Passion marketing
Publié le 18 janvier 2012 | Par Frank Pons
Rouge et Or rugby: une polémique inutile?
Le 9 janvier, j’ai été appelé à commenter sur les ondes du FM93, avec le bouillant Sylvain Bouchard, le refus de la direction de l’Université Laval d’autoriser les membres de l’équipe féminine de rugby de jouer les mannequins à l’invitation de M. Peter Simons des magasins du même nom.
Si je réfute totalement les accusations de M. Bouchard envers l’Université sur les aspects politiques ou de valeurs attachées à cette décision, je trouve dommage qu’un accord n’ait pas été trouvé pour permettre à cette équipe de trouver ce financement si important dans le sport universitaire et qui respecte les règles et l’esprit du sport universitaire.
Hors de la polémique créée (inutilement) depuis quelques mois autour de cette équipe universitaire que je trouve très courageuse, la décision de l’Université peut paraître surprenante de prime abord. Elle trouve cependant une explication logique dans le contexte de la commandite universitaire. Dans cet esprit effectivement, on peut questionner le fait d’utiliser des étudiants-athlètes pour vendre des produits commerciaux. Sans doute surprenant quand on voit les sponsors présents au stade TELUS et entourant les équipes du Rouge et Or. Encore plus surprenant quand on voit les millions de dollars engrangés par la NCAA (sport universitaire américain) lors de saisons de football universitaire ou du «March Madness», le tournoi ultime du basket universitaire.
Les dérives américaines
La polémique chez nos amis du sud de la frontière a pris (logiquement) une autre dimension dans les dernières années avec des poursuites intentées par d’anciens étudiants-athlètes qui accusent la NCAA de les priver «à vie» de l’utilisation de leur image de sportifs universitaires et surtout de ne jamais les rémunérer pour cette utilisation, particulièrement après leur départ du circuit universitaire. Il faut comprendre que chaque étudiant-athlète est forcé de signer un accord incluant cette cession de droit s’il veut pouvoir évoluer sur le circuit universitaire américain (www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/money-and-march-madness/etc/student-athlete-statement.html).
Il faut comprendre alors que la commandite en sport universitaire n’est pas à proprement parler interdite, mais elle est encadrée et généralement limitée à la promotion d’événements ou à la présence de sponsors lors d’événements comme les matchs ou les éliminatoires et concernant l’équipe ou l’université ou encore sur des infrastructures sportives. Mais un athlète ne peut pas directement promouvoir et vendre un produit. Néanmoins, l’association entre ces sportifs et une marque est si forte que la seule stratégie de commandite globale et la présence des étudiants-athlètes sont particulièrement efficaces pour les commanditaires! Et on ne parle pas de pacotilles: un accord de commandite typique pour les équipes de sport d’une université américaine varie entre 500 000$ et 6 M$ par année.
Quelques autres exemples qui donnent le frisson:
• De généreux dons en matériel pour les équipes et encadrements. Nike donne par exemple 2,3 M$ par année en matériel à l’Université de l’Alabama.
• Les universités reçoivent un revenu additionnel sur les ventes de produits dérivés (10 à 12% des ventes).
• La bataille est féroce entre commanditaires. L’Université du Michigan a reçu un bonus additionnel de signature de 6,5 M$ de la part d’Adidas pour quitter Nike en 2007. Les équipes et leurs coachs voyagent autant que possible en première classe, gracieuseté d’Adidas.
Menace de commercialisation à outrance
Par conséquent, même si l’implication de tels sponsors et du professionnalisme qu’ils entraînent dans leur sillon contribue immensément à asseoir la visibilité et l’intérêt du sport universitaire pour des consommateurs comme vous et moi, on peut décemment se poser la question de l’équité dans ce système pour les différentes parties. Il apparaît évident que les joueurs et joueuses qui reçoivent une éducation de qualité et des bourses d’études sont quand même ceux qui bénéficient le moins d’un système aussi déséquilibré.
Et pourtant, en 2010, la direction de la NCAA a failli adopter une résolution qui aurait permis aux commanditaires d’utiliser l’image d’étudiants-athlètes individuellement pour promouvoir leurs produits directement, tout en considérant les étudiants-athlètes comme amateurs! Un véritable scandale qui n’a pas été entériné, mais qui montre que les valeurs liées à l’aspect amateur des sports universitaires, chères au sport universitaire, sont de plus en plus menacées par la commercialisation à outrance, sans doute due à la grande popularité des étudiants-athlètes et à l’engouement qu’ils suscitent auprès de nous, les consommateurs. Victimes de leur succès et de la bonne mise en marché des commanditaires et des instances universitaires. Que faire alors?
Le choix est simple. Une première option serait d’oublier le statut d’étudiant-athlète amateur tel qu’on l’entend et trouver un autre statut. Cela n’arrivera certainement pas, car la valeur du produit universitaire est essentiellement liée à ce statut particulier des athlètes qui se battent pour autre chose que l’argent. Dans le cas contraire, cela devient une autre ligue professionnelle avec sans doute beaucoup moins de sponsors.
Une deuxième option serait d’encadrer beaucoup plus le fonctionnement de ces commandites et surtout d’espérer une plus grande prise de conscience des directions universitaires au sujet de la gestion de leurs équipes sportives –sans doute plus facile à dire qu’à faire dans un contexte où les traditions d’équipes dans ces universités sont plus fortes que la raison -)).
Dans le contexte canadien
Pour replacer la discussion dans le contexte canadien, la petite taille relative du marché et une moins grande tradition (ou une moins grande présence dans les médias) nous offrent une certaine protection contre ces dérives et nous permettent de mettre en place plus facilement des procédures de gestion de ce problème. Il faut garder à l’esprit les valeurs que le sport universitaire est censé promouvoir: cohésion, implication dans la société et à l’université, formation et éducation.
Une telle approche fonctionne, comme en témoigne ce qu’ont fait Maurice Tanguay et d’autres partenaires du Rouge et Or. En effet, leur implication s’inscrit dans une relation à long terme avec un fort engagement à l’égard des valeurs éducatives de l’Université (création de bourses, de soutien aux étudiants-athlètes dans leur formation, d’ouverture de camps pour les jeunes…). Bref, ces sponsors contribuent à développer de meilleurs étudiants, de meilleurs athlètes, de meilleures personnes en s’impliquant ainsi.
En conclusion, la proposition de Peter Simons (bien que très généreuse et qui faisait suite à la polémique entourant l’équipe de rugby) n’offrait sans doute pas, en l’état, les garanties du respect de ces valeurs. Alors pas de jugement hâtif ! Plutôt une remarque, un conseil et un espoir… J’espère que la direction de l’Université Laval et M. Simons pourront se rasseoir à la même table afin qu’un accord soit trouvé qui respecte l’Université et apporte à l’équipe féminine de rugby le soutien nécessaire.
Pour moi au moins, cela serait, à l’instar de ce que les autres commanditaires du Rouge et Or font, un bon exemple de ce qu’est le sport universitaire avec ses valeurs. Cela démontrerait aussi que l’implication du privé à l’université est possible et nécessaire, à condition qu’il soit très bien encadré… et pas seulement pour les équipes sportives.
Rugby: réflexions personnelles (suite et fin)
De passage en France ces jours-ci, j’ai lu le 17 janvier un article à propos d’une superbe et créative campagne lancée par le laboratoire sur l’égalité homme-femme afin de sensibiliser la grande population à cet important problème de société (www.marieclaire.fr/,laboratoire-de-l-egalite-inegalite-homme-femme,20123,448970.asp).
À la lecture de cet article et en voyant ces photos, je n’ai pas pu m’empêcher, même si je m’étais juré de ne pas le faire, de revenir sur ce qui est arrivé au calendrier un peu osé que l’équipe féminine de rugby de l’Université Laval s’est vu refuser le droit de faire comme outil de financement. Dans le domaine du financement ou de campagnes de promotions, ce type de campagne est omniprésent depuis plusieurs années et des groupes d’hommes ET de femmes de tout horizon ou âge ont choisi ce moyen original pour rendre leur organisation plus visible ou recueillir des fonds. Ces nombreuses campagnes sont généralement de très bon goût et aucunement pénalisantes pour leurs participants générant même souvent un sentiment positif fort chez les participants et les gens exposés au message.
En voici deux exemples:
– www.ma-grande-taille.com/calendrier-dieux-du-stade-2012-premiere-photo-noms-et-tailles-des-joueurs-de-rugby-39880 (sportifs masculins rugby)
– www.ecole-depouillee.net/spip.php?article2 (enseignants français, hommes et femmes)
Je trouve donc À TITRE PERSONNEL que ce genre d’activités est en fait devenu quelque chose de relativement commun (à quand la prochaine idée originale?) et je ne m’explique que partiellement la levée de boucliers qu’a déclenchée ce calendrier des filles de l’équipe de rugby. En effet, si je peux comprendre la position de l’Université en tant qu’institution qui n’a pas à embrasser ce projet (devoir de réserve raisonnable), je comprends mal l’explication de discrimination de la femme avancée par plusieurs. En fait, de manière générale, je trouve encore plus discriminatoire de ne pas permettre à une femme de faire ce que des hommes font et surtout, dans le cas des joueuses de l’équipe, de penser que celles-ci (des étudiantes majeures, éduquées et responsables comme le sont souvent les étudiants-athlètes) ne peuvent pas prendre une décision éclairée. Que l’Université ne trouve pas que leur action s’aligne sur les valeurs qu’elle symbolise est en soi un argument acceptable, mais juger leurs actions en termes d’inégalité homme-femme ne l’est pas, selon moi.
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Publié le 25 janvier 2012 | Par Philippe Dubé
Très intéressant comme propos, argumentaire bien développé mais l'article est beaucoup trop long pour un format blogue. Je vous conseille de revoir votre politique éditoriale pour être davantage lu. «Less is more» est un principe en marketing bien connu et il a le mérite –lorsqu'appliqué– d'avoir souvent un impact plus grand, même à l'université.
Bien à vous, Ph.Dubé
Publié le 24 janvier 2012 | Par Lucie Lemire
Plutôt que de pousser les hauts cris face à cette campagne de publicité qui, j’en suis certaine, a été faite dans les règles de l’art et en tout respect des participantes, ces professeures devraient s’attarder aux problèmes d’embonpoint et d’obésité qui ont explosé dans les 10 dernières années, particulièrement chez les jeunes filles, et qui affectent plus de 30% de la population écolière du Québec.
Elles devraient s’offenser énergiquement devant le fait que notre société a oublié d’inculquer à nos jeunes le goût de l’effort, de la discipline et de la rigueur. Qu’elle a échoué dans la promotion d’habitudes alimentaires saines et, surtout, dans la pratique d’activités physiques que mes parents dénommaient «jouer dehors». Elles devraient s’insurger devant toute cette malbouffe et faire des représentations auprès des instances de leur propre université pour que cette malbouffe ne soit pas servie –et ce depuis toujours– dans leur chère université. Les conséquences d’une mauvaise alimentation et de l’absence notoire de la pratique d’activités physiques chez les jeunes devraient faire l’objet de toute leur attention puisqu’elles affecteront la santé de ces jeunes très tôt dans leur vie d’adulte. Ces conséquences se font déjà ressentir chez les trentenaires qui souffrent à qui mieux mieux de dépression, qui se bourrent de pilules, qui sont atteints de diabète et développent des maladies cardiaques avant leurs parents. Elles devraient se poser sur la place publique pour dénoncer ces problèmes qui entraîneront une pression énorme sur nos services de santé, tant mentale que physique, dans les années à venir.
J’appuie ces jeunes filles qui, en fait, n’ont même pas le mérite d’être originales dans leur démarche: les calendriers des pompiers, la campagne de publicité de Centraide où l’on voit notamment Joannie Rochette dans son plus simple appareil, leur ont depuis longtemps damé le pion. Jusqu’à présent, je n’ai entendu personne se plaindre du choix de Joannie; oups, c’est vrai, j’avais oublié que les dizaines de millions amassés servaient –évidemment– à une noble cause.
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