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Quand le stress tient la fourchette

J’ai, dans ma bibliothèque, un livre de Hans Selye, qu’on surnomme le père du concept du stress. J’ai hérité du livre Le stress de la vie1 de ma grand-mère, Rachel Côté, une pro de la zénitude qui a notamment été une des premières professeures de yoga à Québec dans les années 1970! L’effet du stress sur notre fonctionnement m’a toujours fascinée et c’est pourquoi le nom de Hans Selye m’est familier depuis assez longtemps. Si vous consultez ses écrits, vous serez probablement impressionné de constater à quel point ses recherches, qui datent pour certaines de la première moitié du 20e siècle, étaient assez avant-gardistes. Le Dr Selye avait, entre autres, déjà émis certaines hypothèses sur le lien entre le stress, l’appétit et les fluctuations du poids corporel. Encore aujourd’hui, ce sujet intéresse plusieurs scientifiques.

stress

Ce que je trouve fascinant de cette thématique c’est que, selon les individus, le stress peut avoir des effets très variables, voire même opposés, sur l’appétit et le poids corporel. Voyons ça de plus près.

Le stress qui nous bouffe
Vous avez peut-être vu passer dans les médias des articles sur les problèmes d’alimentation de la joueuse de tennis Eugénie Bouchard. Il semble que la pression ressentie lorsqu’on figure parmi les meilleures au monde et qu’on doit conserver son classement a eu chez elle de nombreux effets indésirables lors de la saison 2015. Elle a avoué avoir éprouvé de la difficulté à manger avant ses matchs tant le stress était intense. Et quand elle se forçait à manger, ça ne passait pas. Une perte de poids non intentionnelle s’en est suivie. Rien de bon quand on se mesure à une Serena Williams!

La science n’a pas encore toutes les réponses, mais elle suggère quand même certains mécanismes pour expliquer la réaction d’Eugénie. Sans entrer dans les détails, disons qu’il y a certaines hormones libérées en réponse au stress qui ont un effet sur l’appétit. La corticolibérine (ou CRH), une hormone sécrétée par l’hypophyse, jouerait un rôle clé dans l’adaptation de l’organisme au stress. On lui attribue plusieurs effets métaboliques et neuroendocriniens, dont l’effet anorexigène (perte d’appétit) en réponse au stress. D’autres hormones, comme la mélanocortine, peuvent également contribuer à l’effet anorexigène du stress.

Par ailleurs, les chercheurs qui s’intéressent au stress et à l’alimentation ont proposé des explications aux difficultés à digérer qui peuvent être ressenties lors de situations stressantes. Tel qu’expliqué par les experts du Centre d’études sur le stress humain, même si les sources de stress ont changé au cours de l’évolution humaine, ce dernier orchestre encore aujourd’hui des réactions pour nous aider à combattre ou à fuir. Ces réactions se traduisent entre autres par une augmentation du rythme cardiaque et respiratoire afin de fournir le plus d’énergie possible à nos muscles. En contrepartie, l’afflux sanguin vers les systèmes de l’organisme qui ne sont pas essentiels pour «combattre ou fuir», tel le système digestif, est alors diminué.

Le stress qui nous fait bouffer
Avec ce que je viens de dire, il vous semblera peut-être paradoxal d’apprendre que certaines personnes mangent davantage et prennent du poids lorsqu’elles sont stressées. C’est pourtant le cas. Il semble entre autres que les personnes obèses soient plus sujettes à répondre au stress par une augmentation de leur prise alimentaire.

À ce sujet, une étude réalisée aux États-Unis auprès de 1355 adultes visait à vérifier si différentes sources de stress psychologique étaient associées au gain de poids2. Les participants à l’étude étaient suivis sur une période de neuf ans. Les chercheurs ont constaté que, chez les personnes obèses, plus le stress était élevé au début de l’étude, plus le gain de poids était important pendant la période de suivi. Au contraire, chez les personnes de poids normal, un niveau de stress accru avait plutôt tendance à être associé à une perte de poids pendant les neuf années de suivi.

Pour tenter de comprendre l’augmentation de la consommation d’aliments en réponse au stress, allons voir ce que le Dr Selye a à dire sur le sujet. À la page 246 du livre Le stress de la vie, il mentionne «qu’une obésité excessive peut être également une conséquence du stress notamment chez des personnes souffrant d’impression de frustration. Quelqu’un qui ne se satisfait pas de son travail ou de ses rapports avec autrui peut chercher des consolations de toute nature».

J’attire votre attention sur le mot «consolation». Dans le domaine de la recherche sur l’obésité, on aborde ce concept en parlant d’«aliment réconfort». Puisque le stress peut apporter son lot d’inconforts, il semble bien naturel de chercher à compenser en cherchant des sources de réconfort. Pour certains, le réconfort se trouve dans une conversation avec un ami ou une intense séance d’activité physique pour faire «sortir le méchant» alors que, pour d’autres, le réconfort se love dans le garde-manger. Les études suggèrent que les gens qui ont tendance à manger davantage en situation de stress se tournent plus souvent qu’autrement vers des aliments qui sont riches en calories. Puisque ces aliments sont consommés pour répondre à des besoins psychologiques plutôt qu’à des besoins physiologiques dictés par des sensations de faim, on peut comprendre pourquoi un débalancement de l’équilibre énergétique et un gain de poids sont plus susceptibles de survenir.

Des facteurs probables
Le stress fait partie de la vie, et les experts s’entendent bien sur sa recette: faible contrôle, imprévisibilité, nouveauté, ego menacé. Il est par contre difficile de saisir pourquoi les effets du stress sur la prise alimentaire peuvent être si différents d’une personne à l’autre. Des facteurs génétiques qui influencent les réponses hormonales sont probablement en cause. L’éducation pourrait également jouer un rôle. Par exemple, si nous avons appris à nous consoler avec de la nourriture, cela peut vraisemblablement avoir une incidence sur la façon dont notre prise alimentaire sera influencée par le stress. On sait également que la relation à la nourriture serait un facteur à considérer: certaines études ont montré que les personnes qui sont constamment à la diète auraient davantage tendance à se récompenser par des aliments caloriques en période de stress.

Des solutions
Si vous faites partie des gens qui subissent des changements importants, vers le haut ou vers le bas, de leur prise alimentaire sur de longues périodes où le stress ne lâche pas, la mise en place de stratégies pour mieux gérer votre stress serait fort probablement salutaire. À ce sujet, les chercheurs misent de plus en plus sur la gestion du stress dans différents types d’interventions sur le poids corporel3. Il sera d’ailleurs très stimulant de suivre les avancées de la recherche dans ce domaine!

Je profite de l’occasion pour vous souhaiter un excellent été. Je vous retrouverai avec plaisir sur mon blogue vers la fin août.

1 Selye H. Le stress de la vie. Éditions Gallimard/Lacombe, 1962.

2 Block JP, He Y, Zaslavsky AM, Ding L, Ayanian JZ. «Psychosocial stress and change in weight among US adults». Am J Epidemiol 2009; 170: 181-192.

3 Eisenberg DM, Burgess JD. «Nutrition education in an era of global obesity and diabetes: thinking outside the box». Acad Med 2015; 90: 854-860.

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