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Printemps 2008

Explorer le monde des sourds

L'anthropologue Charles Gaucher a appris la langue des signes pour pénétrer un monde où, à défaut de sons, c'est le corps qui parle.

Charles Gaucher entend aussi bien que vous et moi. Dans sa famille, personne n’est sourd. S’il a décidé d’apprendre la langue des signes, c’est d’abord parce qu’il ressentait une attirance particulière pour cette langue, comme d’autres tombent amoureux de l’italien ou de l’espagnol. Tout a commencé il y a cinq ans, à l’occasion d’un stage de formation pratique à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ), lors de ses études de baccalauréat en anthropologie. «J’ai été frappé par la beauté de cette langue, toute en poésie et en métaphores, qui mobilise tout le corps, dit-il. Je trouvais aussi cela très exotique.»
 
Depuis, le monde des sourds n’a cessé de lui parler. À preuve, sa thèse de doctorat, déposée l’hiver dernier et intitulée L’anthropologie sourde au Québec : Ma culture, c’est les mains. Pour réaliser cette thèse qui visait à mieux comprendre la figure identitaire des sourds au Québec, Charles Gaucher a côtoyé 46 adultes provenant de la communauté sourde de Québec. Au fil des rencontres, il a constaté à quel point les sourds se sentaient isolés du reste du monde, trop souvent tenus à l’écart ou regardés comme des bêtes curieuses. «On croit toujours que notre réalité est la seule, explique l’anthropologue. Pourtant, il existe tant d’autres univers et celui des sourds en est un. Lorsque la façon de dire les choses est différente, les gens sont mal à l’aise. Même de nos jours, on associe parfois les sourds à des personnes ayant une intelligence moins développée.»

Comprendre et être compris
Pour ceux qui n’entendent pas, la communauté sourde est un lieu d’expression où ils peuvent enfin être eux-mêmes, affirme Charles Gaucher, actuellement conseiller à la recherche pour la déficience auditive à l’IRDPQ. «Une personne sourde m’a affirmé qu’avant d’entrer en contact avec des gens sourds, elle n’avait pas d’identité», rapporte-t-il.

Mais le véritable éveil, souligne-t-il dans sa thèse, survient quand la personne a accès à la langue des signes, au langage en quelque sorte, ce qui peut se produire à différents âges de la vie. Le plus tôt étant le mieux, l’anthropologue prône que la langue des signes québécoise (LSQ) soit reconnue comme une langue à part entière et que des programmes scolaires soient offerts, comme c’est le cas au Brésil.
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