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Printemps 2006

Félix Maltais, 100% Débrouillard

Depuis 25 ans, Félix Maltais vit au rythme des Débrouillards. Et il ne vieillit pas !

    Félix Maltais est le Guy A. Lepage des ouvrages de vulgarisation scientifique pour enfants. Enfin presque… Son Un gars, une fille, c’est Le Petit Débrouillard. Traduit en anglais, en tchèque, en slovaque et en espagnol, ce livre paru en 1981 est à l’origine des Clubs des petits débrouillards, répandus à travers la planète. Mais le fondateur n’a pas fait de gros sous avec ses droits d’auteur. Il était bien trop content de fermer les yeux sur des éditions pirates…

«Je ne suis pas un homme d’affaires», avoue Félix Maltais (Sociologie 1975), à la tête des Publications BLD, la société éditrice du mensuel Les Débrouillards. N’empêche, il peut se targuer d’avoir lancé, en 1982, le premier magazine de vulgarisation scientifique pour enfants au Québec. Destinés aux 9-14 ans, Les Débrouillards compte aujourd’hui 25 000 abonnés –sans compter ceux de son petit frère, Les Explorateurs. Avec ce dernier, publié depuis 2001, les 7-9 ans prennent aussi part au vaste mouvement d’éducation scientifique des Débrouillards, qui fête cette année ses 25 ans.

«Les Débrouillards, c’est toute sa vie», dit son grand ami Jacques Goldstyn, illustrateur du magazine. À 59 ans, Félix Maltais peine d’ailleurs à s’imaginer en retraité. Chaque mois, il prend la plume du professeur Scientifix pour écrire un petit mot à ses fidèles. Mais il ne faut pas le dire aux jeunes lecteurs, qui sont persuadés que le prof existe. «Félix prend son rôle de Scientifix au sérieux, souligne Jacques Goldstyn. Il a donné une personnalité au professeur. Tous deux ont d’ailleurs la même date de fête [29 juin] et font du vélo.»

Malgré ses nombreuses responsabilités administratives, Félix Maltais ne peut s’empêcher de participer aux différentes étapes de production du magazine. Il se mêle de tout: du sujet de la bande dessinée de Goldstyn à la typographie utilisée par la graphiste! Têtu, il a la réputation de défendre ses idées avec ardeur.  Mais c’est très difficile de se choquer contre lui, remarque Pascal Lapointe, rédacteur en chef de l’Agence Science-Presse, copropriétaire des Publications BLD. Il est éminemment sympathique!»
 
Le regard allumé d’un enfant

L’éditeur des Débrouillards n’est jamais vraiment sorti de l’enfance. «Il a la candeur et le regard allumé d’un enfant, relève Jacques Goldstyn. Il se met dans la peau des jeunes sans faire d’efforts.» Lorsque Félix Maltais parle de sa passion du vélo, on l’imagine enfourcher sa première bicyclette dans les rues de Québec, où il est né. Même si ses cheveux gris se chargent de nous rappeler que le temps a filé… «Faire du vélo est le premier instant de liberté d’un enfant, dit le cycliste, aujourd’hui propriétaire d’un Marinoni. Lorsqu’on est capable de pédaler, on n’est plus confiné aux alentours de la maison. On peut aller loin et revenir pour le souper.»
 
Si Félix Maltais est demeuré si près du monde des enfants, c’est peut-être parce qu’il n’a pas eu la chance d’en avoir. Les jeunes ont toujours fait partie de sa vie. Pendant près de 15 ans, il a été Grand Frère, a entraîné des équipes de soccer et a accueilli des enfants en difficulté dans le cadre d’une famille d’accueil de fin de semaine. Il a aussi pris sous son aile les deux filles d’une ex-conjointe.

Ce qui l’a poussé à lancer le mouvement des Débrouillards n’est pourtant pas la passion des enfants. Ni celle de la science. Gamin, il prend plaisir à faire les expériences de son livre Les sciences amusantes et mystérieuses, et emprunte à son père le magazine de science appliquée Mécanique populaire. «Mais mon intérêt pour le sujet n’était pas assez grand pour faire une carrière scientifique», dit-il.
 
Jeunesse tumultueuse

Le journalisme, la politique et la culture l’attirent davantage. En 1965, il entame donc un baccalauréat en sociologie à l’Université Laval et s’implique dans le journal étudiant, Le Carabin, dont il deviendra directeur. C’est l’époque de la Révolution tranquille, de la guerre du Vietnam et du militantisme. «La cause première de notre équipe de rédaction, c’était l’indépendance du Québec», dit Félix Maltais, qui juge maintenant le combat dépassé.

Durant la crise d’octobre (1970), le jeune homme est emprisonné pendant 11 jours, «dont deux à l’eau et au gruau après l’assassinat de Pierre Laporte». Quelques mois auparavant, il a séjourné à la Maison du Pêcheur, un lieu de rassemblement du Front de libération du Québec, situé à Percé. «J’ai abouti là par hasard, lors d’un voyage sur le pouce, raconte-t-il. Ça sentait le trouble. Évidemment j’y suis resté!»

Ces événements passés, Félix Maltais déménage à Montréal, d’où il complétera les quelques crédits qui manquent à l’obtention de son baccalauréat de l’Université Laval. Il occupe alors différents emplois, dont celui de directeur de l’information à la Fédération québécoise du loisir scientifique, qui chapeaute des clubs d’astronomie, de mycologie, d’ornithologie et de botanique. «Travailler avec des mordus m’a redonné le goût des sciences», se rappelle-t-il.

Le prof Scientifix est né

En 1978, l’Association des communicateurs scientifiques du Québec lui confie une mission: créer l’Agence Science-Presse (ASP; à l’époque nommée Hebdo-Science), pour alimenter des médias régionaux en nouvelles scientifiques. «Dès la première année, deux journaux m’ont demandé des articles pour les jeunes, se souvient-il. Je me suis dit que l’idée n’était pas bête.»
 
Il ne lui en fallait pas plus pour donner naissance au professeur Scientifix. Les chroniques et expériences hebdomadaires du vieux savant suscitent un tel intérêt qu’on les rassemble dans un livre, Le Petit Débrouillard. «On a écoulé les 5 000 premiers livres en six mois!» Depuis 1981, environ 60 000 exemplaires de l’ouvrage publié en français ont été vendus.

«Félix est vraiment un pilier de la vulgarisation scientifique au Québec», juge Pascal Lapointe. En 2000, Jacques Goldstyn et lui ont d’ailleurs reçu le Prix Michael-Smith pour la promotion de la science, de la part du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

C’est que Félix Maltais ne s’est pas contenté de publier Le Petit Débrouillard et les autres recueils d’expériences du professeur Scientifix. Comme directeur de l’ASP, en collaboration avec le Conseil de développement du loisir scientifique (CDLS), il a lancé le mouvement des Débrouillards: magazine, activités sur le terrain par l’entremise des clubs et, plus tard, site Internet et émission de télévision. La convergence n’est pas une invention de Quebecor!
 
«Grâce à cette approche, chaque médium du groupe annonce les activités des autres, dit Félix Maltais. Cela nous permet de rejoindre plus d’enfants. Tous n’aiment pas la lecture.» Depuis 1994, le magazine Les Débrouillards appartient à 50% à la maison d’édition française Bayard, détenue par la congrégation des Augustins de l’Assomption; les autres actionnaires sont toujours l’ASP et le CDLS, tous trois regroupés sous la bannière des Publications BLD.

Vivre avec ses principes

Malgré ce lien avec une grande maison d’édition, Félix Maltais doit batailler pour que ses magazines survivent dans la jungle médiatique actuelle. D’autant qu’il ne peut compter sur les annonceurs pour renflouer ses coffres, puisqu’il refuse toute publicité de malbouffe ou de céréales sucrées. «Nous n’acceptons que les produits qu’on serait fier de présenter à nos enfants», précise-t-il.

Pour respecter ses principes, l’éditeur doit recourir au système D. Sa dernière idée? Sport Débrouillards, une édition spéciale publiée en décembre, en prévision des Jeux Olympiques de Turin. «Le sport favorise la santé, éloigne les enfants des jeux vidéo et leur transmet de belles valeurs, comme l’esprit d’équipe, le dépassement de soi et la camaraderie entre compétiteurs», souligne Félix Maltais. Un autre hors-série, sur l’art, sera lancé cet automne. «On doit ouvrir les jeunes à d’autres genres de musique que ceux présentés à Star Académie», croit l’amateur de peinture et de musique classique.

Félix Maltais déplore que la télévision publique fasse de moins en moins de place à l’information scientifique. «Il n’y a aucune émission de science pour les jeunes, dit-il. Découverte est pourtant populaire auprès des familles.» A-t-on besoin d’ajouter qu’il s’affaire à ressusciter son émission Les Débrouillards? Et qu’il n’abandonnera pas ses apprentis scientifiques, même à la retraite?

N’empêche, le futur retraité a d’autres projets. «Me perfectionner aux échecs et en espagnol, voyager, assister à plus de concerts classiques, courir un deuxième marathon, assister à un match de soccer du Manchester United contre le Arsenal à Londres et… écrire un livre.» Son titre est déjà trouvé: Pourquoi je ne suis plus séparatiste (en référence à celui de Marcel Chaput, Pourquoi je suis séparatiste). «Je veux expliquer mon cheminement, et celui du Québec dans le monde, à tous ceux que j’ai pu autrefois convaincre que l’indépendance était une bonne idée!» Et ce sera signé Félix Maltais. Pas Scientifix…

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