Les blogues Contact

La zone d'échanges entre l'Université Laval,
ses diplômés, ses donateurs et vous

Les blogues de Contact

Photo de Martin Dubois

Le métal: du fer à l’acier

Dans ma série de billets portant sur les matériaux utilisés en architecture, je vous propose une incursion dans le monde du métal. Cette matière extrêmement malléable et polyvalente qui se décline sous différentes formes selon les alliages et sa dureté est extrêmement importante dans notre architecture –tant ancienne que contemporaine.

Tourelle de la porte Kent recouverte de cuivre sur baguettes et décorée de fer forgé. Photo Martin Dubois

Tourelle de la porte Kent recouverte de cuivre sur baguettes et décorée de fer forgé. Photo Martin Dubois

D’abord de fer, les composantes architecturales en métal ont rapidement évolué vers d’autres alliages tels que la fonte, l’acier, l’aluminium ou autre, selon les propriétés recherchées.

Ce billet est une version adaptée d’un de mes textes récemment paru dans le dernier des 6 cahiers de la série Découvrir Québec, consacré à l’arrondissement La Cité-Limoilou de la ville de Québec. J’y aborde l’architecture selon la matière dont elle est composée et assemblée (pierre, bois, brique, béton, métal et verre) pour créer une mosaïque d’édifices aux formes et aux textures variées.

Le fer
Parmi les éléments métalliques présents au Québec, le fer est celui qu’on associe depuis le plus longtemps à l’architecture. Fruit du travail artisanal du forgeron, le fer rougi par le feu est façonné à l’aide d’un marteau et d’une enclume. Ainsi forgé, il peut prendre la forme d’esses pour retenir l’extrémité des tirants consolidant les murs de maçonnerie, ou encore composer des grilles faîtières ornant le sommet d’édifices importants.

Esses en fer forgé sur un édifice du Régime français. Photo Martin Dubois

Esses en fer forgé sur un édifice du Régime français. Photo Martin Dubois

Il sert également à fabriquer la quincaillerie d’architecture: pentures, gonds, targettes, clenches, poignées et loquets des portes et des fenêtres, en plus des grilles et des clôtures ceinturant les propriétés. Des horloges, des marquises et des crêtes faîtières en fer enjolivent également certains édifices publics. Plus récemment, le fer ornemental a été largement utilisé pour la confection des garde-corps de galeries et d’escaliers dans des quartiers comme Limoilou. L’ajout de retailles de lames de patin à ces ouvrages métalliques est un beau clin d’œil de l’architecture aux sports d’hiver!

La fonte
Introduite au Québec au milieu du 19e siècle, la fonte résulte d’une addition de carbone au fer, ce qui permet de couler et de mouler le métal en fusion. En utilisant des moules, les fonderies peuvent produire en série et à faible coût des pièces extrêmement variées. Des poutrelles et des colonnes en fonte sont intégrées à la construction d’entrepôts et de grands bâtiments. Mais c’est dans les pièces ornementales que la fonte se fait davantage remarquer. On privilégie en effet ce matériau pour les rosaces qui remplacent les esses retenant les tirants, pour les linteaux qui se substituent à la pierre, pour les éléments qui décorent les balustrades des galeries. Les belles clôtures en fonte, comme celles de la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, mettent en valeur les entrées et le parvis. L’architecte Charles Baillairgé, à qui on doit plusieurs ouvrages en fonte à Québec, conçoit même avec ce matériau des escaliers qui relient la haute-ville et la basse-ville, dont les escaliers Charles-Baillairgé, Lépine et du Faubourg. C’est également à lui que l’on doit la balustrade en fonte de la terrasse Dufferin et les élégants kiosques vert et blanc qui la ponctuent. La fonte est ainsi véritablement associée à l’époque victorienne et à son ornementation.

La balustrade et les kiosques victoriens de la terrasse Dufferin sont en fonte. Photo Martin Dubois

La balustrade et les kiosques victoriens de la terrasse Dufferin sont en fonte. Photo Martin Dubois

L’acier
Vers la fin du 19e siècle, un nouvel alliage de fer et de carbone donne naissance à l’acier, qui révolutionne l’architecture. Le français Gustave Eiffel a conçu de magnifiques ponts et sa fameuse tour parisienne en maîtrisant à merveille ce nouveau matériau. L’acier est très résistant et il est possible de le transformer en pièces complexes, aux profils variés par moulage ou laminage, destinées à la fabrication de poutres et de colonnes associées aux structures portantes et en hauteur. C’est à Chicago et à New York que sont nés les premiers gratte-ciel à structure d’acier.

L'édifice Price et sa structure d'acier en construction, 1930. Photo Bibliothèque et Archives nationales du Québec

L’édifice Price et sa structure d’acier en construction, 1930. Photo Bibliothèque et Archives nationales du Québec

À Québec, pensons à l’édifice Price et à la tour centrale du Château Frontenac, ou encore aux vastes espaces intérieurs de la gare du Palais, pour se convaincre que l’acier a permis une multiplication des possibilités architecturales dans la première moitié du 20e siècle. Encore aujourd’hui, l’acier est le principal matériau utilisé dans les grandes structures architecturales. Et lorsque le béton le remplace, il est armé de barres d’acier pour améliorer ses capacités portantes.

La tôle
Le laminage de différents métaux comme le fer, l’acier, l’aluminium, le zinc ou le cuivre produit diverses tôles minces, très utilisées dans l’architecture traditionnelle québécoise. Vu les risques d’incendie que représentait le bardeau de bois sur les toitures des maisons urbaines, la tôle est rapidement devenue un substitut intéressant. D’abord en fer-blanc, les toitures en tôle à la canadienne, très populaires à partir de 1750, consistent en un assemblage de tôles de petites dimensions, pliées et chevauchées selon un motif rappelant une multitude d’écailles plates. Aussi très fréquente au Québec, la tôle à baguettes, importée d’Europe vers 1800, doit son nom aux baguettes de bois sur lesquelles sont assemblés les joints des longues feuilles de métal. Avec le temps, le fer-blanc et la tôle plombée ont fait place à des alliages plus résistants, dont l’acier galvanisé et inoxydable ainsi que l’aluminium prépeint.

Le travail artisanal des couvertures de tôle traditionnelle relevait autrefois des ferblantiers-couvreurs. Moins sollicités après que les toits plats eurent fait leur apparition au tournant du 20e siècle, ces artisans proposèrent de nouveaux produits pour compenser leur perte de revenus, dont les corniches en tôle ouvragée. Ces éléments décoratifs aux motifs variés surmontent plusieurs maisons à toit plat des faubourgs de Québec et du quartier Limoilou. Par ailleurs, la tôle embossée de motifs variés, d’abord utilisée pour les plafonds intérieurs, se retrouve également comme revêtement extérieur sur les murs de maisons anciennes. Un décor peint en trompe-l’œil entièrement en tôle d’acier galvanisé orne même l’intérieur de certains édifices, dont celui de la chapelle du Séminaire de Québec, reconstruite en 1889 après un terrible incendie. C’est l’architecte Joseph-Ferdinand Peachy qui avait proposé cette solution aux prêtres du Séminaire qui voulaient à tout prix une chapelle à l’épreuve du feu.

Corniches en tôle ouvragée du quartier Limoilou. Photo Martin Dubois

Corniches en tôle ouvragée du quartier Limoilou. Photo Martin Dubois

Le cuivre revêtant les toitures en pente est quant à lui devenu à la mode avec la construction de plusieurs immeubles de style château à Québec, comme le Château Frontenac et la gare ferroviaire. Surtout utilisé à la manière de la tôle à baguettes, le cuivre est ainsi devenu un matériau identitaire de la ville de Québec.

En architecture contemporaine
De nos jours, en plus des structures d’acier encore largement utilisées, divers revêtements métalliques aux alliages variés servent toujours de parements extérieurs. L’acier préoxydé, appelé Corten, est même employé pour donner un caractère industriel à certains immeubles ou structures comme des passerelles sur la rivière Saint-Charles ou le stationnement étagé de la Falaise apprivoisée, un ensemble architectural situé dans le quartier Saint-Roch. Parions que l’utilisation du métal en architecture est loin d’être terminée. Résistant, polyvalent et relativement économique, le métal n’a pas fini de nous étonner.

Plaque d'acier Corten revêtant l'extérieur du stationnement étagé de la Falaise apprivoisée dans le quartier Saint-Roch. Photo Martin Dubois

Plaques d’acier Corten revêtant l’extérieur du stationnement étagé de la Falaise apprivoisée dans le quartier Saint-Roch. Photo Martin Dubois

***

Découvrez d’autres billets portant sur les matériaux utilisés en architecture:

1. Architectures de glace

2. Une architecture béton!

3. Le bois où on ne l’attendait plus

4. Histoire de briques

 

Haut de page
  1. Publié le 10 février 2017 | Par Benoit Le Vergos

    Bonjour monsieur Dubois,
    Votre article est vraiment intéressant. Je suis moi-même ferblantier de patrimoine à Montréal et c'est un plaisir de créer et de restaurer des corniches tous les jours ainsi que de travailler divers métaux. Je permets de vous joindre mon blogue: http://ferblanterie-de-patrimoine.blogspot.ca/
    Je suis actuellement sur une corniche ornementale en cuivre étamé.
    Bien à vous et encore merci pour cet article fort intéressant.
    Benoit Le Vergos

Note : Les commentaires doivent être apportés dans le respect d'autrui et rester en lien avec le sujet traité. Les administrateurs du site de Contact agissent comme modérateurs et la publication des commentaires reste à leur discrétion.

commentez ce billet

M’aviser par courriel des autres commentaires sur ce billet