La nutrition au menu
Publié le 10 novembre 2015 | Par Simone Lemieux
Mon guide alimentaire est plus fort que le tien!
«Mon père est plus fort que le tien!» Vous vous rappelez? Petits, c’est ce qu’on disait à nos amis quand on ne savait plus comment gagner une chicane. J’ai parfois l’impression de retourner en enfance en constatant comment nous, les experts en nutrition, participons au débat sur la saine alimentation. On croirait entendre: «Mon guide alimentaire est plus fort que le tien!»
Au-delà des prises de bec et des divisions, la question demeure: manger sainement, ça veut dire quoi précisément? Cette question est stimulante; plus j’essaie d’y répondre et plus cela engendre de nombreuses sous-questions. Les divers modèles d’alimentation saine sont-ils si différents? Est-ce possible de s’entendre sur une définition commune de la saine alimentation? Comment transmettre un message simple à la population? Je vous invite dans ma tête, dossier saine alimentation!
Les différents modèles d’alimentation saine
On le sait, tous les experts ne s’entendent pas sur ce qui devrait composer une alimentation saine. Plusieurs modèles ont été proposés et sont «défendus» par leurs militants respectifs. Lancez-vous dans l’alimentation méditerranéenne, soyez végétariens, adhérez aux recommandations de l’assiette santé de Harvard, suivez le guide alimentaire canadien… Qui croire?
J’ai eu la chance de me pencher sur cette question alors que je préparais une conférence qu’on m’avait demandé de prononcer au congrès annuel de la Société québécoise de lipidologie, de nutrition et de métabolisme. Ma présentation portait le titre très général «Impact de la qualité de l’alimentation sur la santé». J’ai donc cherché des études qui comparaient différents modèles d’alimentation selon des indicateurs de santé.
Je suis alors tombée sur des travaux d’un groupe de recherche qui ont attiré mon attention. Les chercheurs y comparaient différents indices de qualité de l’alimentation quant à leur association avec la mortalité liée aux maladies chroniques chez des femmes ménopausées. En utilisant les données de consommation alimentaire de 63 805 participantes suivies pendant près de 13 ans1, les chercheurs ont pu mesurer leur niveau d’adhésion à l’un des 4 modèles suivants: recommandations nutritionnelles en vigueur aux États-Unis, principes de l’assiette santé du groupe de Harvard, alimentation méditerranéenne et régime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension).
Globalement, les résultats indiquent qu’une meilleure qualité de l’alimentation, telle que démontrée par un niveau élevé d’adhésion à l’un ou l’autre des modèles comparés, est associée à une réduction du risque de la mortalité sur la période de 13 ans. Plus spécifiquement, l’étude compare le 20% des femmes ayant le score de qualité de l’alimentation le plus élevé au 20% ayant le score le plus faible, pour tous les modèles alimentaires. Ce faisant, on a constaté une diminution de l’ordre de 18 à 26% de la mortalité, plus spécifiquement celle attribuée aux maladies cardiovasculaires, chez les femmes adhérant le mieux aux recommandations du modèle choisi.
Des résultats similaires ont été observés dans une étude s’intéressant à l’incidence du diabète: peu importe le programme alimentaire équilibré choisi, le seul fait d’y adhérer réduit le risque de développer le diabète2.
Donc, au final, tout le monde est content, et personne ne peut vraiment dire que son guide alimentaire est le plus fort! Mais attention, on parle ici de programmes qui ont fait l’objet de réflexions et de consensus et qui sont appuyés par des données probantes. Il n’est pas question des propositions farfelues provenant de pseudo-experts.
Résultats surprenants?
Ces résultats vous surprennent peut-être, puisqu’on a surtout tendance, dans le discours actuel, à mettre l’accent sur les différences entre les recommandations nutritionnelles proposées. Peut-être devrions-nous mettre davantage l’accent sur leurs similitudes? Car elles sont nombreuses! En effet, tous ces modèles priorisent une consommation abondante de légumes et de fruits, insistent sur l’importance de consommer des produits céréaliers à grains entiers, laissent une certaine place aux produits laitiers et soulignent l’importance d’inclure fréquemment des substituts à la viande (on pense ici aux poissons, aux légumineuses, aux noix, etc.).
Ainsi, on pourrait dire que l’alimentation saine se décline en différents formats qui ont cependant des lignes communes. Quand on s’attarde à ces similitudes, il devient moins étonnant de constater que le fait d’adhérer à l’une ou l’autre des options suggérées entraîne des bénéfices somme toute assez comparables.
Ça me semble une excellente nouvelle, puisque cela donne la possibilité de choisir le modèle qui nous convient le mieux: vous préférez être en terrain connu avec le guide alimentaire canadien? Vous appréciez les saveurs de la Méditerranée? Vous aimez la simplicité de l’assiette santé de Harvard? Allez-y, suivez votre cœur, suivez votre guide!
Vers une vision commune?
Je suis assez convaincue que mon idée d’embrasser plusieurs modèles de saine alimentation ne fera pas l’unanimité, et que certains préféreront continuer à prôner la fidélité à un seul.
Il serait tout de même fort intéressant de développer une vision commune en dégageant les similitudes des nombreux modèles proposés afin d’établir des critères plus «universels» de saine alimentation. Un effort qui, selon moi, nous permettrait de simplifier le message à la population et de réduire la cacophonie ambiante.
Je me rends compte qu’il reste encore beaucoup de choses à dire sur la saine alimentation. On prend une pause et on y revient dans mon prochain billet. À très bientôt!
1 George SM, Ballard-Barbash R, Manson JE et al. «Comparing indices of diet quality with chronic disease mortality risk in postmenopausal women in the Women’s Health Initiative Observational Study: evidence to inform national dietary guidance». Am J Epidemiol 2014; 180: 616-625. ↩
2 Jacobs S, Harmon BE, Boushey CJ et al. «A priori-defined diet quality indexes and risk of type 2 diabetes: the Multiethnic Cohort». Diabetologia 2015; 58: 98-112. ↩
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