La génération Y au travail
De nombreux employeurs mettent les bouchées doubles pour attirer et garder des jeunes au sein de leur équipe. Bienvenue à la relève!
Par Matthieu Dessureault
La tendance est au vieillissement de la main-d’œuvre. En 2012, les personnes de 15 à 39 ans représentaient 49% de la population en âge de travailler, comparativement à 64,1% en 1982, selon Statistique Canada. Dans ce contexte, le recrutement et la rétention des jeunes dans les milieux de travail deviennent un enjeu important. Comment les entreprises s’adaptent-elle à la situation? Contact en a discuté avec François Bernard Malo, professeur agrégé au Département des relations industrielles de l’Université Laval et président-fondateur d’Icare Ressources humaines, un cabinet de spécialistes en recrutement. M. Malo est également l’auteur du livre Le recrutement, la sélection et l’accueil du personnel, publié aux Presses de l’Université du Québec en 2011.
L’âge des candidats doit-il entrer en ligne de compte lorsqu’il est question de recrutement?
Lorsqu’on recrute du personnel, on cherche d’abord et avant tout des gens qui ont un certain nombre de compétences et du potentiel. Par compétences, j’entends le savoir-faire et le savoir-être qui sont spécifiques à un poste. A priori, un recruteur ne choisit pas des jeunes ou des vieux.
Une fois qu’on a approché un nombre suffisant de candidats possédant ces compétences, on peut privilégier ceux qui ont plus d’expérience, donc des travailleurs plus âgés. On peut tenir pour acquis qu’ils feront moins d’erreurs, ou encore qu’ils connaissent plus intimement les ficelles du métier. Ou on peut choisir un travailleur plus jeune, par exemple dans le cas d’une organisation qui œuvre dans un domaine en pleine ébullition. Certaines entreprises préfèrent embaucher des personnes qui maintiendront volontiers à jour leurs connaissances et seront avides de développer de nouvelles compétences.
Les entreprises québécoises favorisent-elles vraiment les compétences plutôt que l’âge?
De plus en plus. Avec la professionnalisation de la gestion des ressources humaines, on constate que les employeurs font mieux les choses qu’auparavant. Évidemment, on voit encore des cas de discrimination en fonction de l’âge, mais cela se produit de moins en moins.
L’attitude des jeunes envers le travail est-elle la même que celle de leurs aînés?
Plusieurs recherches ont été effectuées sur les adultes nés après 1980, une cohorte qu’on nomme la génération Y. Leurs auteurs ne s’entendent pas forcément sur toutes les caractéristiques de ce groupe. Mais de façon générale, on peut dire que les jeunes sont plus instruits que ceux des générations précédentes. Étant conscients de leur valeur, ils sont beaucoup plus exigeants en termes de rémunération et de progression de carrière.
Certains chercheurs trouvent que les nouvelles générations sont plus mobiles, volages, voire infidèles ou impatientes, que les générations précédentes. Elles seraient davantage portées à «magasiner» leur employeur. Ce magasinage s’explique entre autres par le contexte économique et démographique. Les jeunes ne sont pas fous; avec la pénurie de plus en plus importante de main-d’œuvre, ils savent qu’ils ont désormais le gros bout du bâton. Ils n’hésitent pas à partir à la recherche d’un employeur en mesure de leur donner ce qu’ils veulent. C’est un comportement purement rationnel.
Comment un employeur peut-il attirer et retenir les jeunes au sein de son organisation?
La rémunération demeure une variable importante, mais toutes les études montrent que c’est d’abord la qualité du travail qui prime chez les jeunes: un environnement de travail où ils pourront faire preuve d’autonomie et de responsabilité, en plus de recevoir du soutien de leur supérieur hiérarchique. Les jeunes recherchent un milieu riche où ils peuvent s’épanouir. Pour eux, les relations interpersonnelles comptent énormément. Le travail n’est pas seulement une façon de gagner de l’argent, mais aussi une manière de grandir, de se développer et d’avoir du plaisir. Ils recherchent aussi une souplesse en termes d’horaire et de lieu de travail, ce que favorisent les technologies de communication. Par exemple, ils souhaitent avoir la possibilité de faire du télétravail, que ce soit de jour, de soir ou de fin de semaine, ou tout autre arrangement qui leur permette de concilier leurs besoins personnels et professionnels.
Parlant de technologies, celles-ci peuvent-elles s’avérer efficaces pour dénicher la perle rare?
Absolument, les technologies ouvrent de nouvelles possibilités, et de plus en plus d’employeurs vont dans cette direction. D’abord, plutôt que de faire paraître une offre d’emploi dans un journal, comme dans le bon vieux temps, ils publient l’annonce sur leur site Web. Ces annonces sont ensuite transmises par les employés à leurs contacts grâce à Facebook ou LinkedIn: les employés deviennent eux-mêmes des recruteurs pour l’organisation.
Mais il y a plus. En termes de sélection des candidats, les technologies de l’information et des communications proposent des outils qui remplacent avantageusement des moyens traditionnels comme l’analyse du CV et l’entrevue non structurée. On voit de plus en plus de jeux vidéo, de logiciels spécialisés ou de simulateurs permettant de tester les aptitudes des candidats. Par exemple, un employeur du domaine de la vente aura recours à des simulateurs de gestion où les candidats sont placés face à des clients virtuels dont il faut deviner les besoins et pour lesquels il faut mettre en place une stratégie de vente.
Beaucoup de jeunes employés souhaitent accroître leurs compétences. La responsabilité de la formation incombe-t-elle à l’employeur ou au travailleur?
Aux deux. C’est clair que le travailleur a la responsabilité de mettre à jour ses connaissances. Mais de mon point de vue, dans un monde en constante évolution, où les compétences requises sont de plus en plus pointues, l’entreprise a aussi la responsabilité d’investir dans la formation de son personnel. Heureusement, au Québec, il existe une loi qui favorise le développement de la main-d’œuvre. Cette loi est régulièrement critiquée par certains entrepreneurs, qui la voient comme une obligation contraignante. Il faut comprendre qu’elle ne sert pas à obliger les employeurs à faire ceci ou cela, mais bien à susciter une prise de conscience de leur responsabilité dans le développement des compétences de leurs employés, les jeunes comme les plus âgés.
Quel est le principal défi de la cohabitation intergénérationnelle au travail?
Je ne crois pas qu’il y a des défis particuliers, à part la possibilité de conflits liés à l’incompréhension mutuelle. Par exemple, il peut y avoir des préjugés de la part des travailleurs âgés voulant que les jeunes ne soient pas sérieux, travaillants ou professionnels. À toutes les époques, il y a eu des stéréotypes à l’égard des jeunes. Il est temps de les déconstruire et de se rendre compte que les nouvelles générations ne correspondent
pas nécessairement à l’image négative qui leur est parfois associée. Si l’on veut une certaine harmonie entre les employés, il faut privilégier la coopération et la communication entre eux. Cela peut se faire par des programmes de mentorat ou de parrainage. Un employé d’expérience pourrait ainsi prendre sous son aile un jeune qui sort de l’école afin de lui transmettre les trucs du métier. En même temps, il pourrait réaliser que les jeunes ne sont pas comme on se l’imagine parfois.
Au Québec, dans plusieurs secteurs économiques, on a pris conscience qu’il faut s’adapter aux jeunes et apprendre à mieux les connaître, si on veut les rejoindre. Les domaines des mines, du textile, du caoutchouc ou du commerce de détail, notamment, doivent améliorer leur visibilité auprès des nouvelles générations pour assurer la relève.
Comment s’y prendre?
Pour trouver de la main-d’œuvre, il faut se rendre là où elle est et adopter des méthodes susceptibles de la rejoindre. Dans le cas des jeunes, il faut aller au-delà de l’annonce classique dans le journal. On peut, par exemple, se déplacer dans les écoles secondaires pour faire connaître les possibilités de carrière et les conditions de travail liées au secteur. De plus en plus d’organisations essaient d’améliorer leur visibilité et défaire les mythes auxquels elles sont confrontées.
En conclusion, est-il essentiel pour les employeurs de faire affaire avec un professionnel en ressources humaines?
Toute entreprise de plus de 100 employés devrait avoir son professionnel en ressources humaines. Pour les organisations plus petites, c’est clair qu’il peut être difficile de réserver une partie du budget à l’emploi d’un professionnel à temps complet. Mais il faut savoir qu’il y a de plus en plus de firmes spécialisées ou de professionnels en ressources humaines qui acceptent des contrats chez différents clients, à raison d’une journée ou deux par semaine, par exemple. Pour bien recruter et garder son personnel, ça prend quelqu’un qui s’y connaît. On ne peut pas mettre la gestion des ressources humaines entre les mains de n’importe qui. C’est une question très complexe. Un professionnel de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés sera toujours utile.
Publié le 16 février 2015 | Par Ruth Lindsay
Je me questionne encore... même après avoir lu cet article. S'adapter encore et encore... Comme si tout ce qui a existé... est appelé à ne plus être pris en considération.
Exemple, j'ai 56 ans je travaille en milieu scolaire, j'ai une fille de 30 ans qui travaille en milieu hospitalier (pour donner un contexte). Je fais rien que cela m'adapter; pour le respect qui reste, c'est pas encourageant. Le respect des choses qui ont déjà passé n'est pas élevé. Quand j'ai commencé à travailler, j'écoutais mon patron, j'écoutais les marches à suivre. Là que j'aurais un petit peu d'oxygène... Les plus jeunes, il faut que je m'y adapte encore. Eux, quand le feront-ils?
Publié le 13 février 2015 | Par Richard Desmarais
On pourrait presque dire plus ça change, plus c'est pareil.
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