Le poids du savoir

Plus les années passent, et plus je trouve que les étudiants universitaires de 1ère année ont l’air jeune. Je sais, vous allez me dire que c’est parce que la différence d’âge entre eux et moi s’accroît avec le temps… N’empêche que ma perception de leur visage plus juvénile que jamais m’amène à être plus sensible au fait que le passage à l’université n’est certes pas banal et peut provoquer quelques bouleversements. Ces étudiants fraîchement débarqués sur le campus peuvent, entre autres, être touchés par le phénomène du Freshman 15. Vous connaissez? 

Un concept qui fait jaser
Avec ce que je viens de vous raconter, vous pensez peut-être que le Freshman 15 est inspiré par le fait que les étudiants de 1ère année (les freshmen) ont l’air d’avoir 15 ans? Et bien non, il s’agit plutôt du phénomène, très publicisé aux États-Unis et au Canada anglais, voulant qu’une prise de poids de 15 lb (7 kg) soit chose commune et pratiquement inévitable lors de la 1ère année d’université. Une prise de poids de cette ampleur n’est pas à prendre à la légère et peut avoir des conséquences sur la santé et le bien-être. Ainsi, plusieurs sites Web s’intéressent au Freshman 15, et des stratégies sont d’ailleurs proposées pour éviter ce gain de poids.

Qu’en disent les études?
Une incursion dans la littérature scientifique nous amène rapidement à comprendre qu’il y a un peu de vérité, mais aussi beaucoup d’exagération autour du Freshman 15. Selon une revue systématique effectuée sur le sujet¹, le 1er article scientifique à avoir rapporté une prise de poids chez les étudiants universitaires de 1ère année a été publié en 1985². Dans cette étude, réalisée exclusivement chez des étudiantes, un gain de poids de 0,73 lb par mois avait été documenté. Qu’on utilise la calculatrice ou la mitaine, on n’arrive pas à 15 en multipliant 0,73 lb par 12. Le gain de poids obtenu est donc de 9 lb (ou un peu plus de 4 kg).

Plusieurs autres études ont été effectuées par la suite. La plupart d’entre elles confirment la présence d’un gain de poids lors de la 1ère année d’université, mais aucune n’arrive au fameux 15 lb. Des prises de poids oscillant plutôt entre 2 et 5 lb par année sont communément rapportées. Par exemple, une étude récente réalisée auprès d’étudiants provenant de 6 universités canadiennes s’est intéressée au gain de poids observé entre le début de la 1ère et la fin de la 4e année universitaire. Cette étude, à laquelle ma collègue Véronique Provencher a contribué, rapporte des gains de poids moyens de 4,1 kg (9 lb) chez les hommes et de 3,2 kg (7 lb) chez les femmes pour la période couvrant les 4 années universitaires³. On est encore une fois bien loin du 15 lb en un an!

Considérant ces données, on est en droit de se demander pourquoi on ne parle pas plutôt du Freshman 5 dans les médias. C’est sûr que les données probantes n’ont pas toujours la cote quand on cherche à créer une image forte. Avouez qu’un petit 5 lb, ça frappe moins l’imaginaire… Et puisque le terme Freshman 15 aurait été utilisé la 1ère fois dans la revue populaire pour adolescents Seventeen⁴, il fallait bien avoir un chiffre se terminant par teen histoire d’être concept…

Un gain de poids qu’on peut prévenir
Même si on ne s’entend pas toujours sur l’ampleur du gain de poids au cours de la 1ère année universitaire, n’en demeure pas moins que celui-ci semble courant chez nos jeunes étudiants. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, par exemple les changements d’habitudes alimentaires lorsque les jeunes quittent le nid familial, le stress occasionné par les études qui peut favoriser une surconsommation alimentaire et l’augmentation de la consommation d’alcool. Le fait que les cours d’éducation physique ne soient plus obligatoires à l’université pourrait également être en cause.

On sait que les livres qui sont prises sont souvent difficiles à perdre. Ainsi, comme le propose le dicton, mieux vaut prévenir que guérir! À ce sujet, une étude a été réalisée il y a déjà quelques années à l’Université de Sherbrooke auprès d’étudiants de 1ère année de la Faculté de médecine. Celle-ci suggère qu’il est possible de prévenir le gain de poids en mettant en place une intervention de groupe ciblant des enjeux tels que la qualité de l’alimentation, l’activité physique, la consommation d’alcool et la gestion du temps. Des résultats encourageants ont été obtenus puisqu’à la fin de la 1ère année universitaire, les étudiants du groupe témoin (ne recevant aucune intervention) avaient pris en moyenne 1,2 kg alors que ceux du groupe recevant l’intervention avaient perdu 0,2 kg. ⁵

Finalement, à l’Université Laval, Mon équilibre UL s’inscrit bien dans une démarche d’amélioration des habitudes de vie qui peut contribuer à la prévention du gain de poids. En plus d’offrir un répertoire de ressources et de services disponibles sur le campus, Mon équilibre UL propose une offre de cours à distance crédités sur la nutrition, l’activité physique et la gestion du stress. Des activités ponctuelles visant la promotion des saines habitudes de vie sont également organisées. Bref, une très belle initiative!

 Bonne rentrée à tous!