La philanthropie selon trois diplômés
Des diplômés témoignent de l'état de la philanthropie aux États-Unis, aux Pays-Bas et en France.
Par Eva Canac Marquis Dumas, Association des diplômés de l'Université Laval
Ces témoignages s’inscrivent dans la suite de l’article Quand donner rend heureux.
États-Unis: une culture solidaire et philanthrope
Selon Laurence Laliberté (Administration des affaires 2005 et 2007), la philanthropie est une tradition bien établie chez nos voisins du sud. «Les valeurs de liberté, d’appel à l’action et de responsabilité personnelle sont à la base de la culture américaine. L’État intervenant beaucoup moins qu’au Québec, la philanthropie joue un rôle important dans l’économie sociale», explique-t-elle.
Directrice associée à la chaîne d’approvisionnement à la Houston Food Bank, la plus grosse banque alimentaire en Amérique, Laurence Laliberté remarque que le bénévolat est encouragé dès un très jeune âge aux États-Unis. «À la Food Bank, les jeunes peuvent faire du bénévolat dès l’âge de six ans. Plusieurs écoles l’incorporent maintenant dans leur curriculum, et les groupes religieux le valorisent», précise-t-elle.
D’ailleurs, la Food Bank a bénéficié, en 2014, du soutien de 60 000 bénévoles, en plus de recevoir des contributions en argent d’environ 45 000 individus. Près de 75% des denrées distribuées par son équipe proviennent également de généreux donateurs.
Pour expliquer cette culture philanthropique nationale, elle évoque l’immigration et la religion. «L’immigration, d’une part, parce qu’un nombre élevé de citoyens viennent d’ailleurs et que l’altruisme est pour eux une façon de rendre ce qui leur a été donné. La religion, d’autre part, car elle occupe une grande place dans la vie des Américains et qu’elle est en soi un foyer de charité», estime-t-elle. «J’ajouterais avoir remarqué que les Américains sont des gens d’action et qu’ils sont très solidaires les uns avec les autres, malgré leurs différences.»
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Aux Pays-Bas et sur le terrain: des donateurs informés et intéressés
Fabienne Gilles (Administration 2002) exerce un métier singulier: celui d’agente des ressources humaines sur le terrain pour Médecins Sans Frontières (MSF). Financée à 80% par des dons privés et ne publiant pas le nom de ses donateurs, l’organisation assure sa neutralité et son impartialité. «Le don est avant tout une occasion de faire un geste généreux», prône-t-elle.
À ses débuts auprès de MSF, en 2006, Mme Gilles, qui est basée aux Pays-Bas, a eu l’occasion de rencontrer quelques donateurs majeurs. Impressionnée, elle se souvient de leur fort intérêt envers les nouvelles de l’organisation. «Ils étaient très informés sur nos activités et lisaient attentivement nos lettres d’information. Par exemple, raconte-t-elle, deux d’entre eux avaient vécu en Afrique, et leur expérience les avait sensibilisés aux injustices. Ils étaient heureux de pouvoir faire la différence et nous remerciaient pour le travail accompli et les risques encourus.»
Pour Fabienne Gilles, le don s’accompagne d’une responsabilité autant pour le donateur que pour l’organisme. Elle juge que l’argent gaspillé ou mal dépensé n’est pas sans conséquence. «Les donateurs accordent leur confiance et il est important de les respecter en retour.» Son conseil: toujours s’informer sur l’organisme à qui l’on donne et sur la manière dont l’argent sera dépensé.
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France: où la philanthropie s’enracine
Française d’origine, Anne-Claire Museux (Service social 2014) est conseillère en développement social à la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador. Bien que la philanthropie reste discrète dans son pays natal, Mme Museux croit qu’elle a connu un essor important au cours des dernières décennies. En fait, selon Le Monde économique, les actifs des fonds et des fondations en France ont bondi de 72 % depuis 2001.
Anne-Claire Museux est d’avis que l’importante médiatisation déployée au début des années 2000 autour de Bill Gates et de Warren Buffet, deux philanthropes américains reconnus, a marqué un tournant dans l’histoire de la philanthropie en France. « Pendant cette même période, le ministère français de la Culture et de la Communication a augmenté les incitations fiscales aux dons. Pour les particuliers, il a fait passer le taux de déduction de leurs impôts à 66 % du montant versé et a augmenté le plafond limitant les dons déduits de 10 % à 20 % du revenu imposable », explique-t-elle.
La conseillère ajoute que la jeune génération de philanthropes n’hésite plus à s’investir en transférant ses compétences professionnelles vers différentes missions philanthropiques. « Il est possible de considérer que cette culture philanthropique est le reflet d’une nation souhaitant investir son argent dans des projets porteurs de sens, d’avenir, avance-t-elle. La philanthropie serait alors une stratégie permettant d’exercer son rôle de citoyen, de s‘impliquer
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