La nutrition au menu
Publié le 1 mai 2014 | Par Simone Lemieux
À votre santé M. le ministre!
Je le savais: depuis l’élection des libéraux, et dans son sillage la possibilité que le Dr Gaétan Barrette prenne les rênes de la santé au Québec, ce n’était qu’une question de temps avant que son obésité fasse la manchette. La pétition «Pour un ministre de la santé en santé?», par contre, je ne l’avais pas vue venir… Cette pétition, qui porte tout de même plus de 10 000 signatures, a été retirée du Web après quelques jours d’existence seulement, et son auteur aurait été victime de plusieurs attaques personnelles. La pétition a créé bien des remous dans les médias et, vous vous en doutez probablement, toute cette saga a suscité plusieurs réflexions chez moi.
Notre nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux est obèse, ça se voit. Selon la multitude d’études réalisées sur le lien entre obésité et santé, le ministre Barrette est probablement plus à risque de souffrir de problèmes comme le diabète et l’hypertension que s’il n’était pas obèse. Sur cette base, certains jugent qu’il n’est pas un bon modèle de santé. Dans la pétition, on suggérait que M. Barrette pourrait inspirer le changement collectif en saisissant l’occasion que présente sa situation actuelle: «Étant le ministre de la Santé, M. Barrette devient par conséquent un exemple et un porte-parole de la santé au Québec. Nous proposons donc que M. Barrette en profite pour être le porte-étendard d’une remise en forme inspirant ainsi la population dans cette direction». Allez, allez, Dr Barrette! On veut vous voir fondre! Peu importe les moyens que vous prendrez, ce sera inspirant pour le Québec. Vraiment?
Mais qu’est-ce que la santé?
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le concept de santé dépasse largement l’absence de maladie. Dès 1948, l’OMS définit la santé comme un état complet de bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité1. La Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, quant à elle, définit la santé comme la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut, d’une part, réaliser ses ambitions ou satisfaire ses besoins et, d’autre part, évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci2. Selon ces définitions, le ministre Barrette est-il en bonne santé? Je n’en ai aucune idée!
Le problème de notre nouveau ministre de la Santé, c’est que l’obésité est apparente. S’il était dépressif, s’il fumait en cachette, s’il était sédentaire, s’il faisait de l’hypercholestérolémie, s’il était un joueur compulsif…, mais qu’il était mince, il n’y aurait pas eu de pétition. On ne lui demanderait pas d’être un modèle ou un porte-étendard; on le laisserait travailler.
Discrimination envers les personnes obèses
Le Dr Barrette n’est pas le seul dans son bateau. Les personnes obèses souffrent de discrimination dans différents domaines de leur vie. Plusieurs études ont été réalisées afin de démontrer la présence de discrimination sur le marché du travail, notamment lors de l’embauche des candidats.
Dans une de ces études que j’expose souvent à mes étudiants, on a filmé des entrevues fictives d’embauche avec des comédiens minces3. Ceux-ci jouaient leur rôle exactement de la même façon à 2 reprises: sans modification de leur apparence, puis déguisés et maquillés afin qu’ils semblent obèses. Objectivement, les 2 prestations étaient identiques: les réponses aux questions, l’assurance, le non-verbal et l’enthousiasme étaient un copier-coller d’une entrevue à l’autre. Plusieurs personnes ont été recrutées pour analyser les entrevues et, pour des raisons évidentes, on s’assurait que chacun d’eux ne voit jamais le même comédien 2 fois! Les résultats de l’étude suggèrent que les gens qui analysaient les entrevues ont été grandement influencés par le poids apparent des candidats. Ainsi, le même comédien recevait une moins bonne note pour son entrevue, et on était moins favorable à son embauche lorsque celui-ci était déguisé en une version plus grosse de lui-même.
Le sujet de la discrimination envers les personnes obèses et de leur stigmatisation est trop important pour que je ne fasse que l’effleurer. J’y reviendrai, c’est une promesse. En attendant, j’ai du travail: je dois vérifier si notre nouveau ministre de l’Économie, M. Jacques Daoust, a l’habitude d’utiliser les coupons de réduction lorsqu’il fait ses emplettes… Faudrait peut-être bien s’assurer qu’il donne l’exemple lui aussi!
1 Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, telle qu’adoptée par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signée le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. 1946; (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n° 2, p. 100) et entrée en vigueur le 7 avril 1948. ↩
2 Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. WHO/HPR/HEP/95.1. OMS, Genève, 1986. ↩
3 Pingitore R, Dugoni BL, Tindale S, Spring B. «Biais against overweight job applicants in a simulated employment interview.» J Appl Psychol 1994; 79: 909-917. ↩
Publié le 8 mai 2014 | Par Gale West
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