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Photo de Simone Lemieux

Des pilules pour maigrir

La semaine dernière, en attendant de recevoir une prescription à la pharmacie, je me promenais dans les allées pour passer le temps. Je suis alors tombée sur des tablettes contenant des produits aux propriétés soi-disant amaigrissantes: tisanes, gélules, crèmes, nommez-les!

maigrir

Je suis toujours surprise, et un peu fâchée, de constater que de tels produits se retrouvent sur le marché malgré leur inefficacité. Quelle perte d’argent pour ceux qui les achètent! Il existe pourtant de vrais médicaments, sécuritaires et efficaces, destinés à aider certaines personnes à perdre du poids. Paradoxalement, autant l’offre de produits bidon vendus pour la perte de poids est vaste, autant les vrais médicaments, eux, se font rares!

Historique peu reluisant…
Disons-le: la feuille de route des médicaments amaigrissants mis sur le marché depuis les dernières décennies n’est pas très reluisante. Leurs résultats n’ont pas toujours été à la hauteur de ceux escomptés. Surtout, la présence d’effets secondaires graves a forcé le retrait de plusieurs d’entre eux.

Prenons les amphétamines: elles sont souvent considérées comme les «ancêtres» des médicaments pour la perte de poids. On rapporte qu’elles étaient utilisées à des fins de diète pour leurs propriétés coupe-faim dès les années 1930. À la fin des années 1970, elles ont toutefois été bannies par la U. S. Food and Drug Administration en raison de certains effets secondaires sévères, notamment des risques d’accidents cardiaques et des problèmes de dépendance.

Plus tard, durant mes études aux cycles supérieurs, on n’en a eu que pour la fenfluramine. Cette molécule agit sur la sérotonine, un neurotransmetteur du cerveau impliqué dans le contrôle de l’appétit. La fenfluramine (vendue sous le nom usuel Pondéral) a fait l’objet de plusieurs études sur le traitement de l’obésité dans les années 1990. Des cas de valvulopathie cardiaque répertoriés chez des utilisateurs ont entraîné, en 1997, un retrait du marché des médicaments contenant cette molécule et de sa «cousine» la dexfenfluramine1.

Plus récemment, c’était au tour de la sibutramine (Meridia) d’être sur la sellette… Rendue disponible en 1997, sa commercialisation a été suspendue en 2010, à la suite de la publication d’un article scientifique paru dans le très prestigieux New England Journal of Medicine2. Cet article rapportait les résultats d’une recherche où un groupe de 10 744 personnes de plus de 55 ans, à risque élevé de maladies cardiovasculaires et présentant du surpoids ou de l’obésité, avait été testé dans le cadre d’une étude financée par les laboratoires Abbott… la compagnie pharmaceutique qui avait mis au point le Meridia. En comparaison des participants ayant reçu le placebo, ceux ayant pris la sibutramine avaient subi un infarctus du myocarde non mortel dans un pourcentage significativement plus élevé (4,1% contre 3,2%).

Des données similaires avaient été obtenues concernant l’incidence d’accidents vasculaires cérébraux (2,6% chez ceux prenant la sibutramine contre 1,9% pour le placebo). Ce fut la fin de la sibutramine. 

L’orlistat comme unique option
À l’heure actuelle, seul l’orlistat (Xenical) peut être prescrit au Canada pour le traitement de la perte de poids à long terme. Ce médicament diminue le stockage des gras alimentaires par l’organisme en inhibant l’action des lipases, ces enzymes qui permettent de briser les molécules de gras pour faciliter leur absorption.

Par exemple, si une personne consomme 100g de lipides dans sa journée, seulement 70 seront digérés alors que les 30g qui restent «passeront tout droit». Comme chaque gramme de gras correspond à 9 kilocalories d’énergie, c’est un peu comme si le Xenical créait, ici, un déficit calorique de 270 kilocalories.

Vous l’aurez deviné, les effets secondaires associés à ce médicament touchent surtout les intestins: diarrhée, flatulences, incontinence, etc. De plus, le médicament peut nuire à l’absorption d’autres nutriments nécessaires au maintien d’une bonne santé, dont les vitamines liposolubles A, D, E et K.

La liraglutide bientôt à la rescousse
En février dernier, la compagnie Novo Nordisk recevait l’approbation de Santé Canada pour son médicament nommé Saxenda. Ce nouveau traitement, administré par injection, devrait se trouver sur le marché canadien au cours des prochains mois. La liraglutide agit de façon similaire au GLP-1 humain, un peptide libéré par l’ingestion de nourriture et qui induit la sensation de satiété. La liraglutide peut donc accentuer l’impression de «ne plus avoir faim» et, par le fait même, favoriser une diminution de la prise alimentaire.

Jusqu’à présent, l’effet secondaire le plus couramment rapporté dans les études sur le Saxenda est la nausée. Ce médicament réussira-t-il à survivre plus longtemps que ses confrères? C’est à suivre…

Une nutritionniste à la défense des pilules?
À la lecture de mon billet, il peut vous paraître étrange que je ne me positionne pas contre les médicaments pour la perte de poids. Une nutritionniste ne devrait-elle pas «prêcher pour sa paroisse» et ne «jurer» que par les changements d’habitudes de vie pour favoriser la perte de poids? Je répondrais d’abord que je ne «prêche» pas et que je ne «jure» pas! Plus sérieusement, l’obésité est une condition à l’origine de nombreux problèmes de santé qui augmente le risque de diverses complications. Puisque ceux-ci peuvent être réduits par la perte de poids, pourquoi ne pas explorer tous les moyens sensés mis à notre disposition pour aider les gens à maigrir? Ceci m’apparaît d’autant plus pertinent dans un contexte où le succès des méthodes visant la perte de poids par la modification des habitudes de vie est loin d’être spectaculaire à long terme.

Ceci dit, l’utilisation de médicaments pour la perte de poids doit être bien encadrée et doit cibler les personnes qui en ont vraiment besoin. Comme stipulé dans les lignes directrices de tous les organismes sérieux s’intéressant à l’obésité, la médication peut être une option pour les gens ayant un indice de masse corporelle (IMC) d’au moins 30 kg/m2 qui ont déjà tenté de perdre du poids en modifiant leurs habitudes de vie, mais sans succès3. Rappelons que l’IMC s’obtient en divisant le poids (en kilogrammes) par la taille (en mètres) élevée au carré.

On peut également envisager un traitement pharmacologique de l’obésité chez les personnes dont l’IMC est un peu moins élevé (entre 27 et 30 kg/m2) si ces dernières présentent une complication de l’obésité (diabète, hypertension, dyslipidémie). Par ailleurs, une démarche visant la modification des habitudes de vie (amélioration de l’alimentation et pratique d’activité physique) devrait toujours accompagner un traitement pharmacologique.

Trop facile?
En terminant, ça me fait toujours un peu sourciller quand j’entends des commentaires du genre: «Les pilules pour la perte de poids, c’est une solution trop facile». J’ai vraiment de la difficulté à comprendre d’où vient cette idée. Si on porte un tel jugement, c’est probablement qu’on pense que perdre du poids est facile à la base. Alors, en perdre avec des médicaments deviendrait vraiment trop facile?

Ce n’est pourtant pas ce que les études nous disent. En fait, par le recours à la médication, on ne fait qu’ajouter une aide encadrée pour aborder un défi qui, en soi, est généralement difficile à relever. Cela dit, qu’importe la situation, qu’y a-t-il de si mal à vouloir se faciliter un peu l’existence?

Préparez-vous, je n’en ai pas terminé avec la question de la perte de poids et de ses traitements soi-disant pas compliqués: dans mon prochain billet, je vous parlerai de la chirurgie de l’obésité, une autre solution… facile!

1 Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Cardiac valvulopathy associated with exposure to fenfluramine or dexfenfluramine: U.S. Department of Health and Human Services interim public health recommendations, November 1997. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 1997; 46: 1061-1066.

2 James WP, Caterson ID, Coutinho W, et al. «Effect of sibutramine on cardiovascular outcomes in overweight and obese subjects». N Engl J Med 2010; 363: 905-917.

3 Lau DC, Douketis JD, Morrison KM et al. 2006 «Canadian clinical practice guidelines on the management and prevention of obesity in adults and children (summary)». CMAJ 2007; 176: S1-S13.

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  1. Publié le 6 novembre 2016 | Par Christian

    Grâce au Meridia, j'ai perdu 79 lbs, mais je vais toujours me souvenir de ma déception quand il a été retiré en 2010. J'ai pleuré, car c'était le meilleur médicament qui a fonctionné pour moi. Depuis cette date, j'ai repris 40 lbs sur les 79 que j'avais perdu. Encore aujourd'hui, je prie pour ravoir du Meridia .

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