Candidates à la défaite
Les femmes qui se lancent en politique risquent fort d’hériter d’une circonscription imprenable.
Par Pascale Guéricolas
Où sont les femmes? Parmi les candidats battus aux élections fédérales, répondent deux chercheurs en politique. Et la défaite des femmes ne serait pas attribuable aux électeurs, car le sexisme dans l’isoloir n’explique pas le maigre 17% de représentation féminine au Canada en 2011. Le choix d’une candidate dans un comté perdu d’avance et celui d’un candidat dans un bastion sûr seraient des pistes beaucoup plus probables, démontrent les politologues Marc-André Bodet et Melanee Thomas.
Agnelles sacrifiées
Le professeur au Département de science politique de l’Université Laval et sa collègue de l’Université de Calgary signent un article percutant dans Electoral Studies. Ils y parlent d’agnelles sacrifiées. Pourquoi? «Les principaux partis ont présenté beaucoup de candidatures féminines dans des circonscriptions où elles ne pouvaient pas gagner», répond Marc-André Bodet.
L’étude s’appuie sur les résultats électoraux fédéraux de 2004 à 2011 pour éviter la simple alternance de candidats entre deux élections. En analysant les données recueillies, les politologues constatent que, de toutes les candidates des principaux partis à ces élections, 59% ont hérité de circonscriptions considérées comme perdues d’avance pour le parti, 24% de circonscriptions où la lutte était ouverte et 17% de circonscriptions acquises au parti. Les candidats masculins obtenaient ces circonscriptions dans une proportion bien différente: 47% perdues d’avance, 28% lutte ouverte et 25% bastions sûrs. Conséquence: les femmes accèdent plus rarement au poste de député que leurs collègues masculins.
Pour expliquer ce phénomène, les auteurs invoquent plusieurs raisons. Il est évidemment rare que les élus facilement reconduits d’une élection à l’autre se désistent au profit d’une collègue féminine. Lorsque la circonscription potentiellement gagnante se libère, les assemblées d’investiture ont tendance à choisir comme candidat un militant appuyé par des groupes financiers et des réseaux de connaissances. Souvent un homme…
Comment faire en sorte que l’assemblée des élus reflète davantage la diversité de la société? Marc-André Bodet suggère deux stratégies. D’une part, imposer que les élus qui laissent la vie politique soient remplacés par un candidat de l’autre sexe. D’autre part, rendre le financement des partis conditionnel à une représentation équitable des femmes.
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