La nutrition au menu
Publié le 26 mars 2018 | Par Simone Lemieux
Ces aliments qui nous réconfortent
Il y a de ça plusieurs années, une animatrice qui m’interviewait dans le cadre d’une émission sur l’obésité m’a demandé, sans prévenir, quel était mon aliment réconfortant préféré. Je ne suis pas toujours très spontanée dans ce type de situation et je n’aime pas trop parler de mes habitudes alimentaires en public. Mais là, la réponse était sans équivoque: le grilled cheese!
Hors d’ondes, l’animatrice m’a taquinée en me disant que c’était une réponse de nutritionniste. Elle semblait trouver anormal qu’un aliment réconfortant puisse être autre chose que des mets hypercaloriques comme la poutine ou le gâteau au chocolat décadent. Sans m’étendre sur le sujet, je lui ai simplement expliqué que j’avais mes raisons et que celles-ci n’avaient rien à voir avec de quelconques connaissances ou convictions nutritionnelles. Parce que les raisons qui nous mènent à attribuer le statut de «réconfortant» à un aliment sont fort variables. Voyons un peu de quoi il retourne.
C’est quoi, au juste, un aliment réconfortant?
Tout d’abord, il semble que ce soit en 1977 que le terme comfort food ait fait son apparition dans le langage courant américain. Par ailleurs, en survolant la littérature scientifique, je me suis rendu compte que la manière de définir les aliments réconfortants peut être assez variable.
À priori, l’idée que je me fais des aliments réconfortants rejoint assez bien la définition proposée par Brian Wansink1 qui va comme suit: «Les aliments réconfortants sont ceux dont la consommation suscite un état psychologiquement confortable et agréable pour une personne». Certains chercheurs ajoutent à leur définition les raisons pour lesquelles le besoin de se réconforter par ces aliments est présent. Si vous parcourez la littérature scientifique, vous tomberez donc probablement sur des auteurs qui présentent l’alimentation réconfortante comme le fait de manger pour soulager des émotions ou des états d’esprits négatifs comme la colère et l’anxiété2. D’autres se cassent moins la tête et vous diront simplement que les aliments réconfortants sont des aliments riches en sucre et en gras.3.
D’entrée de jeu, on peut facilement prédire que, selon la manière dont on définit les aliments réconfortants, on risque de tirer des conclusions bien différentes à propos de leurs effets sur la qualité de notre alimentation, notre santé et notre bien-être. Mais là ne s’arrête pas la complexité de la chose, puisque les aliments qui sont réconfortants pour une personne ne le sont pas nécessairement pour une autre.
Le réconfort dans différents types d’aliments
Lorsqu’on demande aux gens de nommer les aliments les plus réconfortants pour eux, on obtient une variété de réponses. Il semble toutefois qu’on puisse tracer certains portraits selon l’âge et le sexe.
Des chercheurs se sont intéressés aux différences entre les hommes et les femmes. Ils ont montré que ces dernières ont davantage tendance à nommer des aliments de type «collation» comme la crème glacée, les bonbons ou le chocolat. Quant aux hommes, ils associent davantage le réconfort à des menus de type «repas» comme les pâtes, la pizza ou les hamburgers4.
Pour ce qui est des différences relatives à l’âge, on note, par exemple, que les jeunes adultes ont davantage tendance à nommer les croustilles comme aliments réconfortants alors que les personnes de plus de 55 ans sont plus susceptibles de mentionner la soupe ainsi que les mets à base de viande comme le steak ou les hamburgers5.
Bien entendu, plusieurs autres facteurs individuels peuvent influencer le choix des aliments qui nous réconfortent. On peut notamment penser que nos expériences de vie associées à certains repas feront une différence. Si la soupe aux légumes de votre grand-mère vous rappelle des moments privilégiés avec elle, ce mets pourrait bien se retrouver dans votre liste des choix réconfortants. Si, au contraire, vous n’avez jamais aimé la soupe aux légumes et qu’on vous a forcé à en manger, il y a fort à parier que cette option ne se hissera pas très haut dans votre liste .
Les effets de la consommation d’aliments réconforts
Cela dit, plusieurs auteurs ont documenté, selon différentes variables, les effets de la consommation d’aliments réconfortants. Certaines études ont démontré qu’elle induisait à la fois une augmentation des émotions positives et une diminution des émotions négatives.6. Il est également intéressant de souligner que le simple fait d’imaginer ou de dessiner un aliment réconfortant pourrait avoir un effet bénéfique sur l’humeur7.
Par ailleurs, il semble que la relation qu’on entretient avec la nourriture en général aurait également une influence sur nos préférences en matière d’aliments réconfortants et sur les effets que peut avoir leur consommation sur notre bien-être. À ce sujet, le chercheur Jordan LeBel et ses collègues8 ont comparé les aliments identifiés comme étant réconfortants et l’effet de leur consommation entre 2 groupes de femmes. Le premier était constitué de femmes préoccupées par leur poids et ayant plusieurs interdits alimentaires alors que le second comprenait des femmes ne présentant pas ces caractéristiques et démontrant une relation plus saine avec leur corps et la nourriture. Quand on demandait aux participantes du 1er groupe de nommer leurs aliments réconfortants, on constatait qu’il s’agissait surtout d’aliments riches en calories tandis que celles du second groupe mentionnaient autant des aliments caloriques que d’autres, faibles en calories. On remarquait également que les femmes préoccupées par leur poids ressentaient souvent de la culpabilité après avoir consommé un aliment réconfortant contrairement à celles pour qui leur poids n’était pas une préoccupation.
Finalement, ce n’est pas si simple de se prononcer sur l’incidence des aliments réconfortants sur notre santé. Comme nous ne sommes pas des robots, et puisque l’acte de se nourrir vise à répondre à toutes sortes de besoins en plus de ceux strictement physiologiques, il m’apparaît plutôt normal de manger parfois des aliments qui nous réconfortent et nous font du bien sur le plan psychologique.
Par contre, si le besoin de se réconforter avec de la nourriture devient omniprésent et qu’on y répond par une consommation alimentaire abusive, on peut facilement imaginer les répercussions négatives d’une telle pratique sur qualité de l’alimentation et de la santé. Dans un tel cas, on peut même se demander si on se trouve encore dans la zone du réconfort ou si on n’a pas plutôt franchi le pas vers le monde de l’alimentation émotionnelle, un concept très différent dont je pourrais bien vous parler un de ces quatre!
1 Wansink B, Cheney MM, Chan N. «Exploring comfort food preferences across age and gender». Physiol Behav 2003; 79: 739-747. ↩
2 Gibson EL. «The psychobiology of comfort eating: implications for neuropharmacological interventions». Behavioral Pharmacology 2012; 23: 442–460. ↩
3 Tryon MS, DeCant R, Laugero KD. «Having your cake and eating it too: A habit of comfort food may link chronic social stress exposure and acute stress-induced cortisol hyporesponsiveness». Physiol Behav 2013; 114–115: 32–37 ↩
4 Wansink B, Cheney MM, Chan N. «Exploring comfort food preferences across age and gender». Physiol Behav 2003; 79: 739-747. ↩
5 Wansink B, Cheney MM, Chan N. «Exploring comfort food preferences across age and gender». Physiol Behav 2003; 79: 739-747. ↩
6 Dubé L, LeBel JL, Lu J. «Affect asymmetry and comfort food consumption». Physiol Behav 2005; 86: 559-567 ↩
7 Privitera GJ, Welling D, Tejada G, Sweazy N, Cuifolo KN, King-Shepard QW, Doraiswamy PM. No calorie comfort: Viewing and drawing «comfort foods» similarly augment positive mood for those with depression. ↩
8 LeBel JL, Lu J, Dubé L. «Weakened biological signals: Highly-developed eating schemas amongst women are associated with maladaptive patterns of comfort food consumption». Physiol Behav 2008; 94: 384-392. ↩
Publié le 26 mars 2018 | Par Louise Gagnon
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