La nutrition au menu
Publié le 2 septembre 2016 | Par Simone Lemieux
Pesée obligatoire à l’école: quelques réflexions
Quand j’ai vu dans les médias qu’une pétition contre la pesée des élèves dans les cours d’éducation physique avait été lancée, cela m’a fait penser à un des sports que j’ai pratiqués, l’haltérophilie. Sachez d’ailleurs que j’ai eu beaucoup de plaisir à apprendre comment maîtriser l’arraché et l’épaulé-jeté.
Lors de ma première participation à une compétition d’haltérophilie, ce qui m’avait le plus impressionnée était la solennité entourant la pesée. L’une après l’autre, nous devions monter sur la balance et un officiel procédait à la mesure de notre poids corporel. En haltérophilie, la logique derrière la pesée est simple: plus les athlètes sont lourds, plus ils lèvent des charges élevées. Pour rendre la compétition la plus juste possible, on regroupe les athlètes avec un poids similaire. La pesée est donc essentielle pour le bon déroulement des compétitions.
Peut-on dire la même chose de la pratique de la pesée qui a cours dans les classes d’éducation physique au cégep, et parfois aussi au primaire et au secondaire? Est-elle essentielle ou à tout le moins utile pour les élèves? Ou, au contraire, peut-elle être nuisible? Voici quelques-unes de mes pistes de réflexion à ce sujet.
Parler du poids corporel, est-ce pertinent?
Si la mesure du poids corporel a été introduite dans les programmes d’éducation physique, c’est certainement dans une optique de sensibilisation aux problèmes de santé associés au statut pondéral. Cependant, on entend tellement parler d’obésité dans les médias et la minceur est à ce point valorisée qu’on peut facilement imaginer que les jeunes québécois qui ont un surplus de poids sont déjà très sensibilisés à cette problématique. C’est d’ailleurs une des questions étudiée dans L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Celle-ci s’est intéressée à différents aspects relatifs au poids et à l’image corporelle chez 63 196 élèves québécois de la 1re à la 5e secondaire1.
Tout d’abord, afin de déterminer si les jeunes estimaient bien leur apparence, on leur demandait de s’identifier à une des 7 silhouettes corporelles de garçons et de filles allant de très mince à obèse. Les résultats de l’enquête dénotent une bonne correspondance entre la silhouette choisie et le statut pondéral du jeune.
L’enquête s’est également attardée à l’insatisfaction corporelle et aux stratégies utilisées pour perdre du poids. À ce sujet, on a constaté que, parmi les jeunes femmes ayant un surplus de poids, 71% disaient souhaiter avoir une silhouette plus mince alors que le pourcentage s’élevait à 54% pour les garçons de la même catégorie. Le désir d’être plus mince ne touchait pas seulement les jeunes présentant un excès de poids, puisque c’était également le souhait de 40% des filles de poids normal.
On a également noté que, au moment de l’étude, 62% des jeunes filles et 43% des garçons avec un surplus de poids essayaient de maigrir. Parmi eux, 73% avaient eu recours à une méthode jugée comme potentiellement dangereuse pour la santé (ex.: prendre des coupe-faim, sauter des repas, commencer ou recommencer à fumer).
Ainsi, la majorité des jeunes en surplus de poids sont conscients de leur embonpoint, ne sont pas satisfaits de leur image corporelle et tentent de perdre du poids, plus souvent qu’autrement en utilisant une méthode douteuse. On risque donc de ne pas leur apprendre grand-chose en les faisant grimper sur la balance. Et si l’exercice les encourage à entreprendre une perte de poids, le risque qu’ils s’y prennent tout croche est bel et bien présent.
Regardons maintenant de manière plus spécifique les études qui se sont intéressées aux effets de la pesée sur la gestion du poids, de la santé et du bien-être.
Des bienfaits associés à la pesée
Quand on suit la littérature scientifique sur les interventions prometteuses en matière de gestion de poids, on voit constamment des études qui suggèrent que les gens impliqués dans une démarche de perte de poids qui se pèsent de façon régulière auraient plus de succès que ceux qui se pèsent moins fréquemment2.
Selon ces études, on pourrait être tenté de prescrire la montée sur la balance de façon généralisée, mais rappelons-nous que ce sont des résultats qui s’appliquent uniquement à des gens en processus actif de perte de poids.
Par ailleurs, je tiens à ajouter que je n’ai jamais été convaincue du sens réel de cette association: on perd du poids parce qu’on se pèse ou on se pèse parce qu’on sait qu’on perd du poids?
Risques associés à la pesée
D’un autre côté, on note que la pesée génère un stress majeur chez certaines personnes. Le témoignage de l’étudiante ayant changé de cégep à quelques reprises pour éviter la pesée en est un exemple criant, et certaines études suggèrent que cette jeune femme ne peut être considérée comme un cas isolé.
De façon générale, on note beaucoup de divergences dans les résultats d’études s’intéressant au lien entre le fait de se peser et le bien-être. Par contre, il semble clair que les femmes, et surtout les adolescentes, sont plus à risque de subir des conséquences négatives (mauvaise estime de soi, insatisfaction corporelle, comportements qui tendent vers les troubles alimentaires, etc.) lorsqu’elles se pèsent régulièrement3.
Plus particulièrement, une étude s’est intéressée à des athlètes féminines universitaires pratiquant un sport reconnu pour être associé à un risque accru de développer un trouble alimentaire (gymnastique, plongeon, natation). Elles ont été classées en 3 groupes selon la fréquence à laquelle elles se pesaient (moins d’une fois par semaine, 1 à 2 fois par semaine et plus de 3 fois par semaine). L’étude démontre que plus les jeunes femmes se pesaient souvent, plus elles ressentaient de l’insatisfaction face à leur corps et présentaient une susceptibilité aux troubles alimentaires. Elles démontraient également plus de culpabilité et de colère que celles qui se pesaient moins souvent4.
En conclusion
Si la pesée obligatoire pouvait être une occasion de repérer les jeunes qui ont un réel inconfort avec la balance et une grande insatisfaction corporelle et si on pouvait ensuite les référer pour un suivi professionnel, l’exercice ne serait peut-être pas vain. Mais puisque l’objectif actuel de la pesée n’est pas de cette nature, ma lecture de la situation m’amène à croire que cette pratique n’a pas une grande utilité et peut même être néfaste pour certains jeunes.
Et puis, même si les éducateurs physiques balancent le pèse-personne par-dessus bord, ils ne failliront pas à leur mission et pourront amplement contribuer à améliorer la santé de leurs élèves à long terme. À mon sens, leur influence sur la santé et le bien-être des jeunes est bien plus grand en leur donnant ou leur redonnant la piqûre de l’activité physique.
Bonne rentrée!
1 Camirand H, Blanchet C, Pica LA. «Poids, apparence corporelle et actions à l’égard du poids», dans L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Le visage des jeunes d’aujourd’hui: leur santé physique et leurs habitudes de vie, Tome 1, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 121-148. ↩
2 Shieh C, Knisely MR, Clark D, Carpenter JS. Self-weighing in weight management interventions: a systematic review of the literature. Obes Res Clin Pract 2016, article sous presse. ↩
3 Pacanowski CR, Linde JA, Neumark-Sztainer D. Self-weighing: Helpful or harmful for psychological well-being? A review of the literature. Curr Obes Rep 2015; 4: 65–72 ↩
4 Carrigan KW, Petrie TA, Anderson CM. To weigh or not to weigh? Relation to disordered eating attitudes and behaviors among female collegiate athletes. J Sport Exerc Psychol 2015; 37: 659-665. ↩
Publié le 6 septembre 2016 | Par Simone Lemieux
Par ailleurs, je pense qu'il faut arrêter de «mesurer les efforts» en regardant seulement les changements sur le format corporel. Ça peut d’ailleurs être dangereux de favoriser la mentalité de «maigrir à tout prix» qui est souvent bien éloignée de la santé. Le fait de se sentir mieux, d'avoir plus d'énergie, d'être moins essoufflé, de mieux dormir, d'avoir une meilleure digestion, etc. même si on ne perd pas une once de graisse, devrait faire partie de notre définition du succès.
Merci de votre commentaire!
Publié le 4 septembre 2016 | Par nathalie trudeau
J'ai lu entièrement votre article. Je crois qu'il y a un aspect qui a été oublié... la balance n'est pas un instrument adéquat lorsqu'on veut promouvoir une perte de poids ou un engagement vers une meilleure santé. La raison en est qu'une personne musclée va peser plus qu'une autre ayant moins de muscles, donc plus de graisse car le muscle contient plus d'eau donc plus pesant.
Au lieu de faire une pesée tout court, il serait plutôt intéressant d'évaluer la composition corporelle des étudiants par des instruments précis et de calculer le ratio taille/hanche.
Avec ces 2 résultats, les étudiants seront plus en mesure d'évaluer le résultat de leurs efforts a/n alimentaire, activité physique qui pourraient être encadrés de façon saine.
Bonne journée!
Publié le 6 septembre 2016 | Par Simone Lemieux
Merci d'avoir pris le temps de commenter le billet!
Publié le 2 septembre 2016 | Par Michèle Chantal
Mon mari et moi avons un poids normal. Nous avons quand même commencé à nous peser tous les matins, car nous partions 9 semaines en voyage (road trip). La nourriture des restaurants est souvent plus grasse, salée et engraissante qu'à la maison. Quand notre poids avait monté, ne serait-ce que de quelques dixièmes, le lendemain nous marchions plus et le poids revenait à la première pesée. Nous n'avons jamais coupé de nourriture à cause de cela. Nous avons parfois changé ce que nous mangions, mais pas plus. Cette pratique nous a permis de reconnaître les aliments qui nous faisaient prendre du poids et de les inclure moins souvent dans notre menu. Le problème n'est pas la pesée, mais plutôt ce qui se passe après. Aussi, nul ne devrait avoir accès à ces données, en tout cas, pas d'autres étudiants.
Michèle Chantal
Publié le 2 septembre 2016 | Par Simone Lemieux
Publié le 2 septembre 2016 | Par Maryse St-Louis
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