Impressions d'architecture
Publié le 29 août 2016 | Par Martin Dubois
Le Corbusier au patrimoine mondial de l’UNESCO
Le 17 juillet dernier, on annonçait qu’une importante partie de l’œuvre de l’architecte Le Corbusier, composée de 17 sites répartis dans 7 pays1, figure dorénavant sur la liste du patrimoine mondial. Selon l’UNESCO, l’œuvre architecturale de Le Corbusier constitue une contribution exceptionnelle au Mouvement moderne. Elle témoigne de l’invention d’un nouveau langage architectural en rupture avec le passé. Ces chefs-d’œuvre du génie humain attestent également de l’internationalisation de la pratique architecturale. Ceci est mon 3e billet portant sur un architecte célèbre du 20e siècle que j’affectionne tout particulièrement. Après l’Allemand Ludwig Mies van der Rohe et l’Américain Frank Lloyd Wright, voici le Français Le Corbusier, communément appelé Corbu.
Le Corbusier (1887-1965)
Charles-Édouard Jeanneret naît en 1887 à La Chaux-de-Fonds, en Suisse. Ses études comme graveur-ciseleur, puis comme dessinateur et décorateur le conduisent vers l’architecture. C’est au contact d’architectes comme Auguste Perret et Peter Behrens et lors de nombreux voyages qu’il prend goût à la pratique de l’architecture et qu’il conçoit ses premiers projets en Suisse. Pendant la Première Guerre mondiale, il s’installe à Paris d’où il compte participer à la reconstruction de plusieurs villes détruites lors du conflit. En contact avec le milieu artistique de la Ville Lumière, Jeanneret participe à un nouveau mouvement d’avant-garde prônant des constructions aux formes simples et dépouillées, génératrices d’harmonie. Des manifestes de ce mouvement, qui touche autant la peinture que l’architecture, paraissent dans la revue L’Esprit Nouveau, publiée dès 1920. C’est à partir de ce moment que l’architecte adopte le pseudonyme Le Corbusier, une adaptation du nom de son ancêtre maternel, Lecorbésier.
Sa carrière d’architecte prend véritablement son envol au début des années 1920 alors qu’il conçoit plusieurs villas en béton blanc pour des amis artistes ou de riches industriels. On parlera plus tard d’architecture blanche. Cinq de ces maisons font partie de l’œuvre inscrite au patrimoine mondial. La plus connue, la villa Savoye, en banlieue de Paris (1928-1931), représente à elle seule les 5 grands principes selon lesquels Le Corbusier définit l’«architecture moderne» et qu’il appliquera tout au long de sa carrière:
- les pilotis: le bâtiment est complètement dégagé du sol;
- le toit-terrasse: le toit plat qui contribue à former un prisme pur peut être utilisé comme espace de vie extérieur;
- le plan libre: la structure formée de poteaux et de dalles en béton ne crée aucun mur porteur qui pourraient contraindre les aménagements;
- la fenêtre-bandeau: étant donné que les murs ne sont pas porteurs, on peut les percer à l’horizontale pour mieux admirer le paysage;
- la façade libre: des jeux de pleins et de vides sont possibles sur toutes les façades sans compromettre la structure.
Cette architecture dépouillée de tout ornement est ainsi réduite à sa plus simple expression. La déambulation dans ces maisons est imaginée comme une promenade architecturale où se succèdent divers points de vue, des effets de surprises et une variété d’espaces différents.
De 1930 à 1945, Le Corbusier s’intéresse davantage au logement collectif et à l’urbanisme. Il conçoit plusieurs ensembles résidentiels en Europe, dont l’un des plus connus est l’unité d’habitation de Marseille (1945). Pour lui, un immeuble d’habitation est une «machine à habiter» conçue comme une «cité-jardin verticale». L’immeuble de Marseille, comprenant 337 logements, repose sur des pilotis et comprend une garderie et une salle de sport sur le toit-terrasse. Entièrement construit en béton, l’immeuble prévoit un balcon pour chaque logement ainsi que du mobilier simple et industriel. Ce type d’immeuble se veut avant tout fonctionnel afin de répondre aux besoins de base de l’être humain et devient ainsi, selon la vision de l’architecte, universel. C’est pourquoi on qualifie cette architecture de «Style international». Le Corbusier entrevoit l’urbanisme de la même façon que l’architecture: chaque zone urbaine a une fonction précise et il est plus pratique de séparer les piétons, les voitures et les trains pour un maximum d’efficacité. Bien que ces principes d’urbanisme aient eu un écho important partout dans le monde, peu de plans de ville conçus par Le Corbusier ont réellement vu le jour.
De 1945 à 1965, Le Corbusier se consacre à des projets plus diversifiés et parfois de grande envergure. Il conçoit notamment une ville entière en Inde, Chandigarh, la nouvelle capitale du Pendjab. En plus de concevoir le plan de la ville, il dessine les principaux bâtiments publics de la cité, dont le palais de justice et le palais de l’Assemblée. C’est durant cette période fructueuse qu’il conçoit ses œuvres les plus personnelles et les plus expressives. Alors que ses premières réalisations prennent la forme de prismes purs en béton blanc, il exploite davantage les qualités plastiques du béton dans des œuvres comme la chapelle Notre-Dame-du-Haut, à Ronchamp (1950), et le couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette, à Éveux (1953). Il sculpte, perce et crée des formes inusitées avec le béton en jouant habilement avec l’entrée de lumière dans le bâtiment. Les textures provenant du décoffrage du béton sont laissées apparentes, ce qui confère un aspect brut aux bâtiments et donne naissance à un mouvement appelé «brutalisme».
À sa mort, en 1965, Le Corbusier est déjà une star dans le milieu de l’architecture. Certains architectes d’ici m’ont raconté que, lorsqu’ils étudiaient l’architecture dans les années 1950, Le Corbusier était leur idole, comme peuvent l’être certains «starchitectes» d’aujourd’hui pour la nouvelle génération. Bien que le nombre d’œuvres qu’il ait laissées soit relativement restreint compte tenu de sa longue carrière qui s’étend sur un demi-siècle, Le Corbusier a eu une influence colossale sur l’architecture du 20e siècle. Il a fait entrer l’architecture dans la modernité et a cherché à apporter des solutions aux enjeux de renouvellement des techniques architecturales afin de répondre aux besoins de la société. Même si ses œuvres peuvent paraître froides, voire hideuses pour certains –le béton étant encore mal aimé–, il n’en demeure pas moins que Corbu a révolutionné l’architecture en la rendant plus franche et plus en accord avec son époque.
J’ai eu le privilège de visiter quelques-unes des œuvres de Le Corbusier en France et en Belgique, notamment la villa Savoye et les maisons La Roche-Jeanneret à Paris, la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp et le couvent Sainte-Marie de la Tourette dans la région lyonnaise. Il est toujours impressionnant de visiter des œuvres que l’on a découvertes dans nos cours d’histoire de l’architecture. La visite de la chapelle Notre-Dame-du-Haut demeure pour moi un moment fort de mes nombreux voyages. Tel un pèlerinage, j’ai gravi le mont sur lequel elle est construite et je me souviens avoir ressenti une grande émotion devant l’œuvre célèbre de ce maître de l’architecture moderne. Le Carpenter Center for the Visual Arts de l’Université Harvard, près de Boston, seule œuvre de Corbu en Amérique du Nord, est la plus près de chez nous si vous souhaitez visiter bientôt un bâtiment corbuséen.
Les 17 sites:
Maisons La Roche-Jeanneret, Paris – France 1923
Villa Le Lac, Corseaux – Suisse 1923
Cité Frugès, Pessac – France 1924
Maison Guiette, Anvers – Belgique 1926
Maisons de la Weissenhof-Siedlung, Stuttgart – Allemagne 1927
Villa Savoye et pavillon du jardinier, Poissy – France 1928
Immeuble Clarté, Genève – Suisse 1930
Immeuble locatif Porte Molitor, Boulogne-Billancourt – France 1931
Unité d’habitation de Marseille, Marseille – France -1945
Manufacture Usine Duval, Saint-Dié-des-Vosges – France 1946
Maison du Docteur Curutchet, La Plata – Argentine 1949
Chapelle Notre-Dame-du-Haut, Ronchamp – France 1950
Cabanon de Le Corbusier, Roquebrune-Cap-Martin – France 1951
Bâtiments du Capitole, Chandigarh – Inde 1952
Couvent Sainte-Marie de la Tourette, Eveux – France 1953
Maison de la culture de Firminy, Firminy – France 1953-1965
Musée d’Art occidental, Tokyo – Japon 1954
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Publié le 15 janvier 2017 | Par Thierry Potier
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