américains.
Par Pascale Guéricolas
Les images spectaculaires de familles traversant la Méditerranée sur de frêles esquifs ne disent pas tout de la réalité des migrants. Il existe aussi, dans les Amériques, des centaines de milliers de personnes qui prennent chaque année la direction du Nord. Elles fuient la violence et la pauvreté du Honduras, du Guatemala et du Salvador en espérant se rendre jusqu’aux États-Unis par les routes du Mexique. C’est à cette réalité que s’intéresse Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie. Avec son étudiant au doctorat Guillermo Candiz et d’autres spécialistes de la question, elle vient de publier Rethinking Transit Migration, paru chez Palgrave (Grande-Bretagne).
Depuis deux ans, les chercheurs ont observé de près les routes mexicaines empruntées par ces migrants, qui mettent plusieurs semaines, plusieurs mois ou même des années à se rendre d’un bout à l’autre du pays. Un parcours qui n’a rien de linéaire et qui compte bien plus de serpents que d’échelles. Enlèvements, viols, extorsions de fonds, accidents ferroviaires, tous les migrants rencontrés pour les besoins de cette étude racontent l’extrême violence qu’ils ont eux-mêmes subie ou qu’on leur a rapportée. Plusieurs renoncent à parvenir aux États-Unis et s’établissent au Mexique.
Il faut dire que, pour les gangs de narcotrafiquants et autres bandits de grands chemins, ce flux continuel de voyageurs prêts à tout pour vivre le rêve américain constitue une véritable manne. «Beaucoup de migrants disposent de ressources transnationales, explique Danièle Bélanger. Ils ont souvent des amis ou de la famille aux États-Unis, que les kidnappeurs contactent pour demander une rançon. Sur la route, on ne sait jamais à quel endroit les enlèvements vont avoir lieu.» Sans parler des nombreux passeurs, les «coyotes», qui réclament 5000$ pour aider à traverser la frontière et qui ne tiennent pas toujours parole.
Au cours de leur étude, la géographe et ses collègues ont constaté que les migrants communiquent beaucoup sur les réseaux sociaux pour trouver les informations les plus à jour, susceptibles de garantir leur sécurité. Depuis peu, leur voyage se complique encore plus avec le renforcement de la sécurité à toutes les portes d’entrée mexicaines et des contrôles dans le pays. «La fermeture de la frontière sud ne freine pas le flux migratoire, mais elle favorise la croissance d’une véritable industrie de la sécurité, constate Guillermo Cadiz. Le Mexique dépense une fortune pour refouler les immigrants.»
Danièle Bélanger juge important de faire connaître la réalité de ceux qui fuient leur pays et de combattre les préjugés: «On valorise la mobilité de nos étudiants ou de certaines marchandises, tout en considérant les migrants comme de possibles terroristes. De plus en plus, la migration humaine devient un marqueur d’inégalité.»
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