Belle, vénéneuse et envahissante
La berce du Caucase gagne du terrain au Québec, une invasion annoncée qui préoccupe les experts.
Par Jean Hamann
Il y avait déjà l’herbe à puce, l’ortie, le sumac à vernis et leurs semblables. Voilà que la bande des plantes vénéneuses du Québec s’est enrichie d’une recrue agressive: la berce du Caucase. Des chercheurs de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD) ont constaté la progression de cette espèce sur le terrain. Ils en rapportent une mauvaise nouvelle: une invasion de grande envergure se profile à l’horizon.
Le responsable de l’étude, Claude Lavoie, résume la situation: «La berce du Caucase est présente dans tout le sud du Québec, de Gatineau jusqu’au fjord du Saguenay, et ses populations comptent un grand nombre d’individus. Chaque plante produit en moyenne 20 000 graines qui peuvent être disséminées sur de bonnes distances. Tous les ingrédients favorisant une explosion démographique sont réunis.»
Comme son nom le suggère, la berce du Caucase est originaire du sud-est de l’Europe. Avec ses cinq mètres et la beauté de ses inflorescences, l’espèce est appréciée des horticulteurs, qui l’ont introduite au Canada en 1949. Sa sève peut toutefois provoquer des dermatites douloureuses qui, en Allemagne par exemple, entraînent des dépenses de 1 M€ par année en hospitalisation. «Ce pays, signale Claude Lavoie, investit annuellement 12 M€ pour freiner la prolifération de l’espèce.»
169 colonies bien établies
Où en est la berce du Caucase au Québec? Pour en avoir le cœur net, le chercheur et ses collaborateurs Benjamin Lelong, Noémie Blanchette-Forget et Hélène Royer ont compilé tous les signalements de cette plante par des citoyens, de même que les mentions dans les herbiers et les médias. Puis ils se sont rendus sur le terrain afin de confirmer sa présence, principalement dans les fossés de drainage aux abords des routes. Ils ont ainsi cartographié et étudié 169 populations bien établies.
Dans 42% des cas, rapporte l’équipe de l’ÉSAD dans Le Naturaliste canadien, la colonie de berces du Caucase compte plus de 50 plantes; dans 30% des cas, plus de 100. Les trois quarts des propriétaires qui avaient des berces sur leur terrain ont tenté de les éliminer, sans succès, et 20% des personnes interrogées ont déjà contracté une dermatite en touchant cette plante.
Est-il trop tard pour stopper la progression de la berce du Caucase au Québec? «On peut encore agir pour réduire le nombre de colonies et pour confiner à de petits secteurs celles qui subsisteront», assure Claude Lavoie. Reste à savoir si les autorités publiques accepteront d’investir temps et argent pour contenir un problème qui n’a pas encore atteint les dimensions d’une crise.
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