Du conte au code avec Vibot le robot

Lire, écrire et compter sont des fondements éducatifs essentiels, mais notre société de l’image et du numérique nous invite à considérer le développement des connaissances et des compétences médiatiques et numériques dès l’enfance. Peut-on envisager les synergies entre l’heure du conte et l’heure du code à l’école? Peut-on s’affranchir de notre rôle de consommateur numérique et permettre aux enfants d’être des acteurs créatifs du numérique? C’est ce que j’ai tenté de réaliser en publiant Vibot le robot.

Ce livre est l’une de mes publications qui me tient le plus à cœur. Pourtant, ce n’est qu’un conte pour enfants… Vibot le robot raconte l’histoire des jumeaux Victor et Viviane (un clin d’œil à Viviane Vallerand, une finissante du baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement au primaire de l’Université Laval avec qui j’ai eu le plaisir de collaborer pour écrire un guide d’activités technocréatives). Dans le conte, leur mère utilise des bras robotiques pour faire des interventions chirurgicales et leur père est un enseignant de français et de mathématiques avec un grand talent artistique. Des parents appartenant à la classe créative telle que décrite par Richard Florida¹. Ada est la mamie mathématicienne des jumeaux. Elle se prénomme ainsi en l’honneur de la première programmeuse de l’histoire, Ada Lovelace. Pour leur anniversaire, Viviane et Victor reçoivent un robot en cadeau. Ils décident de l’appeler Vibot («vi» pour Viviane et Victor et «bot» pour robot). Avant de pouvoir jouer avec Vibot, les jumeaux doivent assembler ses pièces, charger ses piles et lui donner des instructions dans la langue des robots: la programmation.

Vibot le robot initie petits et grands enfants au code par l’entremise de l’heure du conte. Le conte et le code sont des expressions qui peuvent se rejoindre quand nous les considérons comme des littératies². La littératie écrite fait appel à la capacité de comprendre et d’utiliser le langage écrit, tandis que la littératie informatique fait appel à la capacité de comprendre et d’utiliser les langages informatiques. La production du langage peut se trouver aussi bien dans le langage écrit que dans le langage informatique, et nous pouvons envisager la possibilité de créer des histoires écrites ou des histoires interactives par l’entremise de la programmation inventive. Le conte comme le code peuvent être utilisés de manière créative.

Avec Vibot le robot, le conte est au service de la démystification de la programmation informatique et de la robotique. Quand Viviane et Victor commencent à programmer leur robot, le conte affiche les instructions en français et les instructions de code correspondantes en  utilisant le langage de programmation visuelle Scratch. Vibot le robot est en quelque sorte un conte bilingue français-Scratch!

J’aime dire que Vibot le robot est mon 2e enfant. Un peu par la place qu’il occupe dans mon cœur, mais aussi par le temps qu’il m’a demandé pour voir le jour et pour l’accompagner dans ses premiers pas. Et surtout, un bébé ne naît pas tout seul! Pour Vibot, nous sommes 2 mamans (l’illustratrice Loufane et moi), un papa avec 16 millions d’utilisateurs dans le monde (Scratch) et de nombreuses sages-femmes et sages-hommes à avoir rendu possible le projet chez l’éditeur, les Publications du Québec. Sa «mise au monde» a eu lieu en juin 2016, et il continue de grandir.

La collaboration entre l’Université Laval et les Publications du Québec a permis de développer cette œuvre à mi-chemin entre le documentaire et le conte pour enfants. Vibot le robot peut être considéré comme un conte «savant», car il essaie de transmettre des savoirs issus de la recherche en éducation, ou comme un documentaire illustré et narratif. En tant qu’enseignante-chercheuse, on pourrait s’attendre à ce que je sois plus fière d’un article publié dans une revue scientifique; mais c’est ce conte pour enfants qui est ma plus grande fierté à ce jour. Le projet Vibot le robot est né d’une volonté de faire découvrir l’apprentissage de la programmation et de la robotique pédagogique à un public large.

Pour accompagner les aventures de Vibot le robot, nous avons développé 16 défis de programmation créative (des contes à coder) qui partent d’une situation problème pour engager les apprenants dans une démarche de programmation créative. Ces défis de programmation créative présentent une petite histoire mettant en scène le chat Scratch et Vibot le robot. Pour chaque défi, nous invitons les utilisateurs à analyser l’histoire, à identifier les composantes (personnages, décor, actions…) et ensuite à les programmer sur Scratch en remixant le canevas proposé.

Vibot le robot est également un grand voyageur: il a rencontré des élèves de différentes villes du Québec et de l’école française à Londres, mais aussi Mitchel Resnick (le père de Scratch) et son équipe au cours de la conférence Scratch 2016 au MIT, Julian Alvarez à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Lille, en France, Nathalie Methelie à l’ESPE de Martinique ainsi que des amis d’autres pays de la francophonie. Au fil des voyages, Vibot a rencontré des enfants qui ont prouvé que programmer est à la fois accessible et très amusant. Les enfants deviennent des acteurs du numérique en concevant leurs propres histoires interactives —et même leurs mini-jeux!— grâce à la programmation, cette nouvelle langue leur permettant d’exprimer leur créativité numérique.