Impressions d'architecture
Publié le 7 juin 2013 | Par Martin Dubois
Mies, mon architecte moderne préféré
Less is more: cette expression souvent utilisée dans le milieu du design et de l’architecture a été rendue célèbre par l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe qui en avait fait son credo. Parfois traduit par «moins c’est mieux», ce leitmotiv a été repris par plusieurs architectes modernistes du 20e siècle qui, en réaction aux bâtiments surchargés d’ornements de l’ère victorienne, voulaient créer des immeubles plus épurés, au design minimaliste, qui exprimeraient ainsi davantage la beauté brute des matériaux et de la structure. Ce less is more m’amène à vous parler de cet architecte, communément appelé Mies, l’un de mes concepteurs modernes préférés. À mon avis, et à celui de plusieurs, il est l’un des grands designers du siècle dernier.
D’ailleurs, Phyllis Lambert, fondatrice du Centre canadien d’architecture (CCA) à Montréal, vient de publier un livre sur le Seagram Building de New York, l’une des plus célèbres tours de bureaux conçues par Mies dans les années 1950. Un article récent de La Presse annonçait la sortie de cet ouvrage qui relate l’aventure de la conception et de la construction de ce gratte-ciel –aventure à laquelle l’auteure a elle-même pris part.
Le minimalisme selon Mies
Né en Allemagne en 1886, Mies van der Rohe travaille dès 1905 dans des bureaux d’architecture de Berlin où il rencontre notamment Walter Gropius, le futur fondateur du Bauhaus. Cette école d’arts et de métiers, fondée en 1919, est un jalon important en matière d’architecture et de design, car l’enseignement qui y était dispensé s’est transformé en courant de pensée qui a eu une portée internationale et a jeté les bases de l’architecture moderne. Le programme de cette école, qui prônait le génie créateur et l’amalgame entre l’art et la technique, a suscité l’adhésion d’un grand nombre d’artistes d’avant-garde à travers toute l’Europe. Mies a d’ailleurs été son troisième et dernier directeur, de 1930 à 1933, car l’établissement a ensuite été fermé par le régime nazi. Mais son influence a largement survécu dans la pensée constructive mondiale durant tout le 20e siècle.
Avant de s’exiler aux États-Unis en 1938 en raison de la montée du nazisme, Mies a réalisé plusieurs immeubles, dont de nombreuses maisons privées, ainsi que le pavillon de l’Allemagne à l’Exposition universelle de Barcelone en 1929. Ce bâtiment, d’une grande modernité, a fait sensation à l’époque et se démarquait nettement des autres pavillons nationaux plus traditionnels. Quelques pans de murs et de verre posés sur un socle et huit colonnes fines en métal supportant un toit plat qui semble flotter ont donné des formes épurées et minimalistes tout à fait inusitées. Démoli après l’exposition, ce pavillon a été reconstruit à l’identique en 1986 et est encore aujourd’hui considéré comme une icône de l’architecture moderne.
De Chicago à l’Île-des-Soeurs
C’est aux États-Unis, à partir de Chicago où il enseigne au département d’architecture de l’Illinois Institute of Technology (IIT), que Mies réalise ses œuvres les plus célèbres. Il est notamment reconnu pour ses grands immeubles de bureaux ou d’habitation en verre et en acier qui sont l’ultime expression du «style international» en architecture. On trouve ces tours dans plusieurs villes nord-américaines dont Chicago, New York, Détroit, Toronto et Montréal. En effet, le complexe du Westmount Square à Montréal, comprenant deux tours d’habitation et une tour de bureaux déposées sur un socle abritant une galerie marchande, est son œuvre la plus célèbre chez nous. On lui doit aussi d’autres tours d’habitation à l’Île-des-Sœurs ainsi que, toujours sur cette île, une station-service qui a été citée immeuble patrimonial, restaurée et transformée en centre communautaire. Plusieurs autres architectes se sont inspirés de ses réalisations et ont conçu des immeubles dans le même esprit minimaliste.
Mies tente de créer des espaces neutres, contemplatifs, grâce à une architecture basée sur l’honnêteté des matériaux et la dissociation de l’enveloppe et de la structure. L’espace extérieur est considéré comme un prolongement de l’espace intérieur, et n’est parfois refermé que par de simples parois de verre entre des pilotis, avec un traitement de sol qui se poursuit de part et d’autre. Son architecture toujours épurée, sans artifice, avec des formes simples et des couleurs neutres démontre aussi un extrême souci du détail. Mies van der Rohe est décédé en 1969.
Dieu est dans les détails
Cette expression est aussi de Mies van der Rohe (Gott steckt im Detail / God is in the details). En effet, plus on est minimaliste, plus les détails deviennent importants, car on ne peut cacher les défauts ou les joints mal exécutés par des éléments de décor ou des moulures. Tout se voit et rien ne se perd dans un foisonnement d’éléments. Les détails de construction doivent être conçus avec précision et l’exécution des travaux doit être parfaite. C’est donc tout un art de créer et de construire des immeubles ou de fabriquer des objets aux formes épurées. C’est là qu’on voit tout le talent du créateur. Contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas par manque de talent que certains concepteurs créent des formes épurées. C’est plutôt l’inverse! Cela prend de bonnes aptitudes et une certaine dose d’audace pour créer des formes harmonieuses et agréables à l’œil sans utiliser d’artifices ou d’éléments décoratifs. Un concepteur dénué de talent ne pourra y arriver.
Par ailleurs, l’architecture de Mies, qui est empreinte d’un certain classicisme, a bien traversé les époques et est restée à mon avis tout à fait actuelle, ce qui prouve que les formes épurées et minimalistes sont moins sujettes au phénomène de la mode que certains styles plus flamboyants.
À l’avenir, lorsque vous apercevrez des maisons ou des immeubles neufs surchargés de tourelles, d’éléments décoratifs superflus ou revêtus de matériaux hétéroclites, vous pourrez vous rappeler ces paroles de Mies: less is more.
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Découvrez un autre de mes architectes coup de coeur, Frank Lloyd Wright.
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Publié le 12 juin 2013 | Par bastien bouchard
J'aime en particulier votre commentaire final sur l'architecture qui vieillit bien grâce à la pureté des lignes. À Québec, l'Édifice de la Laurentienne sur le boul. Laurier en est certainement un exemple et les monstruosités pseudo «esprit château» qui peuplent de façon lourdingue et ostentatoire le boulevard Laurier à l'Ouest et certains quartiers de Sillery et Cap-Rouge sont à mon avis la parfaite illustration de ce qu'il ne faut pas faire. Il y a du chemin à faire en terme de sensibilisation aux conséquences présentes et futures des choix architecturaux...
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