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Hiver 2005

Penser le politique au XXIe siècle

En 2004, le Département de science politique fêtait son premier demi-siècle d'existence.

    Premier département de science politique au Québec francophone, pionnier à plusieurs égards, longtemps le mieux connu du Québec au Canada anglais, voilà quelques traits caractérisant le demi-siècle passé du Département de science politique de l’Université Laval, esquissés à l’occasion du colloque «Penser le politique au XXIe siècle» qui se déroulait l’automne dernier.

Et aujourd’hui? «Le Département jouit toujours d’une notoriété enviable, affirme sans ambages son directeur, François Blais. Il continue de se distinguer par l’organisation rigoureuse de son enseignement. Et ses professeurs, encore bien en vue à l’échelle nationale, participent toujours au débat public, que ce soit au sein d’associations, d’universités, de commissions d’étude,dans les médias ou par des publications de toutes sortes.» Des prises de position et des éclairages qui, parfois, dérangent…suivant ainsi la plus pure tradition de l’institution!

De la naissance

La première fois que le Département a dérangé, c’est justement au moment de sa création au sein de la Faculté des sciences sociales, en 1954. Il n’existait alors aucun département organisé de science politique dans les universités francophones du Québec, cette discipline étant considérée comme une branche de la sociologie. Le fondateur, Gérard Bergeron, venait ainsi de priver le Département de sociologie de la moitié de son effectif professoral en recrutant Léon Dion et Maurice Tremblay, ce qui entraîna une certaine résistance au sein de la Faculté.

En outre, le gouvernement de Maurice Duplessis ne voyait guère d’un bon œil «qu’une université vienne se mêler de politique», comme se souvient Vincent Lemieux, professeur émérite qui s’est joint au trio des fondateurs en 1960. Ce dernier, organisateur du colloque du 50e anniversaire, a passé 47 ans au service du Département, dont 3 à titre de directeur.

Si la création du Département a suscité quelque résistance, il a fallu attendre 10 années pour que le nombre d’inscrits atteigne la quarantaine. C’est en 1968, l’année de toutes les contestations, qu’une première grande vague a porté l’effectif à 200 étudiants, puis une seconde à 600 en 1976, alors que la politique était en ébullition avec l’arrivée à Québec d’un gouvernement indépendantiste. Aujourd’hui, près de 500 étudiants sont inscrits au baccalauréat et près de 300 aux 2e et 3e cycles (instaurés en 1968).

Du rayonnement

Le Département n’a cependant pas attendu d’acquérir un grand nombre d’étudiants pour se bâtir une réputation au Canada. Dès l’origine, ses professeurs se sont mêlés publiquement de tout ce qui concernait la politique, analysant, discutant et prenant position dans les débats qui avaient cours sur l’agora, dont le fameux bill 60.

Sur la question Québec-Canada, les pionniers du Département faisaient figure d’éclaireurs au Québec et d’interprètes de la réalité québécoise au Canada anglais. Aux répétitifs «What does Quebec want?», les Dion et Bergeron en tête s’efforçaient de donner les réponses les plus claires. «Ils n’ont pas eu la chose facile», raconte le professeur Kenneth McRoberts, principal du Collège Glendon, de l’Université York de Toronto: «Il fallait avoir un sens du devoir assez grand pour refaire toujours les mêmes réponses aux mêmes questions et pour faire face à une hostilité à peine voilée.»

En dépit des manifestations d’hostilité, les liens entre les professeurs de Laval et l’extérieur ne se relâchaient pas et  la réputation du Département continuait de grandir dans tout le pays. Au point d’attirer des étudiants anglophones unilingues de Colombie-Britannique, comme Caroline Andrew, qui, en 1964, s’est inscrite au Département sur la foi de cette réputation. «J’arrivais dans une institution âgée d’à peine 10 ans dont j’avais l’impression qu’elle était millénaire, relate Mme Andrew, aujourd’hui doyenne de la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa. J’étais impressionnée par la structure rigoureuse du Département ainsi que par sa vision cohérente et très complète de la vie politique.»

François Blais estime que c’est sa structure organisée en quatre champs d’étude (administration publique, relations internationales, idées politiques et sociologie politique) qui distingue le Département encore aujourd’hui.

De la distinction

Les politologues de l’Université Laval et ceux du Canada anglais possédaient une volonté commune d’établir la science politique comme une discipline à part entière, distincte des autres sciences sociales. Au Québec, selon le professeur McRoberts, il s’agissait de s’émanciper de la sociologie alors que, dans le reste du pays, le défi était plutôt de se distinguer de l’économie.

À son arrivée à Laval, Caroline Andrew a tout de suite apprécié cette différence. «Cela m’ a donné une nouvelle vision.» L’insertion du politique dans la société favorisait, selon elle, une préoccupation des professeurs pour leur rôle citoyen et offrait une bonne perspective pour saisir le lien entre vie politique et société et pour comprendre l’État-providence d’alors.

Le premier département de science politique au Québec francophone a également été le premier à offrir un programme complet d’études internationales, rappelle Louis Balthazar, professeur émérite, entré au Département en 1969. Aux cours sur la politique des États-Unis, que M. Balthazar a été le premier à donner, se sont graduellement ajoutées les études africaines, asiatiques, de l’Amérique latine et du Moyen-Orient.

C’est le Département qui, avec l’Institut canadien des relations internationales, a fondé le Centre québécois de relations internationales, relevé en 1994 par l’Institut québécois des hautes études internationales (IQHEI). La revue Études internationales, créée par le Centre et le professeur Paul Painchaud en 1970, a été la première publication en français sur les relations internationales et aujourd’hui, publiée par l’IQHEI, elle est diffusée dans 44 pays.

En mettant l’accent très tôt sur les études internationales, le Département n’était pas seulement précurseur, mais aussi visionnaire, compte tenu du grand mouvement de mondialisation qui allait frapper la planète. Ce champ d’études est évidemment devenu très populaire, aussi bien à Laval que dans les autres universités. Pour François Blais, ce qu’on interprète comme un désintérêt des jeunes à l’égard de la politique n’est peut-être en fait qu’un déplacement des préoccupations et de l’intérêt traditionnel vers les questions internationales.

De la politique locale

Le Département a été un pionnier en études internationales, mais aussi en politique locale… Première femme professeure entrée au Département, en 1971, et aussi première à le diriger, en 1975, Louise Quesnel a encore été la première à donner le cours «Politique locale». Elle est devenue l’une des premières spécialistes en sciences urbaines au Canada.
 
«En fait, il y avait peu de spécialistes dans ce domaine au pays, explique-t-elle, tout comme il y avait peu d’étudiants intéressés à la politique locale. Pourtant, ne serait-ce qu’en raison du nombre de municipalités, il y a des recherches infinies à faire… Le sujet est à la fois intarissable et très intéressant; mais il faut accepter de travailler sur le terrain, près de chez soi, avec des gens qu’on rencontre au supermarché.»

Mme Quesnel a, entre autres, fait partie du Comité de transition de la nouvelle Ville de Québec en 2001. Elle a également participé à la création d’un département multidisciplinaire en aménagement du territoire, apportant ainsi une dimension politique aux questions d’urbanisme et de développement régional.

Pour cette pionnière et visionnaire, «l’interdisciplinarité est la voie de l’avenir en science politique». Et la multidisciplinarité fait également partie du credo du directeur, François Blais: «Les professeurs ont des formations aussi bien en économie qu’en philosophie, en administration publique ou en droit, et les étudiants sont aussi ouverts que curieux.» Il y a en outre de plus en plus de collaboration avec d’autres départements, selon François Blais, et ce décloisonnement va continuer de s’accentuer.
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