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Photo de Simone Lemieux

Saine alimentation: levez les barrières!

J’attendais avec impatience l’arrivée du nouveau IGA dans mon quartier, tout près de l’intersection du chemin des Quatre-Bourgeois et de l’autoroute Robert-Bourassa. Dès que j’ai été mise au courant de son ouverture, il y a quelques semaines, je m’y suis rendue, pleine d’enthousiasme.

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En arrivant près du commerce, je suis attentivement les indications pour garer ma voiture. Je me retrouve alors derrière le bâtiment, devant une barrière abaissée et une porte de stationnement souterrain fermée. Bon, j’ai dû me tromper. Je rebrousse chemin, repasse devant le IGA et suis d’autres flèches menant à un second stationnement: même scénario! Je ne fais donc ni une ni deux et mets le cap vers mon épicerie habituelle.

Quelques jours plus tard, je ne prends pas de chance et me rends au IGA à pied. Je constate à quel point l’épicerie est vaste, les allées sont larges et la variété des produits est très intéressante. Je vois alors un écriteau qui m’informe que le stationnement est gratuit pour 2 heures avec 10$ d’achats. Je m’enquiers auprès de la caissière de la manière de s’y prendre pour bénéficier de la gratuité et prends bien note que je ne dois surtout pas oublier de faire valider mon billet de stationnement quand je passe à la caisse.

La semaine suivante, je prends mon courage et mon volant à deux mains: à moi la barrière de stationnement, je suis capable! À ma stupéfaction, lorsque j’arrive à la barrière, elle est levée… C’est louche, mais je fonce.

Après avoir fait mes achats (de plus de 10$!), je demande au caissier si c’est normal que la barrière ait été levée à mon arrivée. Il me dit qu’il ne sait pas trop, mais «qu’au pire» je n’aurai qu’à revenir le voir pour qu’il me donne un billet validé. Disons que c’est un pire qui ne me tente pas trop…Mais les étoiles sont bien alignées, la barrière est toujours levée à ma sortie. Est-ce que je suis fébrile à l’idée de revenir faire mes achats ici? Pas certaine du tout…

Cette histoire un peu longuette m’amène à vous parler de la manière dont les facteurs de notre environnement alimentaire, ainsi que la perception que nous en avons, peuvent influencer nos comportements alimentaires.

Un environnement qui influence nos choix
De plus en plus, il y a consensus sur le fait que pour engendrer une amélioration notable des habitudes alimentaires à l’échelle de la population, l’éducation et les discours santé ne suffisent pas: on a grandement besoin d’un coup de pouce de l’environnement. Dans le jargon de la santé publique, on dit que pour favoriser de meilleurs choix alimentaires, on doit rendre les environnements facilitants. En d’autres termes, on doit rendre plus faciles les choix alimentaires sains et rendre plus difficiles les choix alimentaires de moins bonne qualité. La nouvelle Politique gouvernementale de prévention en santé mise d’ailleurs beaucoup sur la modification de l’environnement alimentaire pour atteindre un de ses objectifs, celui d’améliorer l’accès à une saine alimentation.

De façon générale, lorsqu’on souhaite bonifier les caractéristiques de l’environnement alimentaire, on s’intéresse notamment à la qualité des aliments offerts, à leur accessibilité et à leur coût. Par exemple, pour l’accessibilité, on pourrait dire que l’ajout d’un supermarché dans un quartier, comme dans ma petite histoire, devrait favoriser la consommation d’aliments sains. À ce sujet, des études ont effectivement montré que dans un quartier donné, plus il y a de commerces offrant une variété intéressante de légumes et de fruits (épiceries et fruiteries), plus la consommation de ces produits frais par les résidents est élevée.

Le coût des aliments est un autre facteur qui a retenu l’attention des chercheurs. Ainsi, des études effectuées dans des cafétérias scolaires ou dans différents milieux de travail ont démontré que lorsque le prix des aliments sains était abaissé, on observait une augmentation de leur consommation. L’effet de la hausse du prix d’aliments de moindre qualité a aussi été dans la mire de certains chercheurs. Une étude longitudinale réalisée aux États-Unis a montré une relation inverse entre le prix des aliments de restauration rapide et leur consommation: un prix plus élevé entraînait une moindre fréquentation de ce type de restaurants1. L’idée de taxer les boissons sucrées est d’ailleurs soutenue par de tels résultats, couplés à ceux de certaines études ayant particulièrement ciblés ces breuvages2. À ce sujet, sachez que la proposition de taxer les boissons sucrées fait partie des stratégies qui seront explorées dans le sillage de la nouvelle politique gouvernementale.

Ne pas négliger les perceptions
Je vous avais déjà mentionné, dans un billet précédent qui traitait de l’environnement alimentaire sous un angle différent, que la façon dont le consommateur perçoit son environnement est dans certains cas probablement tout aussi importante que les caractéristiques de l’environnement en tant que tel. Ainsi, dans les efforts visant à modifier l’environnement pour le mieux, on doit toujours considérer les perceptions des individus qui baignent dans cet environnement et ajuster les stratégies en fonction de ces perceptions.

Si on tente un parallèle avec mon histoire, on pourrait dire que même si le nouveau IGA est le supermarché le plus près de chez moi et que la variété de produits sains est au rendez-vous, tout cela n’aura vraisemblablement pas d’effet sur mes habitudes d’achat en raison de ma perception négative du facteur «stationnement». J’ai d’ailleurs l’impression que je ne suis pas la seule à avoir certaines réticences à l’égard de cette nouvelle épicerie vu le timide achalandage que j’ai pu y constater jusqu’à présent.

Mais bon, la beauté et la complexité de la chose c’est que les perceptions peuvent changer. Peut-être que cet hiver, quand il fera -30°C, je considérerai avec bonheur l’idée d’aller faire mes courses là où je pourrai utiliser un stationnement souterrain, bien au chaud et à l’abri des intempéries!

1 Gordon-Larsen P, Guilkey DK, Popkin BM. «An economic analysis of community-level fast food prices and individual-level fast food intake: longitudinal effects». Health Place 2011; 17: 1235-1241.

2 Le Bodo Y, Paquette MC, De Wals P. Taxing Soda for Public Health. Springer International Publishing, 2016, 244 pages.

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  1. Publié le 3 décembre 2016 | Par Simone Lemieux

    @Vicky Blais. Merci d'avoir pris le temps de commenter le billet. Je ne suis pas surprise que certaines personnes puissent apprécier l'aspect du stationnement souterrain, cela dépend vraiment des perceptions!
    Voici quelques références, j'espère qu'elles pourront vous être utiles.

    Giskes K, Van Lenthe FJ, Brug J, Mackenbach JP, Turrell G: «Socioeconomic inequalities in food purchasing: the contribution of respondent-perceived and actual (objectively measured) price and availability of foods», Prev Med 2007, 45:41-48

    Blitstein JL, Snider J, Evans WD: «Perceptions of the food shopping environment are associated with greater consumption of fruits and vegetables», Public Health Nutr 2012, 1-6

    Williams L, Ball K, Crawford D. Why do some socioeconomically disadvantaged women eat better than others? An investigation of the personal, social and environmental correlates of fruit and vegetable consumption. Appetite. 2010;55:441-6.
  2. Publié le 2 décembre 2016 | Par Vicky Blais

    Bonjour!
    J'adore vous lire et cet article m'interpelle particulièrement, puisque mon mémoire de maîtrise concerne la perception des consommateurs par rapport à la qualité de l'offre de fruits et légumes dans les épiceries/grandes chaînes de distribution. Il est absolument vrai de parler de perceptions, puisque, dans mon cas, j'ai adoré mon expérience: autant au niveau de la qualité et de la variété des produits qui étaient offerts, mais aussi pour le côté pratique du stationnement souterrain. Les perceptions sont donc très importantes. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez d'autres écrits sur la perceptions des consommateurs par rapport à la qualité de l'offre alimentaire et les impacts sur les habitudes d'achats, mais si oui, je suis absolument intéressée.
  3. Publié le 25 novembre 2016 | Par F. Lasnier

    Je suis effectivement allée au IGA dont vous parlez. Demeurant tout près, j'attendais avec grande hâte son ouverture depuis longtemps, me promettant de m'y rendre pour faire des choix santé dans un endroit nouveau, beau et sûrement plein de fraîcheur et de nouveautés et pour prendre un nouveau départ.
    Je suis plus que d'accord avec vos propos. Je dois vous dire que j'ai eu non seulement exactement le même problème que vous, mais aussi exactement la même réaction et le même comportement que vous et, après en avoir fait le tour, je suis entrée à nouveau en insistant contre mon propre mental pour trouver comment entrer dans ce fameux stationnement souterrain. J'ai finalement réussi et je dois rajouter que, pour en sortir à la toute fin, je me suis trouvée dans une situation cul de sac à 3 reprises avant de retrouver l'air frais, moi qui, de plus, est claustrophobe. Je ne venais que pour acheter un met cuisiné lorsque j'appris moi aussi par la caissière qu'il fallait acheter pour 10$ pour avoir le stationnement gratuit. Quelle bourde pour une ouverture de commerce!

    Je me suis alors directement rendue au service à la clientèle pour rencontrer le gérant et les aviser que ce n'était assurément pas un souhait de bienvenue pour les clients qui jugeraient cette obligation bien déplaisante pour ne pas dire stupide.

    Enfin, on m'a assuré que cette politique venait tout juste de changer le matin même, bien surpris que la caissière ne soit pas au courant. Je vous raconte mon histoire dans le seul but de renforcer votre conclusion que oui, lorsqu'une situation n'est pas façilitante, on passe notre chemin même si tout le reste est super beau et appétissant! J'ai perdu au moins 60 min de mon temps, ai mangé mon plat cuisiné froid (gros ventilateur au-dessus des tables), rapidement à grosse bouchée même s'il était santé, digestion difficile dans les heures qui ont suivi et assurément je vais y repenser 2 fois avant d'y retourner. Je suis bien consciente qu'il y a bien pire dans la vie ... mais j'étais déçue après avoir été si enthousiaste d'y entrer.
    Comme vous le dites, L'ENVIRONNEMENT est assurément ce qu'il y a de PLUS IMPORTANT lorsqu'on fait des efforts pour manger santé et qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je viens tout juste d'en prendre conscience grâce à vous! L'environnement... et non pas une malchance qui arrive comme ca ... c'est vraiment l'environnement ...

    Enfin, je me suis dit qu'on doit tout de même redonner une chance au IGA et à soi-même pour se reprendre et persister à prendre le temps de faire des choix pour bien s'alimenter et se garder en santé, puisque c'est le but premier de manger.
    Je suis contente de pouvoir lire tous vos articles que vous avez mis ici, ainsi disponibles. Merci.
  4. Publié le 25 novembre 2016 | Par S. Labrecque

    J'ai vécu la fermeture de mon épicerie près de chez moi pendant plus d'un an. Un IGA-COOP a ouvert ses portes dans les anciens locaux. J'y trouve de bons choix même si c'est petit. Lors de l'ouverture, il y avait des portions de viandes pour une grosse famille. Quand tu vis seule cela devient irritant. Plusieurs personnes ont parlé au gérant et ils ont rétabli les portions pour tous (familles et personnes seules). J'ai la chance d'avoir un stationnement intérieur si je le désire. Je l'ai utilisé seulement quelques fois. Ne boudez pas votre plaisir de retourner à votre épicerie près de chez vous, car c'est précieux. Je suis certaine qu'ils vont régler le problème rapidement si, la prochaine fois que vous vivez le problème, vous en parler à la personne-responsable disponible sur place.
  5. Publié le 25 novembre 2016 | Par Nancy Gilbert

    J'adore ce billet!

    Tous les autres sont également excellents, mais celui-ci m'attire tout particulièrement en tant que nutritionniste, mère de famille (imaginez le va-et-vient avec une poussette et un siège de bébé dans l'autre main) ainsi que présidente fondatrice de Solidarité familles et sécurité routière, qui a pour but de développer des environnements durables et favorables aux saines habitudes de vie!

    Et je peux dire très fièrement, qu'il y a quelques années déjà, les Halles de Sainte-Foy avaient accepté à brûle-pourpoint mon idée de faire place à des stationnements familiaux près des portes. Maintenant, les enfants sont grands, mais je suis toujours très heureuse de constater que de nouvelles petites familles utilisent ces espaces. :-)

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