Du sport à la politique
Marc Lemay ne cesse de plaider. Hier, au nom des cyclistes, de ses clients, de ses confrères étudiants. Aujourd'hui, pour ses électeurs.
Par Louise Desautels
À six ans, Marc Lemay a sans doute été représentant de sa classe… «Je ne m’en souviens pas mais, chose certaine, j’ai été élu président de mon école primaire quand j’étais en cinquième année», reconnaît en riant celui qui vient de faire son entrée à Ottawa comme député bloquiste d’Abitibi-Témiscamingue, à l’âge de 53 ans.
Entre la petite école d’Amos et le Parlement fédéral, Marc Lemay (Droit 1974) n’a cessé de faire entendre sa voix. D’abord à l’Université Laval — où il a activement participé à trois grèves étudiantes, en plus d’être représentant de sa résidence, le pavillon Moraud — et ensuite comme avocat à la cour, de 1976 à 2004, où il a défendu d’innombrables clients du Centre communautaire juridique de l’Abitibi-Témiscamingue,à Amos.
Mais durant toutes ces années, il a surtout beaucoup parlé de vélo… Haut et fort. Organisateur de compétitions en Abitibi, puis président d’organismes et de comités cyclistes nationaux et internationaux, ses 30 ans d’activité en faveur des deux-roues sont notoires. «Le plus beau jour de ma vie, lance le fougueux personnage, c’est lorsque nous avons obtenu, en 1996, que le vélo de montagne fasse partie des disciplines olympiques aux Jeux d’Atlanta.»
Rarement impossible
Au cours de sa vie jalonnée de plaidoiries, que ce soit pour les étudiants, les inculpés ou les sportifs, Marc Lemay a pu mettre en évidence que le terme impossible est une notion très souvent inadéquate. «Dès que j’entends ce mot, je le remplace par “Ça ne sera peut-être pas facile”».
L’avocat n’est pourtant pas naïf. Comme jeune cycliste, à la fin des années 60, il a vite compris que les podiums ne seraient jamais pour lui. «À ma première participation au Tour cycliste d’Abitibi, je suis arrivé 50e sur 50, et le Tour était commandité par Labatt 50: ça ne s’oublie pas!»
Marc Lemay n’y perd pas pour autant son amour du vélo. «L’Abitibi avait des cyclistes extraordinaires et je savais que je n’en ferais jamais partie, alors je me suis plutôt occupé d’organiser les compétitions». Sa force de conviction et sa débrouillardise le placent rapidement dans le peloton de tête des promoteurs du cyclisme.
Voilà qui l’amène, en 1981, au conseil d’administration de l’Association cycliste canadienne. «J’étais le premier francophone à entrer là… et je ne parlais presque pas anglais: j’en ai pédalé un coup!» Performance couronnée de succès puisque, dès l’année suivante, ce fonceur devient président de l’Association –un poste qu’il occupera pendant 10 ans.
C’est à cette époque que Marc Lemay découvre le vélo de montagne… pour le défendre et non pour les sensations extrêmes que procure ce sport salissant! Entre 1991 et 2001, il préside la Commission de vélo de montagne de l’Union cycliste internationale (UCI), organisme où ne siège aucun autre Canadien. «Le vélo, c’était une affaire d’Européens qui ne juraient que par le cyclisme sur route.»
Au cours de son mandat, il s’appliquera à tailler au vélo de montagne, surtout populaire en Amérique du Nord, une vraie place parmi les épreuves cyclistes internationales. Et à donner la chance à des sites québécois de figurer au nombre des hauts lieux de compétition. Parmi ses bons coups: Coupe du monde au mont Sainte-Anne, Championnat du monde à Bromont, mais surtout, entrée du vélo de montagne aux Olympiques.
Circuit politique
Après des années de déplacements autour de la planète et de reconnaissances officielles (entre autres son intronisation au Temple de la renommée du cyclisme québécois à titre de «bâtisseur»), Marc Lemay se tourne vers la politique.
C’est qu’en plus de son engagement dans le sport international il a toujours poursuivi aussi bien son métier d’avocat que son engagement dans le développement de son coin de pays. «J’ai eu envie d’aller plus loin pour défendre les intérêts des gens d’Abitibi-Témiscamingue», explique-t-il. Le voici donc député fédéral sous la bannière du Bloc québécois et critique en matière de sport.
À la veille de son entrée aux Communes, en septembre dernier, le nouvel élu semblait déjà à l’aise dans son environnement. Son installation dans les impressionnants bâtiments de pierre, à Ottawa, lui rappelle pourtant l’émotion ressentie lorsque, jeune homme, il a mis les pieds à l’Université Laval, en 1971: «Tous ces pavillons et, surtout, la bibliothèque avec ses quatre étages de livres: c’est pas à Amos que j’aurais pu voir ça!»
Moins impressionnable aujourd’hui, Marc Lemay n’a cependant rien perdu de son ardeur d’étudiant contestataire. Trente ans plus tard, tablant sur son expérience de plaideur convaincant et de régionaliste convaincu, et plus que jamais assuré que «ça ne sera peut-être pas facile, mais pas impossible», il prépare ses dossiers: assurance-emploi, infrastructures, soutien au sport amateur…
Gageons qu’à Ottawa, on ne tardera pas à entendre résonner sa voix!
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