Heureux au service de la science
Les volontaires qui se prêtent au jeu des expériences scientifiques sont un maillon essentiel de la production du savoir.
Par Gilles Drouin
Il y a ceux qui consacrent leur vie à la science. Il y a ceux qui lèguent leurs corps à la science. Et il y a ceux qui donnent de leur temps et de leur personne à la science. Chaque année, ils sont des centaines à se porter volontaires pour servir de sujets à des recherches scientifiques de l’Université. Leurs motivations sont multiples. Les uns recherchent une activité sociale inhabituelle, amusante et instructive. D’autres sont plutôt curieux d’en savoir plus sur ce qui se passe derrière les murs des facultés, de voir la science en action. D’autres encore veulent contribuer en toute modestie à l’avancement des connaissances et, dans certains cas, à la formation des étudiants.
Sont-ils motivés par l’argent? «Il y a toujours une compensation financière, mais aucun de nos participants ne cherche à en tirer un revenu régulier; et personne ne vient ici pour s’enrichir», assure Sébastien Tremblay, professeur à l’École de psychologie. En général, les volontaires reçoivent ce qu’il faut pour couvrir leurs frais de déplacement et de stationnement. Dans certains cas plus rares, on leur offre plutôt un montant forfaitaire qui ne représente pas plus du salaire minimum. Et encore, ceux-là doivent travailler un peu plus fort que les autres!
De toute façon, les règles d’éthique fort rigoureuses qui délimitent ce qu’un chercheur peut et ne peut pas faire avec ses «cobayes» humains interdisent le versement d’une somme élevée d’argent. «La raison est simple, explique Angelo Tremblay, professeur au Département de médecine sociale et préventive. Offrir trop d’argent équivaudrait à exercer une pression indue sur les éventuels participants à l’étude ainsi qu’un trop grand incitatif à poursuivre la recherche peu importe les conditions.»
Il faut dire qu’en matière de recherche impliquant des humains, la liberté des volontaires est sacrée! En tout temps, un participant peut se retirer d’une expérience sans avoir à se justifier. C’est écrit noir sur blanc dans le contrat qui le lie au groupe de recherche. Et tout chercheur doit l’expliquer clairement aux personnes qu’il recrute, tout comme il doit bien faire comprendre les conditions dans lesquelles se dérouleront l’expérimentation. Sinon, l’un des trois comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval (les CÉRUL) aura tôt fait de le ramener à l’ordre… avant même que la recherche débute, car chaque projet de recherche passe au crible de l’éthique.
D’ailleurs, ces trois comités ne chôment pas! Au cours de l’année 2011-2012, les CÉRUL ont examiné 327 nouveaux projets, soit 26 de plus que l’année précédente. Ce chiffre n’inclut pas les projets menés dans les hôpitaux affiliés, qui sont examinés par le comité d’éthique de l’institution concernée. Aux 327 projets impliquant des sujets humains, s’ajoutent 308 examens de suivi afin d’approuver des changements, des renouvellements et des nouvelles phases de recherche. Le rapport 2011-2012 des CÉRUL révèle aussi que les chercheurs font bien leurs devoirs éthiques: aucun projet n’a été refusé cette année-là. Les principales facultés d’où émanaient les projets sont celles des Sciences sociales, des Sciences de l’éducation, des Lettres, des Sciences de l’administration et de Médecine.
Indispensables volontaires
Les équipes de recherche chouchoutent les participants pour des raisons éthiques, mais aussi parce qu’elles en dépendent grandement. «Sans les volontaires, il n’y aurait pas de recherche possible dans bien des cas», lance Angelo Tremblay. Un constat qu’on entend en écho dans tous les campus où il se trouve des chercheurs qui font, d’une manière ou d’une autre, des recherches impliquant les êtres humains.
Quand un scientifique veut évaluer les effets d’un supplément alimentaire sur un aspect ou l’autre de la santé humaine, quand un autre veut observer les processus cognitifs d’êtres humains appelés à gérer une crise, quand un chercheur essaie de mieux comprendre les effets de l’exercice physique sur le maintien du poids, ou encore quand une faculté veut évaluer l’aptitude de futurs médecins à interagir avec des patients, il faut bien faire appel à des êtres humains.
Parfois, cette participation est relativement simple. Il s’agira, par exemple, de répondre consciencieusement à un questionnaire. D’autres études sont plus exigeantes et impliquent une présence quotidienne pendant des semaines. Dans d’autres cas, comme en psychologie cognitive, le volontaire se présente seulement une ou deux fois, mais l’exercice est souvent exigeant, voire exténuant.
Enrôlez-vous!
Si l’effort exigé des volontaires varie beaucoup d’un projet à l’autre, il en va de même de l’énergie et du temps que les chercheurs doivent consacrer au recrutement. «Nous ne pouvons jamais prédire les difficultés que nous aurons à trouver des participants, mentionne Angelo Tremblay. Tout dépend des critères et de ce que le protocole de recherche exige comme disponibilité des sujets.» Les stratégies de recrutement sont multiples: annonces dans les journaux, entrevue accordée à un journaliste, envoi massif de courriels, liste de volontaires constituée grâce au site Web du groupe de recherche, bouche à oreille…
Une étude sur les effets d’un programme d’exercice léger sur la perte de poids attirera plus facilement des participants… surtout au lendemain des Fêtes. Cependant, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Dans bien des cas, les volontaires tirent un bénéfice immédiat de leur participation. Plusieurs apprécieront, par exemple, d’obtenir un bilan de santé complet ou une donnée précise sur leur graisse abdominale grâce à des tests qui sont pratiquement inaccessibles dans le réseau de santé. Par contre, le participant n’aura pas une meilleure mémoire ou ne sera pas plus vif d’esprit parce qu’il participe à une expérience en psychologie cognitive. Toutefois, les volontaires sont toujours parmi les premiers à connaître les résultats de la recherche. «Nous leur donnons un maximum d’information», mentionne Angelo Tremblay.
N’est pas volontaire qui veut. Il faut d’abord répondre aux critères de la recherche. L’âge, le sexe, le poids, l’état de santé, les habitudes de vie (exercice, tabac, alcool, etc.) et parfois même des éléments très intimes, comme un traumatisme vécu pendant l’enfance, peuvent faire partie de la liste des caractéristiques recherchées. Dans certains cas, même l’aptitude à interagir avec les autres au sein d’un groupe sera considérée.
Un plaisir… engageant
Si la participation à une recherche peut parfois prendre l’allure d’une partie de plaisir, et même d’un passe-temps agréable, le volontaire doit bien comprendre tout le sérieux qu’il faut mettre à jouer son rôle. «Il s’agit d’un réel engagement de la part des gens», croit Benoît Lamarche, chercheur à l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF). Un engagement, parce qu’il faut y consacrer du temps. Un engagement aussi parce que le chercheur a besoin d’avoir un nombre minimal de cas pour que son étude ait une valeur scientifique. Trop d’abandons en cours de route ou encore le manque de respect des règles peut facilement bousiller une recherche.
Être volontaire pour la science, c’est s’engager maintenant… et même parfois pour l’avenir, puisqu’il arrive que des chercheurs reprennent contact avec certains sujets pour recueillir des données longtemps après l’expérience originale. L’étude des familles de Québec en est un bon exemple. Lancée en 1978 par Angelo Tremblay et son collègue d’alors, Claude Bouchard, cette vaste étude a permis de récolter une foule de données sur les habitudes de vie et la santé de plus de 2000 personnes réparties dans 500 familles de la région de la capitale. Au fil des ans, les chercheurs ont recontacté les participants encore disponibles à deux reprises, la dernière phase de la recherche se déroulant de 1997 à 2001, afin d’évaluer l’évolution de leur santé. L’enquête a permis de constituer une banque de données particulièrement fertile. «Encore aujourd’hui, remarque Angelo Tremblay, cette cohorte sert à documenter des liens que nous ne soupçonnions pas au début de l’étude entre, d’une part, l’hérédité, diverses habitudes de vie comme l’alimentation, l’exercice physique et le sommeil, et, d’autre part, les risques d’avoir un surplus de poids.» Les données de l’enquête permettent de bien cerner la nature multifactorielle de l’obésité.
L’engagement peut aller encore plus loin, au-delà de la mort, par le don de son corps ou d’un organe à la science. Qui sait si un jour votre cerveau ne contribuera pas à percer les mystères de maladies aujourd’hui incurables comme l’alzheimer et le parkinson?
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MALADES IMAGINAIRES
Vous rêvez de jouer Molière? En attendant de monter sur les planches d’un théâtre près de chez vous pour tenir un rôle dans Le malade imaginaire, allez donc faire un tour à la Faculté de médecine. On y engage des comédiens! «Nous avons une banque d’environ 300 noms, dont au moins une centaine de participants réguliers qui souhaitent jouer des rôles de patients», précise la coordonnatrice, Julie Bouchard. On y trouve même des enfants qui prennent leur rôle de faux malades très à cœur!
Ici, il s’agit de participer non pas à une recherche, mais plutôt à la formation des futurs médecins. À plusieurs reprises au cours de leur programme, y compris avant même d’y être admis, les étudiants en médecine sont évalués sur divers points de leur apprentissage. Étant donné qu’il s’agit d’une évaluation, il faut s’assurer que tous les étudiants seront traités de la même façon, qu’on soumettra à tous le même cas. Il n’y a donc pas de place pour l’improvisation. «Chaque participant doit respecter des directives précises, apprendre son texte et suivre le scénario à la lettre», rapporte Julie Bouchard.
Les comédiens amateurs recrutés par la Faculté de médecine sont ainsi appelés tantôt à feindre un malaise cardiaque, tantôt une crise d’appendicite, tantôt un désordre psychiatrique et une multitude d’autres problèmes que l’étudiant doit pouvoir diagnostiquer, tout en démontrant ses aptitudes à interagir avec des patients. Tous les scénarios sont d’ailleurs très réalistes puisqu’ils sont inspirés directement de la pratique médicale dans les hôpitaux.
Quelques semaines avant la date de l’évaluation des étudiants, le volontaire reçoit le scénario et le texte qu’il doit apprendre. «Et dans les jours qui précèdent, ajoute Julie Bouchard, nous rencontrons les gens pour une répétition.» Le rôle à jouer peut être adapté aux capacités de chacun. «Nous recherchons des gens fiables, sérieux et rigoureux, parce qu’il s’agit vraiment d’évaluer la progression des étudiants», insiste-t-elle.
Plusieurs volontaires sont pratiquement accros à cette activité, certains en font même carrément une activité de loisir. Incidemment, les vétérans trouvent plaisir et satisfaction à voir les progrès des étudiants d’une année à l’autre, observe Julie Bouchard. «Ils ont, note-t-elle, le sentiment de contribuer à la formation de meilleurs médecins.»
Seule ombre au tableau: c’est motus et bouche cousue sur les scénarios. «Il est essentiel de respecter une totale confidentialité avant, pendant et après la séance», rappelle la coordonnatrice. Et évidemment, grand-papa doit comprendre qu’il ne pourra pas jouer le malade imaginaire devant sa petite-fille aspirante médecin.
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VOLONTAIRES SOUS PRESSION
Chaque semaine, les salles du laboratoire Co-DOT (pour cognition, distribution, organisation, technologies), situées au sous-sol du pavillon Félix-Antoine-Savard, accueillent une quatantaine de bénévoles. Professeur à l’école de psychologie et directeur du laboratoire, Sébastien Tremblay s’intéresse aux processus cognitifs dans des situations extrêmes, comme le contrôle du trafic aérien, la gestion de crise ou encore la prise de décision complexe en équipe. Mémoire, vitesse de réaction, planification, travail collaboratif sont parmi les éléments placés sous surveillance dans des salles reproduisant fidèlement divers contextes de travail. Les thèmes abordés suscitent généralement l’intérêt du public, ce qui facilite le recrutement de volontaires.
«Nous devons parfois modérer leurs attentes», remarque Sébastien Tremblay. En effet, l’équipe du Co-DOT ne mesure pas les capacités intellectuelles des participants comme d’autres prennent le tour de taille et le taux de cholestérol. Il n’y a donc pas de bénéfices collatéraux. «L’exercice est souvent exigeant, mais les participants y trouvent généralement du plaisir et embarquent dans le jeu de l’expérimentation, ajoute le chercheur. En fait, ils sont surtout motivés par le simple désir de participer à une recherche scientifique, de voir comment le tout se déroule.»
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FAIM DE SCIENCE
Manger de la bonne bouffe gratuite! C’est le sort qui est réservé à ceux qui participent aux études de l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF). À première vue, la contribution est simple: s’asseoir à une table commune et partager un repas sain et équilibré. Toutefois, selon le protocole de recherche, le volontaire s’engage pour des périodes variables: trois repas par jour pendant trois semaines, pendant trois mois, pendant six mois. Souvent, il doit également respecter des consignes sur son comportement à la maison, comme s’abstenir de consommer de l’alcool pendant la durée de l’expérimentation. Exigences auxquelles s’ajoutent régulièrement des prélèvements de sang et de tissus.
Par exemple, une étude de 12 semaines a récemment permis de mesurer les effets de l’alimentation méditerranéenne (fruits, légumes, légumineuses, moins de viande et très peu de dessert) sur les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires chez l’homme et la femme. Il va sans dire que le participant ne pouvait pas s’empiffrer de petits gâteaux Vachon entre deux repas.
Malgré tout, les volontaires ne manquent pas. «Au cours des 10 dernières années, nous avons accueilli au moins 10 000 participants», note Benoît Lamarche, chercheur et responsable de l’unité clinique où se déroulent les travaux de recherche de l’INAF. «En raison des exigences de nos recherches, explique Amélie Charest, professionnelle de recherche et coordonnatrice, il est important de créer un sentiment d’appartenance au groupe chez les participants. Nous faisons aussi tout en notre possible pour rendre leur participation agréable.» Le lieu et l’atmosphère des repas, la qualité des mets préparés, le plaisir d’être ensemble… Il faut croire que les gens de l’INAF ont le don de cajoler les volontaires puisque le taux de décrochage est nettement plus bas que pour la moyenne des études similaires menées ailleurs.
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LA PAROLE AUX VOLONTAIRE
Quatre braves témoignent de leur expérience devant la caméra pour le bénéfice de Contact. Travailleurs ou retraités, ils viennent de différents horizons, mais se ressemblent sur un point: en tant que volontaires, ils ont participé à des projets de recherche universitaires de l’INAF, l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels. S’ils prêtent ainsi leur corps à la science, c’est pour une multitude de raisons. Ils le font pour améliorer leur condition physique et leur alimentation, pour mieux connaître le monde de la recherche, pour se sentir utile. Et leur expérience est tellement positive qu’ils n’auraient aucun mal à vous convaincre de tenter l’expérience vous aussi! Pour en faire la preuve, voyez le reportage vidéo de Julie Picard: Volontaires recherchés.
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LE RECRUTEMENT DE VOLONTAIRES SELON TROIS DIPLÔMÉS
Lisez le témoignage de trois diplômés-chercheurs qui font appel à des volontaires au Liban, au Bénin et aux États-Unis
Publié le 13 septembre 2016 | Par Louise Desautels
À l’Université Laval (Québec), plusieurs organismes et centres de recherche réalisent des études cliniques, dont l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF). Vous pouvez consulter les projets en cours et obtenir de l’information sur la participation aux études de cet Institut à cette adresse: http://www.inaf.ulaval.ca/projets-cliniques/projets-en-cours/" >">http://www.inaf.ulaval.ca/projets-cliniques/projets-en-cours/
Publié le 10 septembre 2016 | Par di mio
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