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Vision en noir et blanc des aliments

L’information sur l’alimentation est abondante dans les médias. C’est ainsi qu’on a appris, au fil des ans, que le chocolat et le vin rouge pouvaient améliorer notre santé cardiovasculaire, que les acides gras de type oméga-3 possédaient de nombreuses vertus et que l’alimentation méditerranéenne n’avait pas son égal en termes de bénéfices pour la santé. Ce ne sont ici que quelques exemples provenant d’une marée d’informations sur la nutrition, parfois farfelues, parfois sérieuses, et souvent controversées.

aliment

Il y a quelques semaines, j’ai été appelée à prononcer une conférence sur la vision en noir et blanc de l’alimentation1. Cela m’a amenée à réfléchir à la question des controverses réelles ou apparentes en matière de saine alimentation et au fait qu’il n’est pas toujours souhaitable de catégoriser les aliments en 2 clans. Puis, je me suis rappelée que je vous avais promis dans mon tout 1er billet de vous entretenir de ce sujet. J’aime tenir mes promesses, alors mieux vaut tard que jamais!

Bon ou mauvais pour la santé?
Quand des gens que je rencontre pour la 1re fois apprennent que je suis nutritionniste, j’ai presque toujours droit à une question du type: «Est-ce que c’est vrai que tel aliment est bon pour la santé?» En fait, cela semble un réflexe de vouloir catégoriser les aliments en «bons» ou «mauvais». D’ailleurs, si vous cherchez sur le Web l’expression «bon ou mauvais pour la santé», vous verrez à quel point cette vision dichotomique est populaire lorsqu’il s’agit de nutriments, d’aliments ou de régimes alimentaires. 

Cette vision en noir et blanc ne rend pas justice à la complexité des effets de l’alimentation sur la santé. Ceux-ci dépendent de tellement de facteurs qu’il s’avère ardu de choisir définitivement un clan. En effet, un aliment à lui seul peut difficilement avoir une influence significative sur le profil de santé, l’impact de la qualité de l’alimentation globale étant nettement plus important. 

Par ailleurs, certaines caractéristiques des individus, comme leur profil génétique, peuvent aussi grandement influencer les effets qu’auront une intervention nutritionnelle. À titre d’exemple, ma collègue Marie-Claude Vohl s’intéresse à l’importance du profil génétique dans la manière dont répondent les gens à différents types d’interventions nutritionnelles. Récemment, elle s’est penchée sur les effets d’une supplémentation en acides gras oméga-3 sur plusieurs variables du profil de risque cardiovasculaire, dont les concentrations de triglycérides (un type de gras retrouvé dans notre circulation sanguine). Ses travaux ont permis de constater que bien que la majorité des gens voit leur niveau de triglycérides diminuer à la suite d’une telle supplémentation –ce qui est souhaitable–, d’autres voient celui-ci rester stable ou augmenter légèrement. Cette variabilité dans la réponse à l’intervention s’expliquerait en partie par des différences dans certains gènes2

Par ailleurs, la santé est un concept plutôt large. Une intervention nutritionnelle pourrait avoir un effet bénéfique sur une variable liée à la santé, mais cela ne veut pas dire qu’elle est bénéfique pour toutes les facettes de la santé. Prenons l’alcool en exemple. Alors que plusieurs études ont proposé qu’une consommation modérée d’alcool aurait un effet protecteur sur le risque de maladies du cœur3, d’autres études ont associé la consommation d’alcool à un risque accru de cancer du sein4

Tous ces exemples démontrent qu’il est plutôt hasardeux de se limiter aux étiquettes «bon» et «mauvais» pour la santé quand on parle d’alimentation. Par contre, on peut très bien comprendre le réflexe de vouloir dichotomiser. Des études suggèrent que la pensée dichotomique facilite une prise de décision plus rapide. Ainsi, devant l’abondance de choix alimentaires et d’informations sur ceux-ci, cela peut simplifier l’existence d’avoir un système de classification simple des aliments. 

Dichotomie et cacophonie
Plusieurs facteurs peuvent donc expliquer pourquoi les effets d’un aliment ou d’un nutriment ne seront pas toujours les mêmes selon les différentes études. Puisque les médias aiment la controverse et cherchent la plupart du temps à transmettre un message tranché, ils sauteront sur les résultats d’études qui ne vont pas exactement dans le même sens. Suivront ensuite des commentaires comme: «Branchez-vous les nutritionnistes, un jour vous nous dites que le lait est bon et le lendemain vous changez d’idée…». 

Pour que des résultats soient réellement contradictoires, il faudrait répéter une étude d’intervention nutritionnelle dans des conditions identiques (même population à l’étude, même devis expérimental, même intervention nutritionnelle, mêmes variables du profil de santé étudiées, etc.) et obtenir des résultats différents. C’est rarement ce genre de comparaison qui alimente le discours voulant qu’un aliment passe facilement de héros à zéro! 

Le fait d’utiliser surtout les adjectifs «bon» et «mauvais» pour parler de l’alimentation amène une impression de cacophonie, puisque nous sommes constamment ballotés entre ces 2 extrêmes. C’est un peu comme si un orchestre jouait avec seulement 2 notes. Et si on ajoutait d’autres «notes» et certains bémols à notre discours sur l’alimentation? Peut-être arriverions-nous à transformer la cacophonie alimentaire en symphonie…

1 Je tiens à remercier mes collègues Sophie Desroches et Véronique Provencher avec lesquelles j’ai eu la chance de discuter amplement de ce sujet.

2 Ouellette C, Cormier H, Rudkowska I, Guénard F, Lemieux S, Couture P and Vohl MC. «Polymorphisms in genes involved in the triglyceride synthesis pathway and marine omega-3 polyunsaturated fatty acid supplementation modulate plasma triglyceride levels». J Nutrigenet Nutrigenomics 2013, 6:268-280.

3 O’Keefe JH, Bhatti SK, Bajwa A, DiNicolantonio JJ and Lavie CJ. «Alcohol and cardiovascular health: the dose makes the poison… or the remedy». Mayo Clin Proc 2014, 89:382-393.

4 Roswall N and Weiderpass E. «Alcohol as a risk factor for cancer: existing evidence in a global perspective». J Prev Med Public Health 2015, 48:1-9.

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  1. Publié le 12 mars 2015 | Par Pierre Bilodeau

    Il est possible que l'augmentation du HDL et que la diminution des marqueurs de l'inflammation soient obtenues par un effet de médicament par l'alcool et non par l'effet de bonnes habitudes de vie. Dans le premier cas, il n'est pas possible de dire qu'il s'agit d'un effet bénéfique sur la santé.
    En effet, de quelle sorte d'effet bénéfique sur la santé s'agirait-il si le vin rouge devait améliorer la santé cardiovasculaire, mais provoquer tel cancer, ou encore si l'on devait mourir d'une autre cause que la maladie cardiovasculaire mais au même moment?
    Mon idée est que le vin rouge est une substance alimentaire particulièrement malsaine. C'est un produit très raffiné qui a perdu toutes ses fibres dans le procédé. Tout au plus, c'est un mauvais jus de raisin avec en plus la contamination par l'alcool.
    Ce qu'il faut retenir, c'est qu'un effet bénéfique statistique n'est pas nécessairement un effet bénéfique physiologique si l'effet est obtenu par médicament, car la cause de la maladie cardiovasculaire n'est pas prise en compte et que cela comporte des effets indésirables.
    C'est seulement dans le cas des habitudes de vie saines qu'il est possible de parler vraiment d'un effet bénéfique.
  2. Publié le 10 mars 2015 | Par Simone Lemieux

    @Pierre Bilodeau
    Il est vrai que la plupart des études qui se sont intéressées aux liens entre la consommation de vin rouge et la santé cardiovasculaire sont de nature associative et ont été réalisées dans un contexte transversal ou longitudinal et non dans un contexte d’intervention nutritionnelle. Ceci dit, ces études d’associations sont tout à fait valides même si elles ne permettent pas de conclure en une relation de cause à effet. Dans ce type d’études, des modèles statistiques sophistiqués permettent d’établir que l’association observée ne s’explique pas par d’autres facteurs «confondants». Par contre, il est impossible de considérer tous les facteurs qui pourraient potentiellement expliquer pourquoi une consommation modérée de vin rouge est associée à une réduction de l’incidence de la maladie cardiovasculaire. Il est donc probablement plus prudent de dire que les gens qui consomment modérément du vin rouge sont moins à risque plutôt que de dire que la consommation de vin rouge est associée à un plus faible risque. Je tiens cependant à préciser que certaines études d’intervention ont également été réalisées. Ces études nous ont appris que la consommation de vin rouge avait un effet bénéfique sur des facteurs de risque de la maladie cardiovasculaire comme une augmentation de la concentration de HDL-cholestérol (ce qui est souhaitable) et une diminution de certains marqueurs inflammatoires (ce qui est également favorable à une diminution du risque de maladie cardiovasculaire). On attribue fréquemment ces effets bénéfiques à la teneur élevée en polyphénols du vin rouge. Considérant tout cela, je n’irais pas jusqu’à dire que la «croyance» voulant que le vin rouge est bon pour le cœur est dépourvue de toute base sérieuse. Cependant, je crois comme vous qu’il faut être prudent et ne pas placer le vin rouge sur un piédestal!
  3. Publié le 10 mars 2015 | Par Pierre Bilodeau

    Qu'est-ce que cela veut dire que le vin rouge peut améliorer la santé cardiovasculaire ? Cela veut-il dire que le vin rouge améliore effectivement la santé cardiovasculaire, pris en petite quantité? Cela veut-il dire qu'il est possible que le vin rouge améliore la santé cardiovasculaire?
    Dans le premier cas, il devrait se trouver des études qui démontrent que le vin rouge améliore la santé cardiovasculaire, mais existe-t-il une seule études qui le fasse?
    Dans le second cas, c'est une hypothèse qu'il reste à démontrer.
    On a fait beaucoup de bruit autour du vin rouge, et les gens ont l'impression que c'est bon pour le cœur, mais cette croyance est dépourvue de toute base sérieuse.
    Des auteurs et des organismes affirment que de nombreuses études démontrent les effets bénéfiques du vin rouge ou de l'alcool pris modérément sur la santé du cœur, alors qu'ils devraient dire que ces études établissent une relation entre cette consommation et un moindre risque d'accident cardiaque, ce qui n'est pas du tout la même chose.
    Il se peut que les gens qui consomment du vin rouge soient en meilleure santé malgré le fait qu'ils boivent du vin rouge, et que ceux qui n'en consomment pas ne le font pas parce qu'ils sont en trop mauvaise santé.
  4. Publié le 5 mars 2015 | Par claire lafontaine

    Bonjour,
    Je tiens à vous écrire, car j'aime vos articles et spécialement les bémols de celui-ci. Continuez votre belle œuvre et merci d'être... en contact avec la réalité.
    Bonne semaine!
  5. Publié le 2 mars 2015 | Par Simone Lemieux

    @GAETAN FALARDEAU. Je tiens à préciser que j’assume l’entière responsabilité des sujets choisis pour mes billets et de l’orientation que je leur donne. L’INAF n’est donc pas impliqué dans ces décisions. Ainsi, l’opinion que vous avez de mes billets ne devrait pas amener à conclure que l’INAF souffre d’une grave lacune organisationnelle.
  6. Publié le 2 mars 2015 | Par GAETAN FALARDEAU

    Bonjour Madame,

    J'ai participé à deux études de l'INAF (portfolio et régime méditerranéen)... que j'ai adorées, j'ai gagné de très bonnes habitudes alimentaires... puisque j'étais admissible aux études, mon bilan lipidique était perfectible. Grâce à l'INAF, bien que je suis dans la cinquantaine, je ne prend aucun médicament... Mon bilan sanguin est parfait.

    Votre article ne nous apporte guère de plus-value... sans compter qu'il dilue la plupart des informations qui de façon générale sont profitables pour notre santé.

    Enfin, vos articles gagneraient grandement en nous présentant les résultats des études réalisées par votre institution. Je crois qu'il y a une grave lacune organisationnelle... Les résultats des études devraient être présentés de façon sommaire et transmis à ceux qui sont dans la liste de distribution... Oui, propager la bonne nouvelle devrait faire partie de votre mission.

    En absence de plus-value de vos articles... Je devrai me retirer de la liste d'abonnement, car mon temps est limité... Vous savez, on ne vit pas éternellement.

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