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Photo de Margarida Romero

Peut-on vivre sans le numérique?

Peut-on encore vivre sans le numérique? Cette question peut sembler simple, mais elle présente de nombreuses implications dans notre vie personnelle, sociale, professionnelle et dans notre parcours scolaire. Le discours technophile ambiant présente le numérique comme une avancée sans vraiment laisser de place à la pensée critique et aux approches différentes. Doit-on emboîter le pas du numérique, notamment en classe?

tablettes

Notre vie professionnelle n’est plus possible sans les courriels envoyés pour tout et pour rien. Les réseaux sociaux et les groupes de messagerie instantanée sont devenus les écosystèmes où nous interagissons avec nos amis, notre famille et ces dizaines de contacts plus ou moins directs. Dans une société surchargée d’informations, nous cherchons de temps à autre le répit offert par une publication étonnante, une vidéo rigolote, la dernière photo des enfants ou par un «J’aime», puis nous continuons notre route dans cette surcharge informative sans précèdent. Avec la révolution numérique, les échanges humains sont parfois transformés en applications informatiques, et nous transigeons de plus en plus avec des robots; il y a longtemps que nous ne parlons plus avec un humain pour réserver un hôtel, pour nous inscrire à des activités de loisir ou pour payer des factures.

Peut-on encore vivre sans un dispositif numérique et une connexion Internet? Le numérique est au cœur de mon métier; pourtant je conserve toujours un doute à l’égard de sa réelle plus-value en éducation. Et je suis convaincue de la nécessité de ne jamais imposer le numérique à celles et à ceux qui n’en voient pas l’intérêt; bref, de la nécessité de respecter leur liberté technologique pour atteindre leurs objectifs, que ce soit par des biais analogiques ou par leur approche spécifique du numérique. Car le numérique ne se résume pas à l’outil à la mode (d’abord les tableaux numériques interactifs, maintenant les tablettes). Les usages du numérique en éducation présentent une diversité incroyable qui gagnerait à être valorisée et explorée de manière critique.

De grandes avancées
Il faut souligner que le numérique nous a permis de faire de grandes avancées à différents niveaux. Il nous ouvre sur le monde et nous permet de socialiser à divers degrés et en tout temps. Internet facilite la communication et l’accès à l’information. Les technologies permettent de connecter des classes en réseau ou encore de diversifier les stratégies d’apprentissage par l’entremise d’usages créatifs en éducation, comme les défis en robotique pédagogique ou la programmation créative pour développer la pensée informatique. Dans cette perspective, on peut considérer qu’une partie de ces usages nous offrent des possibilités auparavant inexistantes pour communiquer et pour améliorer certains apprentissages (dont l’apprentissage amélioré par les technologies ou technology enhanced learning).

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) nous rapprochent; nos enfants peuvent parler avec leurs grands-parents et même partager des tranches de vie banales sans le souci du coût des communications d’antan. Les TIC permettent le développement des collaborations internationales en contexte professionnel et la diffusion à grande vitesse des connaissances, mais aussi des discours antisciences. De ce point de vue, les TIC comme l’Internet nous ont permis de nous ouvrir au monde et de mieux collaborer et communiquer; les technologies tangibles comme les robots pédagogiques ont favorisé l’apprentissage par la construction de systèmes d’une certaine complexité.

Si le potentiel du numérique est important, les bienfaits et les plus-values pédagogiques de celui-ci ne sont pas automatiques et ne doivent pas se substituer à l’ensemble des processus analogiques et humains que nous avons développés au cours de notre évolution comme civilisation.

Contacts humains en voie de disparition?
Une partie des services citoyens et des commerces ont adopté les TIC pour remplacer certaines tâches effectuées par des humains par des démarches informatiques. De l’inscription à un cours en ligne à la réservation d’un hôtel, il y a certaines activités qu’il est presque impossible de faire de manière présentielle, entre humains. Si certains services en ligne disposent encore d’une interface humaine pour ceux qui le souhaitent, d’autres services, comme les inscriptions dans un centre éducatif ou certaines activités de loisir, sont offerts uniquement par l’intermédiaire d’un site Internet, excluant tous ceux qui sont rébarbatifs au numérique ou, du moins, leur rendant la tâche plus complexe. Pire encore, certains services sont uniquement disponibles sous forme d’application, ce qui limite le type de dispositifs pouvant être utilisés pour accéder à l’information. Dans ce contexte, quel choix reste-t-til si nous ne souhaitons pas posséder une identité numérique?

Le choix de la voie analogique et humaine est de moins en moins présent dans la plupart des services. La substitution complète des services humains par des interfaces numériques rend obligatoire l’usage de dispositifs numériques pour la participation citoyenne et l’accès aux services. À quel point assumons-nous que les nouvelles générations seront nécessairement numériques et ne préfèreront pas les services humains et analogiques? À quel point la société oublie-t-elle les personnes plus âgées et accentue-t-elle l’âgisme numérique? À quel point sommes-nous tous forcés de faire usage de cartes de crédit sur des sites Internet qui ne permettent pas l’usage de moyens de paiement traditionnels? Au nom du numérique et de l’optimisation, nous limitons l’accès aux services à tous ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas emboîter le pas du numérique. Si nous apprécions notre liberté d’action et notre liberté technologique, le numérique devrait toujours rester un choix et nous devrions avoir le droit d’accéder aux services essentiels aux citoyens sans nous faire imposer un certain type de dispositif technologique.

Le numérique en classe: au choix
À l’école, nous devrions aussi avoir le choix des dispositifs pour éviter une homogénéisation et une uniformisation massive à l’égard d’un seul type de technologie. La liberté technologique consiste à donner le choix aux enseignants, aux parents et aux élèves de certains usages du numérique; les encourager à ne pas rester consommateurs passifs et peu critiques quand ils font le choix du numérique, mais aussi les respecter et les encourager s’ils décident de ne pas choisir cette voie. Nous avons toujours appris sans technologies et il y a toujours eu des enseignants extraordinaires qui impliquent activement les élèves dans leurs apprentissages sans recours aux TIC. À l’inverse, nous connaissons tous des enseignants dont l’usage du numérique accentue les iniquités, le renforcement des stéréotypes ou l’usage d’approches purement conductivistes (c’est-à-dire basées uniquement sur la transmission des savoirs) par un mauvais usage des systèmes d’émulation ou par la limitation des processus de construction de connaissances avec des usages restreints des technologies.

Comme le soulignent les organismes internationaux, dont l’UNESCO, le numérique ne fait que soutenir la pédagogie. Il pourrait être intéressant de donner plus de liberté technologique aux écoles, aux enseignants et aux élèves pour permettre à ceux qui y voient un intérêt pédagogique d’explorer de nouvelles approches (numérique créatif, objets tangibles, robotique, programmation, fabrication numérique…). Il faudra toutefois toujours s’assurer que les apprenants et les enseignants qui excellent dans des modes d’enseignement qui ne font pas appel au numérique aient leur place, sans se faire imposer des outils.

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  1. Publié le 21 novembre 2016 | Par Normand Brodeur

    Bonjour Margarida. Merci pour ta réflexion sur la place du numérique à l'école. Les avancées du numérique à l'école comme dans la société sont indéniables. Les questions fondamentales au sujet de son intégration à l'école reposent, selon moi, sur l'intention pédagogique sous-jacente à toute forme d'apprentissage et sur le niveau d'intégration du numérique lors de ces apprentissages. Pour cela, j'en réfère au modèle SAMR de Ruben Puentedura. Intégrer le numérique en classe pour reproduire ce que nous faisions auparavant n’apporte aucun avantage. Créer des situations d'apprentissage qui amènent les élèves à comprendre autant, sinon mieux des apprentissages: voilà la valeur ajoutée du numérique à l'école.

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