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Le palmarès des mauvaises habitudes alimentaires

On m’a souvent demandé ce qui était le pire entre le sucre, le sel et le gras. Pour esquiver cette question embêtante, il m’est déjà arrivé de répondre que le pire est sûrement de mettre du sel à la place du sucre dans un gâteau. Ce n’était pas une réponse très professionnelle, mais puisque ça m’était déjà arrivé, au moins je savais de quoi je causais! 

PalmaresAlim-400Si je vous parle de ça aujourd’hui, c’est qu’une équipe de recherche de l’Université Tuft, aux États-Unis, s’est récemment affairée à identifier les facteurs alimentaires les plus étroitement associés à la mortalité due aux maladies cardiométaboliques. Je vous donne aujourd’hui les grandes lignes de cet article publié il y a quelques semaines dans le Journal of the American Medical Association1.

Les principaux résultats de l’étude
L’objectif de l’étude était d’examiner, chez les adultes américains, le lien entre la consommation de 10 aliments ou nutriments et la mortalité cardiométabolique. Celle-ci inclut les décès causés par les maladies du cœur, l’accident vasculaire cérébral et le diabète.

Voici, en ordre décroissant, la contribution de ces aliments et nutriments à la mortalité cardiométabolique, observée en 2012:

  1. consommation élevée de sodium (9,5 % de ces décès);
  2. consommation insuffisante de noix et de graines (8,5% );
  3. consommation élevée de viandes transformées (8,2%);
  4. consommation insuffisante d’oméga-3 (7,8%);
  5. consommation insuffisante de légumes (7,6%);
  6. consommation insuffisante de fruits (7,5%);
  7. consommation élevée de boissons sucrées (7,4%);
  8. consommation insuffisante de grains entiers (5,9%)
  9. consommation insuffisante d’acides gras polyinsaturés (2,3%);
  10. consommation élevée de viandes rouges (0,4%).

Quand on considère ces 10 facteurs dans leur ensemble ainsi que les chevauchements inévitables entre les influences relatives de chacun des aliments ou des nutriments mentionnés, ce serait 45,4% des 702 308 décès causés par les maladies cardiométaboliques aux États-Unis, en 2012, qui seraient attribuables à des apports alimentaires globalement inadéquats. 

Des différences à souligner
Certaines différences dans la contribution des facteurs alimentaires aux décès cardiométaboliques ont été dénotées entre divers groupes de la population. Ainsi, cette contribution serait moins élevée chez les femmes (41,8%) que chez les hommes (48,6%). Elle serait également plus faible chez les Blancs (42,8 %) que chez les Noirs (53,1%) et les Hispaniques (50,0%). Enfin, la contribution de l’alimentation à la mortalité cardiométabolique serait plus élevée au sein du groupe des 25 à 34 ans (64,2%) que chez les personnes âgées de plus de 75 ans (35,7 %).

Selon l’interprétation des auteurs, de meilleures habitudes alimentaires expliqueraient principalement pourquoi certains groupes seraient caractérisés par une contribution plus faible de ces facteurs alimentaires aux décès cardiométaboliques.

Des tendances importantes
L’étude comparait également la situation qui prévalait en 2002 à celle de 2012. Les données relatives à ces 2 périodes ont permis aux chercheurs de constater que le nombre de décès par maladies cardiométaboliques avait diminué de 26,5% aux États-Unis au cours de cette décennie. Certaines améliorations alimentaires ont également été observées au fil des ans. On remarque notamment une augmentation de la consommation de gras polyinsaturés, de graines et de noix, de produits à grains entiers et de fruits. Une diminution de la consommation de boissons sucrées a également être observée. De façon parallèle, on constate que la contribution globale des facteurs alimentaires à la mortalité cardiométabolique aurait diminué entre 2002 et 2012, passant de 52 à 45,3%. 

Quelques dessous méthodologiques
Je trouve important de vous dire qu’avant d’arriver à ces résultats, les auteurs ont dû effectuer plusieurs analyses en utilisant une quantité impressionnante de données provenant de la littérature scientifique. Un document supplémentaire de 106 pages a d’ailleurs été nécessaire pour expliquer toutes ces acrobaties statistiques!

On peut tout d’abord se demander comment ces 10 aliments et nutriments ont été choisis. Ils ont été sélectionnés parmi un groupe de 17 candidats en considérant les études antérieures ayant mis en évidence la relation entre les apports alimentaires et les maladies cardiométaboliques. On s’est assuré de conserver ceux pour lesquels il y avait les meilleures preuves de causalité. 

Il fallait ensuite déterminer ce qui constituait un apport optimal pour ces aliments et ces nutriments. Ces valeurs correspondent à la consommation associée au plus faible risque, tel que proposé par différentes méta-analyses qui ont mis en lien les apports alimentaires et l’incidence des différentes maladies. Par exemple, il a été déterminé que la consommation optimale de viandes transformées (charcuteries, bacon, saucisses, etc.) était de 0 (aucune consommation).

Toujours à l’aide de résultats provenant du même type de méta-analyses, les risques relatifs caractérisant les associations entre les 10 facteurs alimentaires et l’incidence des maladies cardiométaboliques ont pu être déterminés. Ainsi, pour les viandes transformées, le risque relatif de maladie du cœur serait de 1,65.  Plus concrètement, cela veut dire que pour chaque tranche de 50 g de viandes transformées consommées quotidiennement, le risque de maladie coronarienne augmente de 65%. L’exercice a été répété pour chaque facteur alimentaire mis en lien avec chaque maladie cardiométabolique.

Les apports alimentaires usuels des Américains ont ensuite été évalués à l’aide de l’enquête nationale National Health and Nutrition Examination Survey. Ces données ont permis de voir dans quelle mesure les apports usuels sont différents des apports qualifiés d’optimaux. Enfin, le registre National Center for Health Statistics a été utilisé pour déterminer le nombre de décès causés par les maladies du cœur, l’accident vasculaire cérébral et le diabète.

Finalement, les données ont été combinées dans un modèle complexe pour en arriver à calculer le pourcentage de décès attribuable à chacun des facteurs alimentaires. On retiendra de ce modèle qu’il considère l’écart entre les apports alimentaires usuels et optimaux dans la population, les différents risques relatifs reliant les facteurs alimentaires aux maladies cardiométaboliques et le nombre de décès spécifiques à chacune des maladies.

Comme vous pouvez maintenant le constater, les pourcentages correspondant à la contribution de chacun des facteurs alimentaires aux décès cardiométaboliques n’ont pas été obtenus par un simple calcul effectué au sein d’une seule et unique cohorte suivie dans le temps. Il faut garder en tête que les résultats reposent sur un nombre important d’étapes intermédiaires et plusieurs estimations.

La suite des choses
Les auteurs de l’étude suggèrent que leurs résultats pourront orienter les programmes de promotion de la saine alimentation. À ce sujet, ils proposent de miser sur des messages positifs visant les éléments à intégrer davantage dans notre alimentation comme les noix et les graines, les acides gras oméga-3 ainsi que les légumes et les fruits. Ainsi, ils suggèrent de ne pas mettre seulement l’accent sur les messages négatifs qui invitent à limiter la consommation de certains aliments et nutriments (par exemple le sodium, les viandes transformées et les boissons sucrées) comme c’est trop souvent le cas. On nous rappelle également que la contribution de chacun des facteurs alimentaires au risque de décès par maladies cardiométaboliques n’est pas nécessairement la même d’une personne à l’autre, puisqu’elle peut être modifiée par certaines variables comme la génétique, l’activité physique, le niveau d’adiposité et d’autres facteurs alimentaires ne se retrouvant pas dans le top 10 étudié.

D’un point de vue plus personnel, j’ose espérer que l’intérêt que j’ai porté à cet article me permettra de donner une réponse plus intelligente la prochaine fois qu’on me posera une question à propos des pires habitudes alimentaires à adopter!  

1 Micha R, Peñalvo JL, Cudhea F, Imamura F, Rehm CD, Mozaffarian D. «Association between dietary factors and mortality from heart disease, stroke, and type 2 diabetes in the United States». JAMA. 2017; 317: 912-924.

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  1. Publié le 30 mai 2017 | Par Simone Lemieux

    @Blondel. Dans l'article dont il est question dans mon billet, plusieurs études ont été combinées pour en arriver aux conclusions présentées. Je ne peux pas vous assurer que toutes les études ont utilisé exactement la même définition pour les viandes transformées. Cependant, les aliments inclus généralement sous le terme «viandes transformées» sont les viandes qui ont été fumées, salées, séchées ou auxquelles on a ajouté des agents de conservation. Typiquement, on retrouve le bacon, le salami, les saucisses et les charcuteries. À ma connaissance, il n'y pas d'étude d'envergure ayant documenté l'effet spécifique de chacun de ces produits pris de façon isolée sur la morbidité ou la mortalité.
  2. Publié le 30 mai 2017 | Par Blondel

    Bonjour Madame Simone Lemieux,

    Il y a une question derrière le terme «viande transformée».
    - salaisons = sel + parfois fumaison,
    - charcuterie = graisse saturée + sel + éventuellement fumaison,
    - saucisse = charcuterie + carbonisation partielle,
    - steak haché = graisse saturée + carbonisation partielle,
    - etc.

    Il serait doublement intéressant d'affiner cette analyse car:
    - Les facteurs de risques sont divers et modifiables.
    - La viande transformée étant par nature «industrielle», c'est beaucoup plus facile d'avoir une action globale pour la santé d'une population.

    Merci pour toute précision, cordialement,

    AB.
  3. Publié le 26 avril 2017 | Par Simone Lemieux

    @mariechristinenault. Merci pour votre commentaire. Les auteurs de l'étude pourraient très certainement répondre beaucoup mieux que moi! Je peux quand même vous donner certains éléments de réponse. Tout d'abord, sachez que les aliments sucrés (autre que les boissons sucrées) ne faisaient pas partie des 17 «candidats» que les auteurs ont considérés pour choisir les 10 aliments/nutriments qui feraient l'objet de leurs analyses. Je crois qu'une des raisons est que les boissons sucrées ont été grandement étudiées et ont fait l'objet de méta-analyses. Cela explique probablement pourquoi elles ont été retenues comme un facteur dans la présente étude. Il n'y avait probablement pas assez d'études et de preuves pour inclure d'autres aliments sucrés dans l'analyse et il y aurait peut-être eu aussi trop de chevauchement avec les boissons sucrées.

    Par ailleurs, la difficulté avec les analyses qui s'intéressent à la consommation quotidienne de sucre est que les bases de données nutritionnelles ne font pas la distinction entre le sucre naturellement présent dans les aliments et le sucre ajouté aux aliments. Cela fait en sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions valides. Une autre difficulté à étudier est que certains aliments sucrés, comme le chocolat, les biscuits, les pâtisseries, etc., sont des aliments qui contiennent aussi beaucoup de gras. Ainsi, on ne sait pas trop si les associations qui pourraient être vues avec la mortalité seraient attribuables au sucre ou au gras. Pour les boissons sucrées, l'avantage est qu'elles contiennent seulement du sucre, ce qui facilite l'interprétation.
    Pour ce qui est de la comparaison entre le sel et le sucre, je pense qu'il faut garder en tête que les 2 contribuent à la mortalité cardiométabolique selon l'étude discutée dans mon billet (9,5% c. 7,4%). Personnellement, cet écart ne m'apparaît pas extrêmement important, surtout quand on considère toutes les étapes méthodologiques/statistiques effectuées avant d'arriver à ces chiffres. Finalement,il est vrai que l'OMS fait la guerre au sucre, mais elle fait également la guerre au sel puisqu'elle vise une réduction de 30% de la consommation de sodium d'ici 2025!
  4. Publié le 26 avril 2017 | Par Marie-Christine

    Bonjour,
    En lisant votre article, j'ai été étonnée de constater que, mis à part les boissons gazeuses, le sucre (sucreries, viennoiseries, chocolats, etc.) ne figure pas dans les 10 aliments. Comme l'Organisation mondiale de la santé a déclaré la guerre au sucre, je me demandais quel est l'impact du sucre dans la mortalité cardiométabolique. Je croyais que le sucre pouvait entraîner un surplus de poids et éventuellement l'obésité et qu'il était donc pire que le sel pour la santé... Je suis surprise de retrouver le sel en première position...
    Merci.
    Marie-C
  5. Publié le 15 avril 2017 | Par Pierre Bilodeau

    Je me doute bien que tout le monde ne sera pas d'accord avec moi, mais les habitudes alimentaires les plus mauvaises ne concernent pas les aliments en tant que tel, mais leurs prises intempestives entre les repas.

    La première de toutes les bonnes habitudes alimentaires consiste à circonscrire la prise d'aliments aux repas, ce qui laisse à l'organisme le temps de s'équilibrer.

    C'est la toute première forme de jeûne et la plus facile à pratiquer.
  6. Publié le 13 avril 2017 | Par Simone Lemieux

    @Nathalie. J'étais consciente en écrivant ce texte que la partie sur les dessous méthodologiques de l'article pourrait être perçue comme étant aride par certains lecteurs. Vous avez bien fait d'utiliser votre liberté de lectrice en passant rapidement sur cette section qui vous «parlait» moins et tant mieux si les premiers paragraphes vous ont plu. Par ailleurs, je sais pertinemment que certains lecteurs de mon blogue apprécient lorsque je décris avec plus de profondeur et de détails les études auxquelles je réfère. Il est donc difficile de me mettre dans les souliers de tous les lecteurs en même temps!
  7. Publié le 13 avril 2017 | Par Nathalie

    Bonjour,
    Je suis une adepte de la science vulgarisée et de ses praticiens. Et je suis passionnée d'alimentation. En ce sens, votre blogue est un véritable cadeau et je vous en remercie.
    Mais pour être bien honnête et avec un peu de honte, je dois avouer que je n'ai lu attentivement de ce billet que les premiers paragraphes. Pourtant, en les parcourant en transversal, les informations dans les sections suivantes m'ont intéressées et sont sans doute importantes. Mais pas assez pour m'astreindre à leur caractère plus aride. Et je ne suis probablement pas la moins persévérante des lectrices! Je souhaite donc sincèrement que vous –ainsi que les auteurs des blogues de ce type qui sont si importants pour rendre la science accessible et intéressante à tous– puissiez vous mettre davantage dans les souliers du type de lecteurs que vous visez et qui pourraient en tirer profit davantage.

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