Ma voisine est sur le Web
La nouvelle vague des sites Web de réseautage personnel permet de communiquer avec de nombreux "amis", à la vue de tous, ébranlant au passage la notion de vie privée.
Par Gilles Drouin
Ouvrez Google et tapez le nom d’une personne, le mien par exemple. Dès la première page des résultats, il y a de fortes chances pour que vous trouviez un lien vers Facebook: «Gilles Drouin est sur Facebook». Non, ce n’est pas moi!
Avec ses 200 millions de personnes inscrites, Facebook est la vedette des sites Web de réseautage personnel. «Le Web social est constitué d’espaces virtuels conçus uniquement pour communiquer à l’intérieur d’un réseau social», explique Madeleine Pastinelli. L’ethnologue et professeure au Département de sociologie s’intéresse aux effets sociaux des moyens de communication électroniques et à la sociabilité dans Internet. Entre les peurs et les espoirs suscités par l’émergence du réseautage personnel dans le Web, il y a une réalité qu’elle scrute patiemment.
Grâce à ses enquêtes sur le terrain, la jeune professeure remet les pendules à l’heure en ébranlant quelques mythes au passage. Ainsi, la réputation qui colle à Facebook est de permettre un élargissement constant de son réseau personnel en y ajoutant les amis de nos amis, puis les amis des amis de nos amis, etc. «C’est possible de le faire, mais la plupart des utilisateurs parlent avec des gens qu’ils connaissent déjà, assure l’ethnologue. Le point de départ est toujours le réseau social hors ligne, réel, de chaque participant. L’internaute pourra élargir son cercle de connaissances, mais ce n’est pas sa première motivation.»
Je communique, donc je suis
En fait, Facebook, MySpace, Twitter et Linkedln, pour ne nommer que les plus connues parmi les plateformes Internet de réseautage personnel ou d’affaires, ne font que renouveler la motivation qui est à l’origine même de la création de la grande toile électronique: communiquer avec nos semblables. D’abord un moyen d’échanger entre scientifiques, le réseau Internet est devenu plus facile d’accès à la fin des années 1990 avec l’introduction de navigateurs conviviaux, Netscape ouvrant la voie.
Madeleine Pastinelli estime que la démocratisation de l’accès au réseau Internet explique, en partie du moins, l’émergence de ces sites où il est possible d’échanger avec des personnes qu’on connaît déjà. «Pendant longtemps, explique-t-elle, le nombre relativement peu élevé de gens branchés faisait en sorte que les possibilités d’y retrouver un proche étaient restreintes.»
Aujourd’hui, plus de 70% des Québécois fréquentent Internet. «Vous pouvez maintenant échanger avec des membres de votre réseau réel: des amis, des parents, des gens que vous pourriez rencontrer sur la rue, au travail ou à l’école», souligne Mme Pastinelli. Le bassin de ces plateformes d’échange s’élargit constamment, mais ce sont les moins de 40 ans qui y sont les plus représentés.
Trois générations de sites
L’histoire de la sociabilité dans Internet est marquée par des vagues de popularité de divers sites. En une décennie, au moins trois générations de sites ont attiré les internautes sociables. En étudiant de près cette lignée, Madeleine Pastinelli met le doigt sur une particularité de la généalogie du Web social: «La plateforme qui se démarque à un moment précis permet toujours de faire plus facilement ce que les internautes avaient commencé à faire sur un autre site, alors que ce dernier n’était pas conçu précisément pour cet usage.»
Par exemple, il était possible d’échanger en direct sur des sites de clavardage (chat). Rapidement, des internautes ont utilisé ces sites en y laissant des messages pour trouver des partenaires. Des sites spécialisés dans les rencontres ont pris le relais. « Ces nouveaux sites offraient un cadre technique parfaitement adapté à ce que les gens avaient commencé à faire sur le site de chat », remarque l’ethnologue.
À leur tour, les réseaux de rencontre ont amorcé un déclin, qui coïncide avec l’arrivée de Facebook. Celui-ci comble les gens qui souhaitent échanger entre amis plutôt que de rechercher de nouveaux partenaires, mentionne l’ethnologue. Ainsi, sur Facebook, l’internaute possède un «profil», où il se décrit : naissance, études, travail, loisir… Le site comporte aussi la possibilité d’afficher des commentaires, des photos et des liens vers d’autres sites. En vous inscrivant et en devenant un «ami» de cet abonné, vous avez généralement accès à ce qu’il «publie» et vous pouvez lui envoyer des messages que tous ses autres amis pourront lire. Et lorsque vous ouvrez votre page Facebook, vous avez aussitôt les dernières nouvelles de tous vos contacts.
S’approprier la technologie
Dans cette sorte d’adaptation évolutive, du clavardage à Facebook, un gène persiste: celui de l’appropriation de la technologie. Les internautes ne sont pas dupes comme les truites gobant avec avidité le leurre qui cache l’hameçon fatal. «Au contraire, insiste Madeleine Pastinelli, les gens répondent à leurs besoins en utilisant la technologie à leur façon.»
Personne n’est dupe non plus des intérêts commerciaux en jeu. Les plateformes Internet se succèdent au rythme de la concurrence que se livrent leurs concepteurs et commanditaires, qui rêvent de traduire l’achalandage en espèces sonnantes et trébuchantes. Une tâche beaucoup plus difficile qu’on le croit. «L’offre dépasse probablement de loin la demande», estime Madeleine Pastinelli.
L’internaute rechercherait donc constamment ce qui lui convient vraiment dans la surabondance technologique. «Dans le processus d’appropriation, note Anne Chartier, professeure au Département des systèmes d’information organisationnels, il faut s’assurer que la technologie soit à notre service et non l’inverse.» Spécialiste de l’éthique des technologies de l’information et des communications, Anne Chartier estime qu’il est essentiel de s’interroger constamment sur la place que doit prendre une technologie dans notre vie. Ce qui est tout aussi vrai pour les entreprises et les organisations (voir plus bas).
L’éthicienne n’est pas rébarbative au changement technologique et utilise elle-même courriels et forums électroniques dans ses cours. «Toutefois, les étudiants savent que je ne leur répondrai pas le dimanche matin», ajoute-t-elle pour bien indiquer la démarcation entre sa vie privée et son rôle de professeure. Une certaine vigilance s’impose, car les communications électroniques et particulièrement le Web social fragilisent cette frontière.
Le privé et le public
«Il y a une différence entre ce qui se passe dans une soirée privée et la publication des photos du party sur un site de réseautage, prévient Anne Chartier. Facebook, c’est la vie privée ouverte sur la planète!» Le réseautage personnel en ligne pose d’ailleurs certains dilemmes aux organisations et à leurs employés. Ces derniers doivent-ils tenir compte des intérêts de leurs employeurs lorsqu’ils s’expriment à visage découvert dans Internet? Par exemple, un policier doit-il s’interdire de publier une photo le montrant une bière à la main sur sa page Facebook? À l’inverse, une organisation a-t-elle le droit de se soucier de ce qui se passe en dehors de ses murs? «La vie sociale des gens n’est pas tranchée au couteau», observe Anne Chartier.
Une autre technologie de communication, le téléphone cellulaire, illustre déjà la fragilité de la frontière entre le privé et le public. «Avec le cellulaire, explique Anne Chartier, l’organisation empiète sur la vie privée de l’employé lorsque celui-ci doit répondre en tout temps. Pourtant, l’organisation n’apprécie pas que la vie privée empiète sur le temps de travail, entre autres par la fréquentation du réseau Internet ou encore par ce que l’employé peut diffuser sur un site comme Facebook. Peu d’organisations se posent des questions là-dessus.»
Et si la relation vie privée – vie publique était tout simplement en train de changer? Le Web comme lieu d’échange mise, entre autres, sur la quête de reconnaissance. «La reconnaissance sociale est un besoin fondamental de l’être humain, mais la forme qu’elle prend n’est pas immuable, remarque Madeleine Pastinelli. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent pas nécessairement être reconnus pour ce qu’ils font dans l’espace public. Pour eux, la vérité est dans le privé.»
L’ethnologue observe que les internautes ont une conception particulière de l’articulation privé-public. «Les jeunes qui donnent un plein accès à leur profil, sur Facebook, disent tout simplement qu’ils n’ont rien à cacher, poursuit-elle. Ils veulent être reconnus pour ce qu’ils sont dans l’intimité et ont donc très peu de scrupule à exposer publiquement cette intimité. Ont-ils tort ou raison? Je n’en sais rien. Je constate simplement la réalité.»
***
WEB SOCIAL ET ENTREPRISES: UN MÉLANGE RISQUÉ
Les plateformes d’échanges dans Internet sont attrayantes pour les organisations qui voudraient se faire connaître et communiquer avec les consommateurs ou les citoyens, estime Anne Chartier, professeure au Département des systèmes d’information organisationnels. «Toutefois, prévient-elle, il est essentiel de préciser préalablement ses attentes et ses objectifs, sinon l’aventure pourrait s’avérer inutile et même désastreuse.»
Par exemple, une entreprise pourrait créer un blogue où les consommateurs exprimeraient leurs opinions sur ses produits. Dès le départ, il est essentiel d’établir des lignes directrices ainsi que des façons de maintenir le site en activité, de traiter l’information récoltée et de conserver une crédibilité en acceptant les commentaires négatifs. «Il existe une version du voisin gonflable entre les organisations, dans le domaine de l’informatique, constate Mme Chartier. Si l’autre le fait, il faut le faire, sans pour autant savoir à quoi doivent servir ces technologies.»
Bien des entreprises ressentent une forte attraction pour les sites de réseautage personnel comme Facebook. L’enjeu: s’en servir pour favoriser le bouche à oreille, ou marketing viral dans le langage des publicitaires, mais sans irriter les internautes. Professeur au Département de marketing, Stéphane Gauvin est sceptique devant le potentiel de ces sites comme point de départ d’une campagne de marketing viral. «À ma connaissance, il y a très peu d’exemples où ça fonctionne.»
L’environnement «amical» de Facebook se prête mal à ce genre d’intrusion. Imaginez que vous êtes attablés dans un restaurant avec des amis quand, soudainement, un représentant de Goodyear ou de Michelin s’invite à votre table pour parler pneu. «Vous l’enverriez sûrement promener», lance Stéphane Gauvin. Le spécialiste estime qu’un site de diffusion de courtes vidéos, comme YouTube, est plus intéressant. «L’entreprise peut mettre en ligne une publicité, explique-t-il. Si elle plaît, les internautes vont envoyer des hyperliens à leur réseau.»
Le marketing viral en ligne est toutefois une arme à double tranchant. Mieux vaut jouer à visage découvert! Sur Internet, les imposteurs sont tôt ou tard démasqués et la nouvelle peut faire le tour de la planète très rapidement. «Le simple consommateur peut maintenant se faire largement entendre, ce qui n’était pas le cas auparavant, conclut Stéphane Gauvin. L’entreprise a tout intérêt à jouer selon les règles d’un jeu où les consommateurs ont plus de pouvoir.»
Haut de page
Avec ses 200 millions de personnes inscrites, Facebook est la vedette des sites Web de réseautage personnel. «Le Web social est constitué d’espaces virtuels conçus uniquement pour communiquer à l’intérieur d’un réseau social», explique Madeleine Pastinelli. L’ethnologue et professeure au Département de sociologie s’intéresse aux effets sociaux des moyens de communication électroniques et à la sociabilité dans Internet. Entre les peurs et les espoirs suscités par l’émergence du réseautage personnel dans le Web, il y a une réalité qu’elle scrute patiemment.
Grâce à ses enquêtes sur le terrain, la jeune professeure remet les pendules à l’heure en ébranlant quelques mythes au passage. Ainsi, la réputation qui colle à Facebook est de permettre un élargissement constant de son réseau personnel en y ajoutant les amis de nos amis, puis les amis des amis de nos amis, etc. «C’est possible de le faire, mais la plupart des utilisateurs parlent avec des gens qu’ils connaissent déjà, assure l’ethnologue. Le point de départ est toujours le réseau social hors ligne, réel, de chaque participant. L’internaute pourra élargir son cercle de connaissances, mais ce n’est pas sa première motivation.»
Je communique, donc je suis
En fait, Facebook, MySpace, Twitter et Linkedln, pour ne nommer que les plus connues parmi les plateformes Internet de réseautage personnel ou d’affaires, ne font que renouveler la motivation qui est à l’origine même de la création de la grande toile électronique: communiquer avec nos semblables. D’abord un moyen d’échanger entre scientifiques, le réseau Internet est devenu plus facile d’accès à la fin des années 1990 avec l’introduction de navigateurs conviviaux, Netscape ouvrant la voie.
Madeleine Pastinelli estime que la démocratisation de l’accès au réseau Internet explique, en partie du moins, l’émergence de ces sites où il est possible d’échanger avec des personnes qu’on connaît déjà. «Pendant longtemps, explique-t-elle, le nombre relativement peu élevé de gens branchés faisait en sorte que les possibilités d’y retrouver un proche étaient restreintes.»
Aujourd’hui, plus de 70% des Québécois fréquentent Internet. «Vous pouvez maintenant échanger avec des membres de votre réseau réel: des amis, des parents, des gens que vous pourriez rencontrer sur la rue, au travail ou à l’école», souligne Mme Pastinelli. Le bassin de ces plateformes d’échange s’élargit constamment, mais ce sont les moins de 40 ans qui y sont les plus représentés.
Trois générations de sites
L’histoire de la sociabilité dans Internet est marquée par des vagues de popularité de divers sites. En une décennie, au moins trois générations de sites ont attiré les internautes sociables. En étudiant de près cette lignée, Madeleine Pastinelli met le doigt sur une particularité de la généalogie du Web social: «La plateforme qui se démarque à un moment précis permet toujours de faire plus facilement ce que les internautes avaient commencé à faire sur un autre site, alors que ce dernier n’était pas conçu précisément pour cet usage.»
Par exemple, il était possible d’échanger en direct sur des sites de clavardage (chat). Rapidement, des internautes ont utilisé ces sites en y laissant des messages pour trouver des partenaires. Des sites spécialisés dans les rencontres ont pris le relais. « Ces nouveaux sites offraient un cadre technique parfaitement adapté à ce que les gens avaient commencé à faire sur le site de chat », remarque l’ethnologue.
À leur tour, les réseaux de rencontre ont amorcé un déclin, qui coïncide avec l’arrivée de Facebook. Celui-ci comble les gens qui souhaitent échanger entre amis plutôt que de rechercher de nouveaux partenaires, mentionne l’ethnologue. Ainsi, sur Facebook, l’internaute possède un «profil», où il se décrit : naissance, études, travail, loisir… Le site comporte aussi la possibilité d’afficher des commentaires, des photos et des liens vers d’autres sites. En vous inscrivant et en devenant un «ami» de cet abonné, vous avez généralement accès à ce qu’il «publie» et vous pouvez lui envoyer des messages que tous ses autres amis pourront lire. Et lorsque vous ouvrez votre page Facebook, vous avez aussitôt les dernières nouvelles de tous vos contacts.
S’approprier la technologie
Dans cette sorte d’adaptation évolutive, du clavardage à Facebook, un gène persiste: celui de l’appropriation de la technologie. Les internautes ne sont pas dupes comme les truites gobant avec avidité le leurre qui cache l’hameçon fatal. «Au contraire, insiste Madeleine Pastinelli, les gens répondent à leurs besoins en utilisant la technologie à leur façon.»
Personne n’est dupe non plus des intérêts commerciaux en jeu. Les plateformes Internet se succèdent au rythme de la concurrence que se livrent leurs concepteurs et commanditaires, qui rêvent de traduire l’achalandage en espèces sonnantes et trébuchantes. Une tâche beaucoup plus difficile qu’on le croit. «L’offre dépasse probablement de loin la demande», estime Madeleine Pastinelli.
L’internaute rechercherait donc constamment ce qui lui convient vraiment dans la surabondance technologique. «Dans le processus d’appropriation, note Anne Chartier, professeure au Département des systèmes d’information organisationnels, il faut s’assurer que la technologie soit à notre service et non l’inverse.» Spécialiste de l’éthique des technologies de l’information et des communications, Anne Chartier estime qu’il est essentiel de s’interroger constamment sur la place que doit prendre une technologie dans notre vie. Ce qui est tout aussi vrai pour les entreprises et les organisations (voir plus bas).
L’éthicienne n’est pas rébarbative au changement technologique et utilise elle-même courriels et forums électroniques dans ses cours. «Toutefois, les étudiants savent que je ne leur répondrai pas le dimanche matin», ajoute-t-elle pour bien indiquer la démarcation entre sa vie privée et son rôle de professeure. Une certaine vigilance s’impose, car les communications électroniques et particulièrement le Web social fragilisent cette frontière.
Le privé et le public
«Il y a une différence entre ce qui se passe dans une soirée privée et la publication des photos du party sur un site de réseautage, prévient Anne Chartier. Facebook, c’est la vie privée ouverte sur la planète!» Le réseautage personnel en ligne pose d’ailleurs certains dilemmes aux organisations et à leurs employés. Ces derniers doivent-ils tenir compte des intérêts de leurs employeurs lorsqu’ils s’expriment à visage découvert dans Internet? Par exemple, un policier doit-il s’interdire de publier une photo le montrant une bière à la main sur sa page Facebook? À l’inverse, une organisation a-t-elle le droit de se soucier de ce qui se passe en dehors de ses murs? «La vie sociale des gens n’est pas tranchée au couteau», observe Anne Chartier.
Une autre technologie de communication, le téléphone cellulaire, illustre déjà la fragilité de la frontière entre le privé et le public. «Avec le cellulaire, explique Anne Chartier, l’organisation empiète sur la vie privée de l’employé lorsque celui-ci doit répondre en tout temps. Pourtant, l’organisation n’apprécie pas que la vie privée empiète sur le temps de travail, entre autres par la fréquentation du réseau Internet ou encore par ce que l’employé peut diffuser sur un site comme Facebook. Peu d’organisations se posent des questions là-dessus.»
Et si la relation vie privée – vie publique était tout simplement en train de changer? Le Web comme lieu d’échange mise, entre autres, sur la quête de reconnaissance. «La reconnaissance sociale est un besoin fondamental de l’être humain, mais la forme qu’elle prend n’est pas immuable, remarque Madeleine Pastinelli. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent pas nécessairement être reconnus pour ce qu’ils font dans l’espace public. Pour eux, la vérité est dans le privé.»
L’ethnologue observe que les internautes ont une conception particulière de l’articulation privé-public. «Les jeunes qui donnent un plein accès à leur profil, sur Facebook, disent tout simplement qu’ils n’ont rien à cacher, poursuit-elle. Ils veulent être reconnus pour ce qu’ils sont dans l’intimité et ont donc très peu de scrupule à exposer publiquement cette intimité. Ont-ils tort ou raison? Je n’en sais rien. Je constate simplement la réalité.»
***
WEB SOCIAL ET ENTREPRISES: UN MÉLANGE RISQUÉ
Les plateformes d’échanges dans Internet sont attrayantes pour les organisations qui voudraient se faire connaître et communiquer avec les consommateurs ou les citoyens, estime Anne Chartier, professeure au Département des systèmes d’information organisationnels. «Toutefois, prévient-elle, il est essentiel de préciser préalablement ses attentes et ses objectifs, sinon l’aventure pourrait s’avérer inutile et même désastreuse.»
Par exemple, une entreprise pourrait créer un blogue où les consommateurs exprimeraient leurs opinions sur ses produits. Dès le départ, il est essentiel d’établir des lignes directrices ainsi que des façons de maintenir le site en activité, de traiter l’information récoltée et de conserver une crédibilité en acceptant les commentaires négatifs. «Il existe une version du voisin gonflable entre les organisations, dans le domaine de l’informatique, constate Mme Chartier. Si l’autre le fait, il faut le faire, sans pour autant savoir à quoi doivent servir ces technologies.»
Bien des entreprises ressentent une forte attraction pour les sites de réseautage personnel comme Facebook. L’enjeu: s’en servir pour favoriser le bouche à oreille, ou marketing viral dans le langage des publicitaires, mais sans irriter les internautes. Professeur au Département de marketing, Stéphane Gauvin est sceptique devant le potentiel de ces sites comme point de départ d’une campagne de marketing viral. «À ma connaissance, il y a très peu d’exemples où ça fonctionne.»
L’environnement «amical» de Facebook se prête mal à ce genre d’intrusion. Imaginez que vous êtes attablés dans un restaurant avec des amis quand, soudainement, un représentant de Goodyear ou de Michelin s’invite à votre table pour parler pneu. «Vous l’enverriez sûrement promener», lance Stéphane Gauvin. Le spécialiste estime qu’un site de diffusion de courtes vidéos, comme YouTube, est plus intéressant. «L’entreprise peut mettre en ligne une publicité, explique-t-il. Si elle plaît, les internautes vont envoyer des hyperliens à leur réseau.»
Le marketing viral en ligne est toutefois une arme à double tranchant. Mieux vaut jouer à visage découvert! Sur Internet, les imposteurs sont tôt ou tard démasqués et la nouvelle peut faire le tour de la planète très rapidement. «Le simple consommateur peut maintenant se faire largement entendre, ce qui n’était pas le cas auparavant, conclut Stéphane Gauvin. L’entreprise a tout intérêt à jouer selon les règles d’un jeu où les consommateurs ont plus de pouvoir.»
Haut de page
- Aucun commentaire pour le moment.