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Photo de Simone Lemieux

Beauté fatale, quand j’te vois ça m’fait mal!

J’ai pris le temps entre Noël et le jour de l’An de regarder tranquillement le documentaire Beauté fatale. Quoique j’étais devant mon téléviseur lors de la 1re diffusion du documentaire à la mi-décembre, je dois avouer que mon niveau d’attention n’était pas à son meilleur. Perplexe et un peu déçue à la suite de cette 1re écoute distraite, j’ai décidé de donner une 2e chance à cette émission qui a fait l’objet d’une grande attention médiatique1.

 

À l’origine du projet
Léa Clermont-Dion est une des instigatrices de Beauté fatale. Elle a participé à la recherche et à la scénarisation du documentaire. Cette jeune femme s’est notamment fait connaître par la création de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée. L’histoire derrière la création de cette charte est tout à fait singulière. Deux jeunes adolescentes qui ne se connaissent pas et qui ont toutes 2 souffert d’un grave trouble alimentaire ont à peu près la même idée au même moment. Léa Clermont-Dion et Jacinthe Veillette souhaitent sensibiliser le public et le gouvernement aux ravages de la maigreur et du modèle unique de beauté. Lorsque Jacinthe prend connaissance des intentions de Léa lors d’un reportage télédiffusé sur le sujet, elle décide de la contacter pour lui proposer de faire équipe. Leurs efforts ont porté fruit et mené à la création, en 2009, de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée et de la campagne Jesigneenligne.com. À ce jour, plusieurs milliers de signataires ont adhéré à la Charte. 

Les objectifs de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée sont:
1) promouvoir une image corporelle saine et diversifiée;
2) favoriser l’engagement du milieu de la mode, de la publicité, des médias, de la vidéo, de la musique, de la santé, de l’éducation et du gouvernement;
3) encourager la mobilisation de la société autour de l’image corporelle, des problèmes liés à la préoccupation excessive à l’égard du poids, de l’anorexie nerveuse et de la boulimie.

Étant extrêmement sensible aux enjeux entourant l’insatisfaction corporelle et aux effets néfastes de celle-ci sur la gestion du poids et les comportements alimentaires, j’ai maintes fois salué la mise en place de cette charte et applaudi l’effort de mobilisation des 2 jeunes femmes derrière cette initiative. C’est dans cet élan d’enthousiasme que je me suis apprêtée à visionner Beauté fatale.

De quoi est-il question?
Dans la 1re heure du documentaire qui s’intitule «Jouer à la poupée», on aborde des questions relatives à la quête de la beauté et au désir de plaire. Ces questions sont traitées à travers l’histoire de Léa Clermont-Dion qui nous expose les ravages de cette quête insatiable sur sa propre santé et son bien-être. On nous présente également ses rencontres avec d’autres femmes pour lesquelles l’atteinte de l’idéal beauté est placée dans le haut de la liste des priorités quotidiennes. Le lien entre l’insatisfaction corporelle, le désir de perdre du poids au nom de la beauté et les comportements alimentaires inappropriés est exposé par certaines de ces femmes, dont Mitsou Gélinas qui a récemment effectué plusieurs sorties publiques à ce sujet.

Alors que le documentaire réussit à présenter une réalité préjudiciable pour plusieurs femmes, il ne réussit qu’à timidement la dénoncer. Le discours est plutôt monocorde et laisse peu de place à l’espoir en présentant plus souvent qu’autrement le pouvoir malsain de la beauté comme étant immuable. Pire, j’ai trouvé qu’il projetait le message que c’est normal de «jouer à la poupée» et d’être dominée par les diktats de la beauté. En pensant aux adolescentes qui ont pu regarder l’émission, j’ai eu un malaise. J’ai l’impression que ces jeunes filles ont pu y voir là une fatalité et se dire: «C’est normal de ne pas me trouver belle»; «Je n’ai pas le choix de me maquiller»; «Je devrais courir pour maigrir».

On sait que l’insatisfaction corporelle est fréquente chez les adolescentes. Des données récentes nous apprennent que plus de 38% des adolescentes avec un poids normal ou présentant carrément un poids insuffisant posent des actions pour maigrir2. Cette statistique me donne froid dans le dos et je ne crois malheureusement pas que le visionnement du film aura aidé ces jeunes filles à réviser leur désir non justifié de perdre du poids. Étant moi-même mère de 2 adolescentes, je suis peut-être ultra sensible par rapport à ce sujet. Alors souhaitons que je dramatise, souhaitons que je me trompe…

La 2e heure du documentaire, intitulée «La date de péremption», aborde le thème de la difficile conciliation entre la beauté et le vieillissement. Ce sujet étant un peu plus loin de mes intérêts professionnels, il s’avère plus difficile pour moi de me prononcer sur la pertinence du contenu. Si vous avez le goût d’entendre parler de chirurgies esthétiques et de Botox préventif (apparemment pertinent dès la trentaine) vous irez voir pas vous-même. Si le Botox ne vous attire pas, des témoignages intéressants de femmes qu’on a vu franchir les décennies à l’écran, dont Micheline Lanctôt et Claire Lamarche, valent le détour.

Ce qui dérange
Le documentaire Beauté fatale a fait l’objet de plusieurs critiques. J’ai sciemment évité de vous parler des paradoxes flagrants qui habitent Mme Clermont-Dion et qui ont fait réagir plusieurs téléspectateurs. Le fait que celle-ci projette l’image d’une femme se soumettant aux diktats de la mode et de la beauté tout en portant un message prônant la diversité corporelle a dérangé. Pour ma part, ce n’est pas ce qui m’a le plus déçue. J’ai trouvé qu’on avait manqué une belle occasion de préconiser la diversité des formats corporels et surtout la diversité du discours autours de la beauté. J’aurais voulu que les belles initiatives de Léa Clermont-Dion ayant mené à la création de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée puissent se transformer en un message concret à la population par l’entremise du documentaire.

Enfin, je souhaite que les critiques essuyées ne coupent pas les ailes à cette demoiselle. Je lui souhaite de nouveaux projets stimulants pour faire avancer la cause qu’elle cherche à défendre. Qui sait, peut-être nous offrira-t-elle une suite à Beauté fatale? Celle-ci qui pourrait s’intituler Beauté diversifiée et son visionnement pourrait donner le goût de dire: Beauté diversifiée, quand j’te vois j’ai l’goût d’m’aimer!

1 Un segment de l’émission Tout le monde en parle du 7 décembre 2014 était notamment consacré à une discussion sur le documentaire Beauté fatale

2 CAZALE, Linda, Marie-Claude PAQUETTE et Francine BERNÈCHE (2012). « Poids, apparence corporelle et actions à l’égard du poids », dans L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Le visage des jeunes d’aujourd’hui: leur santé physique et leurs habitudes de vie, Tome 1, Québec, Institut de la statistique du Québec, p.121-147.

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  1. Publié le 20 janvier 2015 | Par Nancy Couture

    Vous avez raison. Zut, le documentaire a manqué une belle occasion (j’ai visionné seulement le 1er)! Plutôt de miser sur ce qui se fait, sur la présence de la diversité de l’image corporelle, car elle existe bel et bien, l’accent a été mis sur le profil identitaire de Mme Clermont-Dion qui me paraît unique tout comme le sont tous les cas des jeunes filles aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ici, la réalisation aurait possiblement eu plus de mérite à ajouter plusieurs autres cas similaires, et ainsi montrer la complexité de ce type de problèmes. À mon avis, ce n’est pas le fait de jouer à la poupée –d’avoir une éducation genrée–, de se maquiller ou de contrôler son poids pour ressembler à une icône de beauté, mais bien l’intensité, voir le côté imitatif obsessionnel de ceux-ci qui pose problème. Et là, rien de nouveau tout comme à l’habitude, ceci dépasse largement l’entendement amalgamé des raisons présentées et suggérées tous azimuts dans le documentaire... D’ailleurs, l’incohérence du discours de Mme Clermont-Dion créant certains malaises témoigne du besoin d'avoir du sens, de la nécessité donner du sens à ses expériences de vie, non pour mieux comprendre sa situation, mais davantage pour trouver des raisons à ses agissements, ce qui est possiblement légimite et très salutaire sur le plan thérapeutique, mais en rien pour la cause, de faire valoir une image corporelle diversifiée!

    De fait, le message doit communiquer la diversité, l’innovation, la création de différentes images corporelles (cela se fait déjà!), afin de montrer d’autres modèles à imiter. L’éducation (au sens le plus large) n’est pas en reste, elle doit permet l’acquisition de connaissances sur l’existence des différentes manières de faire dans l’industrie de mode, comme les procédures du retouchage de photos dans les magazines, les techniques publicitaires des régimes amaigrissants pour ne nommer que ces réalités, et ce, sans dénoncer, mais plutôt en montrant pour inspirer le comment, il est possible de faire mieux et autrement !
    Nancy C :)
  2. Publié le 20 janvier 2015 | Par Marie

    Merci Madame Lemieux de si bien décrire le malaise autour de cette production, que j'ai pour ma part du mal à qualifier de documentaire, tant il me semble que nous restons en surface et dans le superficiel. J'ai une adolescente de 15 ans à la maison et je ne veux pas qu'elle écoute Beauté fatale à moyen terme. Car, loin de faire honneur à la diversité et au bien -être, ces 2 heures de discours victimisant et négatif pourraient s'avérer dévastateur chez nos adolescents. De plus, les jeunes garçons, au même titre que les jeunes filles, sont eux aussi soumis aux diktats de la beauté. Ils brillent par leur absence dans Beauté fatale. Et tout cela est bien dommage...
  3. Publié le 19 janvier 2015 | Par Denise Leclerc

    Bonjour,

    J'avais vu les 2 émissions avec Léa à la télévision et j'avais adoré. Je la trouve excellente, et le sujet est tellement actuel, il faut le partager afin d'aider nos jeunes à se sentir bien dans leur peau. D'être avant de paraître.

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