Pierre Chastenay, des étoiles dans les yeux
L'astrophysicien se passionne pour la vulgarisation de ce qu'il y a au-dessus de nos têtes… et sous la surface de toute chose.
Par Gilles Drouin
Pierre Chastenay reconnaît facilement les étoiles. Celles qui brillent dans la nuit. Et celles qui brillent dans les yeux des enfants en visite au Planétarium de Montréal. Astronome formé à l’Université Laval (Physique 1986 et 1987), il est responsable des activités éducatives au Planétarium, dont il est également le porte-parole. Il anime aussi Le Code Chastenay, une émission de vulgarisation scientifique diffusée sur les ondes de Télé-Québec, où il compte 12 ans de service –surtout comme présentateur de documentaires scientifiques. Avec le temps, l’astronome vulgarisateur, qui a aujourd’hui 45 ans, est devenu la source privilégiée des journalistes à la recherche d’explications sur les phénomènes célestes.
Son premier rendez-vous avec le ciel étoilé remonte à l’enfance. Au centre-ville de Trois-Rivières, où il grandit, la pollution lumineuse ne laisse voir qu’un ciel laiteux. Mais en visite chez ses grands-parents, dans un village de Portneuf, il passe ses soirées le nez en l’air. «Je voyais plein d’étoiles. J’étais intrigué, fasciné.» Pour satisfaire sa curiosité d’enfant, il dévore les livres sur l’astronomie et la science-fiction, sans savoir qu’il en écrirait un jour. «J’écris les ouvrages que j’aurais aimé avoir sous la main lorsque j’étais petit», confie l’auteur de deux beaux albums de vulgarisation pour les enfants de 9 à 12 ans: Je deviens astronome, paru en 2002, et La Terre, la Lune et le Soleil, paru en 2004. Un troisième, sur le système solaire, paraîtra cet automne.
Se rapprocher des étoiles
C’est au cégep qu’il envisage le métier d’astronome. Pour un travail de session, l’étudiant fait de la photographie astronomique à l’observatoire que le Cégep de Trois-Rivières vient de construire à Champlain, un peu à l’est de la ville. Le projet est presque un flop, concède-t-il, mais l’attrait des étoiles est plus fort que tout. Le cégépien devient même guide et animateur à l’observatoire pendant deux étés. Une graine est semée.
«J’ai découvert que j’adorais me sentir à proximité des étoiles et accumuler des connaissances par la lecture et l’expérimentation. C’est à ce moment que j’ai décidé de devenir astronome, je devais avoir 17 ou 18 ans. Je ne me suis jamais demandé si je serais capable de gagner ma vie grâce à cela. C’est ce que je voulais faire, c’est ce qui me passionnait, et j’ai foncé.»
Pierre Chastenay entreprend une première session à l’Université du Québec à Trois-Rivières en physique, la voie disciplinaire qui mène aux étoiles. Toutefois, la présence d’astrophysiciens comme Jean-René Roy et Serge Pineault l’attire rapidement à l’Université Laval où il débarque dès la deuxième session. «Mes années universitaires à Québec sont parmi les plus belles de ma vie, raconte-t-il sans se faire prier. J’en garde le souvenir ému d’une belle camaraderie, de la facilité d’accès aux professeurs et de leur générosité, en particulier celle de Serge Pineault.»
Vingt ans plus tard, son directeur de maîtrise se souvient encore de ce brillant étudiant très à l’aise avec les gens. «Il était curieux et il aimait partager ses connaissances», mentionne Serge Pineault. Pierre Chastenay était aussi un étudiant très discipliné. «Je crois qu’il a fait la maîtrise la plus rapide dans l’histoire du département», se rappelle son directeur. En effet, il a mis environ un an pour boucler sa thèse intitulée Observations du rayonnement radio continu du reste de supernova G73.9+0.9.
Le virage vulgarisation
Alors qu’il entreprend un doctorat en astrophysique à l’Université de Montréal, un «autre» Pierre Chastenay resurgit. Le «Pierre, littérature française», son deuxième choix de programme au cégep, l’amène à remettre en question sa carrière d’astrophysicien. «Mon cœur a toujours balancé entre les sciences et la littérature, confie-t-il. J’ai toujours été passionné par les romans, le théâtre, le cinéma, bref la création artistique. Au collège, j’ai fait du théâtre et j’aimais écrire.»
Pierre Chastenay se plaît à apprendre, mais surtout à transmettre ce savoir aux autres, animé qu’il est par un goût profond de la communication. C’est ce qui lui manque au début de son doctorat. Il prend donc une pause pour aller enseigner l’électronique et l’astronomie au Cégep d’Ahuntsic, à Montréal. La graine semée à l’Observatoire Champlain commence à germer. «En enseignant au cégep, explique M. Chastenay, j’ai retrouvé cette passion pour la vulgarisation scientifique que j’avais un peu mise de côté lors de mes études de maîtrise et de doctorat.»
Le terreau est fertile. Un jour qu’il amène ses étudiants du cégep au Planétarium, il rencontre Pierre Lacombe, le nouveau directeur de l’institution. Celui-ci cherche quelqu’un pour le remplacer comme responsable des activités éducatives. «J’ai posé ma candidature, ils m’ont engagé et j’y suis depuis 20 ans! Mon travail actuel, autant au Planétarium qu’à la télévision, me permet d’allier mes deux passions, la communication et les sciences, en particulier l’astronomie.»
Sa passion trouve nourriture abondante au Planétarium, car l’astronomie fascine grands et petits. Comment expliquer cette force d’attraction? «Je ne sais trop. Peut-être que d’un point de vue psychologique, nous sentons une connexion avec le ciel étoilé parce que c’est de là que nous venons. Nous sommes des poussières d’étoiles, comme le répète Hubert Reeves. Peut-être aussi parce que l’immensité de la voûte céleste et certains événements comme la dernière éclipse totale de Lune ou les aurores boréales nous remplissent de joie et font vibrer notre fibre esthétique.»
Beaucoup de travail de vulgarisation reste pourtant à faire. «Dans la population, il y a un grand intérêt pour l’astronomie, mais aussi plusieurs conceptions erronées.» Par exemple, pour certains, les phases lunaires sont le résultat de la projection de l’ombre de la Terre sur la Lune. «Plusieurs de ces mauvaises conceptions, souvent très coriaces, viennent du fait que nous observons le ciel d’un point de vue géocentrique, remarque l’astronome. Il manque une autre dimension qui nous permettrait de changer de point de vue. Le travail d’éducateur consiste justement à trouver des façons de faire en sorte que les gens aient une meilleure compréhension de ce qui se passe au-dessus de leurs têtes.»
Pour mieux saisir les conditions d’apprentissage des enfants, mais aussi des adultes, Pierre Chastenay complète en ce moment un doctorat en didactique des sciences. «Il me manquait des bases théoriques pour mieux comprendre pourquoi certaines activités fonctionnent et d’autres non.» Le doctorant s’intéresse plus particulièrement à l’apprentissage des notions d’astronomie par des jeunes de 10 à 12 ans qui visitent un planétarium, en fonction des programmes des écoles québécoises qui comprennent maintenant des bases d’astronomie.
La science comme culture
Astronome, chercheur en didactique des sciences, vulgarisateur scientifique autant par ses livres que par ses émissions de télévision, Pierre Chastenay semble increvable. «Je me garde aussi du temps pour la pratique de plusieurs sports, dont le badminton, la raquette et le vélo. Et ma vie de famille est importante. Je voyage aussi, au moins une fois l’an.»
Pour les prochaines années, il s’emballe à l’idée de participer à la relance du Planétarium, en perte de vitesse depuis quelque temps, n’attirant plus que 130 000 personnes par année. Vétuste, la vénérable institution scientifique de Montréal souffre également de sa situation géographique, loin des grands centres d’intérêt de la métropole. En s’installant dans un bâtiment tout neuf à proximité du Biodôme, en 2011, le Planétarium devrait connaître un regain de popularité. «Selon nos estimations les plus prudentes, nous devrions attirer trois fois plus de visiteurs», avance M. Chastenay, qui rappelle que l’établissement actuel est toujours en activité.
S’il n’en tient qu’à l’astronome, le Planétarium reprendra la place qui lui revient dans l’univers de la muséologie scientifique montréalaise et québécoise. Dans l’espace culturel de la métropole, pourrait-on préciser. «Je rêve du jour où l’on va cesser de considérer la culture scientifique comme étant à part de la culture avec un grand C, lance-t-il, avec à son tour des étoiles dans les yeux. J’ai hâte que les sciences en fassent partie comme autant d’éléments utiles et nécessaires non seulement à notre épanouissement, mais aussi pour mieux apprécier le monde qui nous entoure.»
Haut de page
Son premier rendez-vous avec le ciel étoilé remonte à l’enfance. Au centre-ville de Trois-Rivières, où il grandit, la pollution lumineuse ne laisse voir qu’un ciel laiteux. Mais en visite chez ses grands-parents, dans un village de Portneuf, il passe ses soirées le nez en l’air. «Je voyais plein d’étoiles. J’étais intrigué, fasciné.» Pour satisfaire sa curiosité d’enfant, il dévore les livres sur l’astronomie et la science-fiction, sans savoir qu’il en écrirait un jour. «J’écris les ouvrages que j’aurais aimé avoir sous la main lorsque j’étais petit», confie l’auteur de deux beaux albums de vulgarisation pour les enfants de 9 à 12 ans: Je deviens astronome, paru en 2002, et La Terre, la Lune et le Soleil, paru en 2004. Un troisième, sur le système solaire, paraîtra cet automne.
Se rapprocher des étoiles
C’est au cégep qu’il envisage le métier d’astronome. Pour un travail de session, l’étudiant fait de la photographie astronomique à l’observatoire que le Cégep de Trois-Rivières vient de construire à Champlain, un peu à l’est de la ville. Le projet est presque un flop, concède-t-il, mais l’attrait des étoiles est plus fort que tout. Le cégépien devient même guide et animateur à l’observatoire pendant deux étés. Une graine est semée.
«J’ai découvert que j’adorais me sentir à proximité des étoiles et accumuler des connaissances par la lecture et l’expérimentation. C’est à ce moment que j’ai décidé de devenir astronome, je devais avoir 17 ou 18 ans. Je ne me suis jamais demandé si je serais capable de gagner ma vie grâce à cela. C’est ce que je voulais faire, c’est ce qui me passionnait, et j’ai foncé.»
Pierre Chastenay entreprend une première session à l’Université du Québec à Trois-Rivières en physique, la voie disciplinaire qui mène aux étoiles. Toutefois, la présence d’astrophysiciens comme Jean-René Roy et Serge Pineault l’attire rapidement à l’Université Laval où il débarque dès la deuxième session. «Mes années universitaires à Québec sont parmi les plus belles de ma vie, raconte-t-il sans se faire prier. J’en garde le souvenir ému d’une belle camaraderie, de la facilité d’accès aux professeurs et de leur générosité, en particulier celle de Serge Pineault.»
Vingt ans plus tard, son directeur de maîtrise se souvient encore de ce brillant étudiant très à l’aise avec les gens. «Il était curieux et il aimait partager ses connaissances», mentionne Serge Pineault. Pierre Chastenay était aussi un étudiant très discipliné. «Je crois qu’il a fait la maîtrise la plus rapide dans l’histoire du département», se rappelle son directeur. En effet, il a mis environ un an pour boucler sa thèse intitulée Observations du rayonnement radio continu du reste de supernova G73.9+0.9.
Le virage vulgarisation
Alors qu’il entreprend un doctorat en astrophysique à l’Université de Montréal, un «autre» Pierre Chastenay resurgit. Le «Pierre, littérature française», son deuxième choix de programme au cégep, l’amène à remettre en question sa carrière d’astrophysicien. «Mon cœur a toujours balancé entre les sciences et la littérature, confie-t-il. J’ai toujours été passionné par les romans, le théâtre, le cinéma, bref la création artistique. Au collège, j’ai fait du théâtre et j’aimais écrire.»
Pierre Chastenay se plaît à apprendre, mais surtout à transmettre ce savoir aux autres, animé qu’il est par un goût profond de la communication. C’est ce qui lui manque au début de son doctorat. Il prend donc une pause pour aller enseigner l’électronique et l’astronomie au Cégep d’Ahuntsic, à Montréal. La graine semée à l’Observatoire Champlain commence à germer. «En enseignant au cégep, explique M. Chastenay, j’ai retrouvé cette passion pour la vulgarisation scientifique que j’avais un peu mise de côté lors de mes études de maîtrise et de doctorat.»
Le terreau est fertile. Un jour qu’il amène ses étudiants du cégep au Planétarium, il rencontre Pierre Lacombe, le nouveau directeur de l’institution. Celui-ci cherche quelqu’un pour le remplacer comme responsable des activités éducatives. «J’ai posé ma candidature, ils m’ont engagé et j’y suis depuis 20 ans! Mon travail actuel, autant au Planétarium qu’à la télévision, me permet d’allier mes deux passions, la communication et les sciences, en particulier l’astronomie.»
Sa passion trouve nourriture abondante au Planétarium, car l’astronomie fascine grands et petits. Comment expliquer cette force d’attraction? «Je ne sais trop. Peut-être que d’un point de vue psychologique, nous sentons une connexion avec le ciel étoilé parce que c’est de là que nous venons. Nous sommes des poussières d’étoiles, comme le répète Hubert Reeves. Peut-être aussi parce que l’immensité de la voûte céleste et certains événements comme la dernière éclipse totale de Lune ou les aurores boréales nous remplissent de joie et font vibrer notre fibre esthétique.»
Beaucoup de travail de vulgarisation reste pourtant à faire. «Dans la population, il y a un grand intérêt pour l’astronomie, mais aussi plusieurs conceptions erronées.» Par exemple, pour certains, les phases lunaires sont le résultat de la projection de l’ombre de la Terre sur la Lune. «Plusieurs de ces mauvaises conceptions, souvent très coriaces, viennent du fait que nous observons le ciel d’un point de vue géocentrique, remarque l’astronome. Il manque une autre dimension qui nous permettrait de changer de point de vue. Le travail d’éducateur consiste justement à trouver des façons de faire en sorte que les gens aient une meilleure compréhension de ce qui se passe au-dessus de leurs têtes.»
Pour mieux saisir les conditions d’apprentissage des enfants, mais aussi des adultes, Pierre Chastenay complète en ce moment un doctorat en didactique des sciences. «Il me manquait des bases théoriques pour mieux comprendre pourquoi certaines activités fonctionnent et d’autres non.» Le doctorant s’intéresse plus particulièrement à l’apprentissage des notions d’astronomie par des jeunes de 10 à 12 ans qui visitent un planétarium, en fonction des programmes des écoles québécoises qui comprennent maintenant des bases d’astronomie.
La science comme culture
Astronome, chercheur en didactique des sciences, vulgarisateur scientifique autant par ses livres que par ses émissions de télévision, Pierre Chastenay semble increvable. «Je me garde aussi du temps pour la pratique de plusieurs sports, dont le badminton, la raquette et le vélo. Et ma vie de famille est importante. Je voyage aussi, au moins une fois l’an.»
Pour les prochaines années, il s’emballe à l’idée de participer à la relance du Planétarium, en perte de vitesse depuis quelque temps, n’attirant plus que 130 000 personnes par année. Vétuste, la vénérable institution scientifique de Montréal souffre également de sa situation géographique, loin des grands centres d’intérêt de la métropole. En s’installant dans un bâtiment tout neuf à proximité du Biodôme, en 2011, le Planétarium devrait connaître un regain de popularité. «Selon nos estimations les plus prudentes, nous devrions attirer trois fois plus de visiteurs», avance M. Chastenay, qui rappelle que l’établissement actuel est toujours en activité.
S’il n’en tient qu’à l’astronome, le Planétarium reprendra la place qui lui revient dans l’univers de la muséologie scientifique montréalaise et québécoise. Dans l’espace culturel de la métropole, pourrait-on préciser. «Je rêve du jour où l’on va cesser de considérer la culture scientifique comme étant à part de la culture avec un grand C, lance-t-il, avec à son tour des étoiles dans les yeux. J’ai hâte que les sciences en fassent partie comme autant d’éléments utiles et nécessaires non seulement à notre épanouissement, mais aussi pour mieux apprécier le monde qui nous entoure.»
Haut de page
- Aucun commentaire pour le moment.