La nutrition au menu
Publié le 8 avril 2016 | Par Simone Lemieux
Activité physique et contrôle du poids
Jusqu’à tout récemment, j’ai joué à l’autruche. Je faisais semblant de ne pas voir les articles dans les médias populaires et scientifiques qui suggèrent que la pratique d’activité physique n’aide pas au contrôle du poids. C’est probablement parce que la question est complexe et que le sujet est délicat que j’avais des réticences à me lancer dans le débat. Je me suis finalement sortie la tête du sable il y a quelques semaines quand j’ai lu dans le rapport L’obésité au Canada que «l’activité physique ne constitue pas un moyen efficace de conserver un poids santé». Ça a été l’élément déclencheur qui me pousse à traiter du sujet aujourd’hui.
Un mot sur le rapport sénatorial
Le rapport intitulé L’obésité au Canada: Une approche pansociétale pour un Canada en meilleure santé a été rédigé par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et publié le 1er mars dernier. Les sénateurs ont convoqué des experts afin d’en arriver à formuler 21 recommandations destinées au gouvernement fédéral et visant à lutter contre les problèmes associés à l’obésité.
Je veux mettre quelque chose au clair avant d’aller plus loin. Bien qu’on indique, dans ce rapport, que l’activité physique ne serait pas ce qu’il y a de mieux pour la gestion du poids, plusieurs des recommandations visent l’augmentation de la pratique d’activité physique en raison de ses nombreux effets favorables sur la santé. On ne remet donc aucunement en cause la pertinence de faire de l’activité physique, ce qui est une excellente chose!
Je dois aussi vous dire que le rapport ne contient pratiquement pas de références scientifiques. Il faut donc un peu deviner ce qu’il y avait dans la tête des experts lorsqu’ils se sont prononcés sur le lien entre l’activité physique et le poids. Pour m’aider dans ce jeu de devinettes, je suis allée voir ce que la littérature scientifique avait à dire sur le sujet. De plus, afin de guider mes recherches, j’ai assumé que l’expression «conserver un poids santé» incluait autant les notions relatives à la perte de poids qu’à la prévention du gain de poids.
Activité physique c. restriction calorique
J’ai remarqué que ce sont les études ayant comparé l’effet de la restriction de l’apport calorique à celui de la pratique d’activité physique qui sont souvent citées pour démontrer que l’activité physique aurait une contribution limitée à la gestion du poids corporel.
Dans ces études, on constate que la restriction calorique semble plus efficace que la pratique d’activité physique pour générer une perte de poids. Ce constat ne me surprend pas, puisqu’on joue rarement à armes égales quand on se lance dans ce genre de comparaisons. Alors qu’une restriction calorique d’environ 500 kilocalories (kcal) par jour est considérée comme étant assez «normale» chez ceux qui modifient leur alimentation pour perdre du poids, il est plutôt rare qu’un programme d’activité physique produise une telle dépense énergétique quotidienne. Juste pour vous donner une idée, il faudrait courir environ 45 minutes à une vitesse de 10 km/h, et ce, 7 jours sur 7 pour dépenser 500 kcal par jour1. Bien que certaines personnes arrivent à faire cette quantité d’activité physique, elle n’est certainement pas usuelle2.
Si, dans les études, on compare l’effet sur la perte de poids d’une restriction calorique usuelle (p. ex.: 500 kcal/jour) à celui d’une dépense énergétique par l’activité physique qui est elle aussi usuelle (p. ex.: 200 kcal/jour), il n’est pas surprenant que la restriction produise une plus grande perte de poids. On se rappelle que, pour perdre du poids, on doit dépenser plus d’énergie qu’on en consomme: plus le déséquilibre est grand et plus la perte de poids sera importante.
Sachez par ailleurs que lorsque la comparaison est effectuée entre une restriction et une dépense identiques, il n’y a pas de différence dans le poids perdu. C’est ce que le chercheur canadien Robert Ross et ses collaborateurs ont confirmé dans une étude où des femmes devaient soit réduire leur apport calorique de 500 kcal par jour, soit augmenter leur dépense énergétique de 500 kcal quotidiennement. La perte de poids obtenue après 14 semaines était similaire dans les 2 groupes3.
Cela démontre que si on ajoute une activité physique soutenue à la routine quotidienne tout en gardant le même apport énergétique, il y aura une perte de poids. Dans la «vraie vie», par contre, il semble parfois difficile de fixer les paramètres de cette équation mathématique. L’assiduité à l’entraînement peut faire défaut et des changements dans l’apport énergétique peuvent également survenir.
Manger plus parce qu’on bouge plus?
Des études suggèrent qu’il arrive fréquemment que les gens qui commencent à faire de l’activité physique se mettent à manger davantage. Une des raisons pouvant expliquer ce phénomène est que le corps aime l’équilibre. Si on dépense plus d’énergie, des signaux seront émis pour augmenter la prise alimentaire afin de préserver l’équilibre. C’est d’ailleurs un mécanisme tout à fait souhaitable pour bien des gens actifs qui n’ont pas avantage à perdre du poids.
Par contre, si une perte de poids est souhaitable, la consommation d’une alimentation rassasiante (fruits, légumes, grains entiers, suffisamment de protéines, etc.) aide à mieux contrôler l’appétit et permet de maintenir plus facilement l’apport énergétique sous la dépense calorique.
Activité physique et prévention du (re) gain de poids
Quand on regarde les études qui ont examiné le lien entre la pratique d’activité physique et la prévention du gain de poids, on constate que, en général, les gens plus actifs gagnent moins de poids avec les années que ceux qui sont moins actifs4. Par ailleurs, dans les études ayant suivi des personnes qui ont réussi à perdre du poids et à maintenir le poids perdu, on remarque, entre autres, qu’elles ont en commun une pratique soutenue d’activité physique5.
En conclusion
Bien que la littérature démontre que certains facteurs font en sorte que la pratique d’activité physique ne donne pas toujours les résultats escomptés en matière de gestion du poids, je crois qu’on y va un peu fort quand on dit que l’activité physique n’aide pas à conserver un poids santé.
Il serait malheureux que les informations véhiculées concernant l’absence d’effets de l’activité physique sur le contrôle du poids découragent les gens pour qui la perte de poids est la principale motivation pour bouger (et ils sont nombreux!). Ce serait bien triste parce que ces personnes actives se priveraient des innombrables effets bénéfiques de l’activité physique sur plusieurs aspects de la santé.
1 Plusieurs facteurs, dont le poids corporel et la condition cardio-respiratoire, influencent la dépense d’énergie associée à une activité physique donnée. Les chiffres utilisés dans cet exemple pourraient donc varier un peu selon les individus. ↩
2 À titre d’information, cette quantité d’activité physique est bien supérieure aux recommandations en vigueur pour les adultes canadiens, c’est à dire 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée par semaine. On sait aussi que ces recommandations ne sont suivies que par environ 15 % de la population. ↩
3 Ross R, Janssen I, Dawson J et al. «Exercise-induced reduction in obesity and insulin resistance in women: a randomized controlled trial». Obes Res 2004; 12: 789-798. ↩
4 Hankinson AL, Daviglus ML, Bouchard C et al. «Maintaining a high physical activity level over 20 years and weight gain». JAMA 2010; 304: 2603–2010. ↩
5 Wing RR, Phelan S. «Long-term weight loss maintenance». Am J Clin Nutr 2005; 82(1 Suppl): 222S-225S. ↩
Publié le 12 avril 2016 | Par Danny Kronstrom
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