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Publié le 16 octobre 2015 | Par Simone Lemieux
Chirurgie de l’obésité: une solution pour maigrir?
Se faire «brocher» l’estomac: la première fois que j’ai entendu cette expression, j’ai cru à une figure de style. Quand j’ai compris que je n’avais pas affaire à une métaphore, ma réaction, une onomatopée du genre «Aïe!», a été suivie d’une opinion plutôt tranchée: comment quelqu’un qui veut maigrir peut-il choisir de se faire mutiler l’estomac plutôt que de simplement moins manger?
La chirurgie de l’obésité, qu’on appelle aussi chirurgie bariatrique, peut être perçue de bien des façons. À preuve, le papotage des derniers jours dans les réseaux sociaux concernant la perte de poids spectaculaire du Dr Gaétan Barrette. Certains internautes le félicitent, d’autres le font en ajoutant une condition: si c’est le résultat d’un régime, c’est méritoire, mais si c’est grâce à une chirurgie, ce n’est pas digne d’être applaudi. Que peut-on penser de tout ça?
Pas pour tout le monde
Les différents organismes et associations qui s’intéressent au traitement de l’obésité s’entendent sur un fait: l’option chirurgicale devrait être réservée aux personnes dont l’indice de masse corporelle (IMC) dépasse 40 kg/m2 ou à celles ayant un IMC entre 35 et 40 kg/m2 mais qui présentent des comorbidités de l’obésité comme le diabète, l’hypertension ou l’apnée du sommeil.
Il existe 2 grandes catégories de chirurgies pour le traitement de l’obésité. Il y a d’abord les chirurgies dites restrictives. Celles-ci consistent à réduire la taille de l’estomac afin de forcer une diminution de la prise d’aliments. Selon la méthode choisie, cette intervention peut recréer un estomac quasi miniature, contenant aussi peu que 15 à 30 ml d’aliments à la fois. En raison de la petitesse de son estomac, le patient est plus facilement rassasié. Il mange moins, ce qui l’amène à perdre du poids.
L’autre catégorie d’intervention réfère aux chirurgies de malabsorption (communément appelées «bypass»). En plus de réduire la taille de l’estomac, elles ajoutent d’autres transformations au système digestif. Normalement, le contenu de l’estomac emprunte la longue route de l’intestin, ce qui permet aux différents nutriments d’être tranquillement absorbés en chemin. Dans les chirurgies de l’obésité dites de la malabsorption, il y a un raccourcissement de la voie intestinale empruntée par les aliments, si bien que l’absorption des nutriments s’en trouve chamboulée. Les nutriments qui fournissent au corps de l’énergie (des calories), les lipides alimentaires, par exemple, ne sont donc pas tous digérés par le système.
Avec ce second type de chirurgie, on joue sur 2 tableaux à la fois: on réduit la prise alimentaire en restreignant le volume de l’estomac et on diminue l’énergie tirée des aliments en causant la malabsorption. Au final, cela fait chuter de façon considérable l’apport énergétique chez le patient, ce qui entraîne une perte de poids notable. Toutefois, les gens qui subissent une telle chirurgie doivent prendre des suppléments de vitamines et de minéraux pour le reste de leur vie.
Est-ce que ça marche à long terme?
Oui, ça marche! De plus en plus, la chirurgie de l’obésité est considérée comme le seul traitement pouvant entraîner une perte de poids durable pour une majorité d’individus. Les chirurgies qui incluent la malabsorption engendrent les réductions de poids les plus importantes. Après 1 an ou 2, ces dernières peuvent atteindre entre 35 et 50% du poids initial. Sur une longue période de temps, on parle ici de 10 à 15 ans, les études suggèrent qu’une bonne proportion de cette perte est habituellement maintenue.
Pour les chirurgies strictement restrictives, la perte de poids est moindre (environ 15 à 25% du poids initial) et le succès à long terme moins éclatant, puisqu’une certaine reprise du poids est plus courante.
Autres effets sur la santé
En plus de traiter l’obésité, la chirurgie bariatrique peut avoir des résultats assez spectaculaires sur ses complications. Par exemple, plusieurs travaux de recherche suggèrent que cette forme de traitement a le pouvoir de «guérir» le diabète, fréquent chez les personnes souffrant d’obésité sévère. Une étude publiée il y a quelques semaines dans la revue The Lancet rapportait que 50% des patients ayant subi une chirurgie favorisant la malabsorption n’ont plus de signes de diabète 5 ans après l’opération1. Dans le groupe témoin, qui recevait des médicaments typiquement utilisés dans le traitement du diabète, aucun cas de rémission n’a été répertorié.
Ainsi, il semble qu’au-delà de la perte significative de poids qui suit une chirurgie bariatrique, le changement de configuration du tube digestif en tant que tel influencerait la sécrétion de certains peptides et hormones, ce qui favoriserait un meilleur contrôle de la glycémie.
D’autres effets bénéfiques de la chirurgie de l’obésité ont été rapportés, notamment sur la tension artérielle, les niveaux de lipides sanguins et sur certains facteurs pouvant causer des accidents cardiovasculaires. Considérant ces résultats, il n’est pas surprenant d’apprendre que, pour un même degré d’obésité, les personnes subissant une chirurgie bariatrique vivent plus longtemps que celles non opérées2.
Et les effets secondaires?
Évidemment, les chirurgies de l’obésité ne sont pas sans danger. Certains de leurs effets secondaires ont été documentés. Tout d’abord, ce sont des interventions majeures comprenant des risques opératoires. À ce sujet, les données indiquent une mortalité post-opératoire de l’ordre de 0,1 à 1%. À plus long terme, les conséquences rapportées touchent surtout la sphère gastro-intestinale: nausées, diarrhées, gaz malodorants, etc.
Par ailleurs, pour certains patients, les contrecoups d’un changement radical et rapide de leur apparence physique peuvent être déroutants. Imaginez comme il peut être étrange de se regarder dans le miroir sans trop se reconnaître! L’excédent de peau attribuable à une grande perte de poids peut également entraîner une insatisfaction de l’image corporelle. De plus, ceux qui voyaient en la perte de poids une solution à tous leurs problèmes vivent une grande déception lorsqu’ils constatent que les livres perdues n’ont pas un tel pouvoir.
Enfin, contrairement à la croyance populaire qui en fait une solution facile, les personnes qui choisissent de se faire opérer pour maigrir doivent modifier leurs habitudes de vie en profondeur si elles souhaitent bénéficier de résultats significatifs et durables en minimisant les effets secondaires encourus.
En conclusion, pourquoi juger?
Quels que soient les sentiments et les opinions qu’éveille en nous la chirurgie bariatrique, les faits demeurent. L’option est disponible et constitue un traitement efficace de l’obésité et de ses complications, tout en améliorant la qualité de vie des personnes qui y ont recours3. N’est-ce pas suffisant pour laisser de côté nos idées préconçues et simplement nous réjouir que des solutions existent pour améliorer le sort de nos concitoyens qui souffrent d’obésité sévère?
1 Mingrone G, Panunzi S, De Gaetano A, et al. «Bariatric-metabolic surgery versus conventional medical treatment in obese patients with type 2 diabetes: 5 years follow-up of an open-label, single-centre, randomised controlled trial». The Lancet 2015; 386: 964-973. ↩
2 Kwok CS, Pradhan A, Khan MA, et al. «Bariatric surgery and its impact on cardiovascular disease and mortality: a systematic review and meta-analysis». Int J Cardiol 2014; 173: 20-28. ↩
3 Pour les personnes intéressées à en savoir davantage, je vous réfère au site Web de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec qui est reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux comme un centre d’excellence en chirurgie bariatrique. ↩
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Merci
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