La nutrition au menu
Publié le 25 mai 2018 | Par Simone Lemieux
Moins d’obésité chez les bébés allaités?
Aux dires de ma mère, une femme qui allaitait ses enfants dans les années 60 était un peu perçue comme une extra-terrestre! Les statistiques tendent à lui donner raison puisqu’à cette époque, le pourcentage de Québécoises qui tentaient l’allaitement était aux alentours de 20% alors qu’il approcherait les 90% aujourd’hui.
Même si je ne fais pas de recherche spécifiquement dans le domaine de l’allaitement maternel, j’ai toujours été intéressée par la littérature scientifique qui porte sur le sujet. Les liens entre l’allaitement et la prévention de l’obésité suscitent tout particulièrement mon attention.
Qu’en disent les études?
La littérature scientifique actuelle suggère que l’allaitement diminuerait le risque d’obésité. Selon un récent article de synthèse, cette relation serait d’autant plus forte lorsque l’allaitement exclusif a été pratiqué pendant au moins 6 mois1. À ce sujet, il m’apparaît important de préciser que l’allaitement exclusif, c’est lorsqu’un bébé ne boit que du lait maternel et ne reçoit aucun autre aliment solide ou liquide, même pas de l’eau. Il est également pertinent de préciser que bien qu’une grande majorité de femmes québécoises allaitent leur bébé dès sa naissance (89% en 2011-2012), un bien plus faible pourcentage (19%) poursuit l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, comme recommandé par différents organismes, tels Santé Canada et l’Organisation mondiale de la Santé.
Il existe une myriade de facteurs qui peuvent expliquer l’effet protecteur de l’allaitement sur le développement de l’obésité. Certains ont trait à la composition du lait maternel et d’autres au geste d’allaiter. Des caractéristiques relatives au milieu familial des bébés allaités peuvent aussi être en cause (les habitudes de vie des parents et leur niveau d’éducation par exemple). Cela dit, même lorsqu’on contrôle ces caractéristiques dans les analyses statistiques, l’effet protecteur de l’allaitement sur le développement de l’obésité demeure.
Il me serait difficile de vous parler de tous les mécanismes pouvant expliquer le lien entre l’allaitement et l’obésité. J’en ai donc choisi 2 que je trouvais spécialement intéressants.
Le lait maternel et la variété alimentaire
Au-delà des nutriments présents dans le lait maternel, il s’y trouve des saveurs qui lui donnent une signature bien particulière. En effet, le goût du lait maternel est influencé par les aliments que consomme la mère. Si une maman mange une variété d’aliments, le bébé sera en très bas âge exposé à toute une gamme de saveurs. Même si une maman n’a pas une alimentation très variée, le goût de son lait sera moins uniforme que celui d’une préparation lactée commerciale.
Leur exposition à des saveurs variées pourrait expliquer pourquoi les bébés allaités deviennent généralement des enfants moins «difficiles» et acceptent plus facilement de goûter de nouveaux aliments2,3. Cette «ouverture» des enfants allaités pourrait à son tour être liée au fait qu’ils consomment généralement une plus grande variété de fruits et de légumes et ont globalement une alimentation plus saine4. Le fait que l’allaitement maternel favorise une alimentation de qualité supérieure joue probablement un rôle dans son effet protecteur sur le développement de l’obésité.
Le rythme de bébé
Au-delà du lait, il y a le geste. Lorsqu’on nourrit un bébé au sein, on ne peut contrôler la quantité précise de lait qu’on lui donne. J’en conviens, il peut être très insécurisant pour les parents de ne pas savoir. Mais c’est très bien ainsi! Le bébé est maître à bord, c’est lui qui décide quand il a assez bu. Il apprend à bien respecter ses besoins et ses parents n’ont d’autre choix que de suivre le rythme qu’il impose.
Au biberon, on voit ce qui se passe. Si le bébé ne boit pas beaucoup, on a parfois tendance à insister pour qu’il le fasse un peu plus. Certains parents, inquiets, utiliseront parfois des stratégies pour accélérer la prise de lait comme agrandir le trou dans la tétine du biberon. Mais au sein, si le bébé ne veut plus boire, il est vraiment difficile de le forcer.
Cet apprentissage précoce du respect des signaux de faim et de satiété chez le bébé allaité est un élément qui pourrait favoriser à plus long terme une meilleure adéquation entre ses apports et ses besoins énergétiques. Ce qui contribuerait, évidemment, à un meilleur contrôle du poids.
Par ailleurs, l’allaitement, parce qu’il répond mieux aux rythmes d’appétit et de satiété, s’inscrit dans l’optique de l’«alimentation sensible aux besoins de l’enfant» maintenant au centre des recommandations de plusieurs experts pour favoriser une alimentation saine dès le plus jeune âge. En plus d’enjoindre aux parents d’être attentifs aux signes de faim et de rassasiement de leur enfant, cette approche leur suggère de le laisser manger par lui-même dès que possible, même si cela peut occasionner des petits dégâts. De cette manière, l’enfant apprend à répondre à ses besoins, à sa manière, avec le plaisir de sentir, de toucher et de goûter des aliments variés. Pour en savoir plus long sur l’alimentation sensible aux besoins de l’enfant, je vous invite à consulter le site de Santé Canada.
Des biberons nouveau genre
Afin de recréer chez les bébés nourris à la bouteille les conditions qui, chez ceux nourris au sein, favorisent un meilleur contrôle de la satiété, des chercheurs ont testé l’utilisation d’un biberon opaque et plus lourd qui empêche de voir et de sentir (par le changement de poids) la quantité de lait consommé. Dans cette étude, réalisée auprès de 25 femmes et de leur bébé, il a été démontré que les mamans qui avaient tendance à «insister» pour que le bébé vide son biberon étaient celles dont le comportement était le plus influencé par le biberon nouveau genre5. Plus précisément, ces mamans étaient davantage à l’écoute des signes d’appétit et de rassasiement de leur bébé qu’avec un biberon standard. De fait, la quantité de lait ingéré par les bébés de ces femmes était moindre avec le biberon opaque qu’avec le biberon régulier. Le risque de suralimenter le bébé serait donc diminué dans un contexte où l’on ne peut pas connaître les quantités précises de lait qu’il consomme, comme c’est le cas avec l’allaitement maternel.
Quelques réflexions additionnelles
Il y aurait encore bien des choses à dire sur l’allaitement, ses avantages et ses défis. On pourrait, entre autres choses, réfléchir sur la norme sociale qui a basculé depuis une cinquantaine d’années et qui fait qu’aujourd’hui, ce sont les femmes qui n’allaitent pas qui sont perçues comme des extra-terrestres… En ce sens, je ne voudrais surtout pas que les femmes qui, pour différentes raisons, ont décidé de ne pas allaiter leur bébé se sentent coupables à la lecture de ce billet.
En réalité, j’ai le goût de vous dire que, oui, l’allaitement pourrait contribuer à prévenir l’obésité, mais que, non, votre bébé ne deviendra pas automatiquement obèse si vous ne l’avez pas allaité. L’obésité est une condition multifactorielle. La beauté de cette complexité, c’est que si un facteur nous désavantage, on peut se reprendre ailleurs. Et pour les tout-petits qui ont toute la vie devant eux, les occasions de réajuster le tir sont presque infinies!
1 Uwaezuoke SN, Eneh CI, Ndu IK. «Relationship between exclusive breasfeeding and lower risk of childhood obesity: a narrative review of published evidence». Clin Med Insights Pediatr 2017; 11:1179556517690196. doi: 10.1177/1179556517690196. ↩
2 De Cosmi V, Scaglioni S, Agostoni C. «Early taste experiences and later food choices». Nutrients 2017; 9: 107. doi: 10.3390/nu9020107. ↩
3 Shim JE, Kim J, Mathai RA; STRONG Kids Research Team. «Associations of infant feeding practices and picky eating behaviors of preschool children». J Am Diet Assoc 2011; 111: 1363-1368. ↩
4 De Cosmi V, Scaglioni S, Agostoni C. «Early taste experiences and later food choices». Nutrients 2017; 9: 107. doi: 10.3390/nu9020107. ↩
5 Ventura AK, Pollack Golen R. «A pilot study comparing opaque, weighted bottles with conventional, clear bottles for infant feeding». Appetite 2015; 85: 178-184. ↩
Publié le 28 mai 2018 | Par Simone Lemieux
Publié le 26 mai 2018 | Par Ghislaine M.
On sait déjà que les personnes ou les souris minces n'ont pas le même microbiote intestinal que les personnes ou les souris obèses.
Le microbiote est influencé par l'alimentation, nous dit-on...
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