Dents sous enquête
Une première femme parmi les cinq odontologistes judiciaires canadiens certifiés par l'American Board of Forensic Professionnals.
Catherine Gagné
L’odontologie judiciaire: voilà une spécialité qui sort des sentiers battus. Les séries télévisées telles que Bones et Dexter mettent à l’avant-scène ces experts des sciences judiciaires et médico-légales amenés à résoudre des énigmes qui frappent notre imaginaire.
Corinne D’Anjou rêvait d’être dentiste (Médecine dentaire 2002). Copropriétaire du Centre de santé dentaire Candiac, où elle pratique toujours, elle était intriguée, parallèlement à son travail, par les enquêtes judiciaires dont lui parlait son frère à l’emploi de la Gendarmerie royale du Canada. Poussée par sa nature curieuse, la diplômée a poursuivi ses études jusqu’à obtenir, en 2014, un certificat en forensic dentistry de l’Université McGill et, en 2016, un fellowship en forensic odontology au Health Science Center de l’Université du Texas, à San Antonio.
Depuis, l’expertise de la Dre D’Anjou est régulièrement mise à profit au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique du Québec. «Notre dentition en dit long sur nous, révèle la spécialiste. Au cours de notre vie, nos dents subissent des traitements, se modifient, et cette information est consignée par les dentistes, qui ont le devoir de garder les dossiers de leurs patients à jour. Les données et les radiographies qu’ils détiennent se révèlent indispensables pour l’identification de personnes décédées. Lorsque le coroner demande une expertise scientifique, l’odontologie est, avec les empreintes digitales et l’ADN, l’une des trois méthodes reconnues.»
Pratiquer ici et ailleurs
La spécialiste remplit aussi des mandats en dehors du Québec. Par exemple, l’organisme History Flight, basé aux États-Unis, a requis ses services dans le cadre du rapatriement et de l’identification de militaires américains décédés lors de la bataille de Tarawa en 1943 durant la Seconde Guerre mondiale. «Je collaborais avec une équipe multidisciplinaire, notamment des anthropologues. Les défunts ont ensuite été enterrés avec tous les honneurs mérités. L’événement était significatif. Imaginez, ces familles attendaient ce moment depuis plus de 70 ans!»
Ce métier passionnant comporte toutefois son lot de défis, admet la diplômée. «Il y a beaucoup de déplacements et, bien souvent, il faut composer avec la présence d’odeurs désagréables ou d’insectes repoussants. Mais j’aime m’investir pour aider les familles à retrouver leurs proches décédés afin qu’elles puissent boucler la boucle et faire leur deuil.»
Corinne D’Anjou touche aussi à l’aide humanitaire. En 2010, en République démocratique du Congo, elle a mis sur pied, avec Dentistes sans frontières, une clinique pour traiter la population et former du personnel qualifié. L’été dernier, c’est à Nkoisusu, petit village maasaï sans eau et sans électricité du Kenya, qu’elle s’est rendue avec des collègues dentistes et hygiénistes. Ses trois enfants, alors âgés entre 6 et 11 ans, l’accompagnaient. «Cela a été très formateur pour eux, fait valoir la maman. Ils ont participé, en aidant à la stérilisation par exemple, tout en créant des liens d’amitié avec les enfants de là-bas.»
En plus d’une bonne connaissance de l’anatomie dentaire, la Dre D’Anjou ajoute qu’être odontologiste judiciaire demande d’avoir le souci du détail, de la patience et une bonne dose d’assurance quand vient le temps de témoigner en cour. Cette dose de confiance, l’Université Laval a contribué à la lui donner, dit-elle. «J’entretiens un lien profond avec mon alma mater qui m’a bien préparée à ma vie professionnelle. J’aime y retourner pour donner des conférences et transmettre ma passion.»
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