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Photo de Margarida Romero

Coder à l’école, ce n’est pas assez

L’apprentissage de la programmation informatique à l’école a fait l’objet de nombreux ateliers au cours du plus récent colloque de l’Association québécoise des utilisateurs d’outils technologiques à des fins pédagogiques et sociales (AQUOPS). Cela reflète l’intérêt des enseignants pour le potentiel de la programmation informatique dans différentes disciplines. Je vous propose de faire un état de la question, tout en démêlant la signification et les limites d’application des termes «code», «codage» et «programmation»… Vous verrez ainsi que coder à l’école, ce n’est pas assez: il faudrait envisager d’apprendre aux élèves la démarche de programmation.

coder

Dans le cadre du 35e colloque de l’AQUOPS, tenu en avril, j’ai eu le plaisir de participer à la présentation du nouveau module de formation sur la programmation créative1. Ce module vise à démystifier la programmation informatique et à permettre aux enseignants de se familiariser avec l’enseignement et l’apprentissage de la programmation créative, et de progresser jusqu’à la création d’activités de programmation créative. Ce module est le fruit d’une collaboration entre Cadre21, l’équipe du projet CoCréaTIC de l’Université Laval2, le Laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation (LINE) de l’Université Nice Sophia Antipolis et l’enseignante-chercheuse Stéphanie Netto du laboratoire TECHNE3.

Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, Vibot et moi. Photo Suzanne Dansereau, secrétaire de l’AQUOPS

Petit clin d’œil: lors du colloque, Vibot le robot a reçu la visite du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, monsieur Sébastien Proulx. 

La programmation à l’école, une tendance mondiale
Les nombreux ateliers 4 dont a fait l’objet la programmation informatique à l’école pendant le colloque démontrent bien la tendance émergente de l’introduction de l’apprentissage de la programmation à l’école, tant au Québec qu’à l’échelle internationale. Un nombre croissant de pays introduisent des cours de programmation dans leur cursus scolaire. Le rapport de l’European Schoolnet (2015)5 fait état de 9 pays qui intègrent la programmation dès l’enseignement primaire et de 12 dès le secondaire, ce qui reflète une tendance mondiale. Les initiatives de programmation à l’école se multiplient dans le réseau des écoles privées et publiques du Québec.

Il existe également un nombre croissant d’enseignants innovateurs et de communautés6 qui travaillent activement à l’intégration de la programmation à l’école. Malgré ces initiatives des enseignants, des écoles et des associations, l’apprentissage de la programmation n’est pas obligatoire au Québec. La question se pose donc: faut-il intégrer la «programmation au programme»? Ou, pour finir d’emmêler nos langues, faut-il «programmer la programmation»?

Démêler les termes
«Programmer la programmation» soulève le problème de la polysémie du mot «programmation». En éducation, la programmation réfère à une démarche de planification des situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ). Dans la vie quotidienne, elle réfère à la grille horaire des émissions de radio ou de télévision ainsi qu’à la planification des activités d’une organisation comme un théâtre. Pour éviter cette confusion polysémique, d’autres termes sont parfois utilisés, comme «code» ou  «codage», mais la programmation informatique ne peut être réduite au code.

Commençons par démêler les concepts de code, de codage et de programmation. Tout d’abord, le code est un ensemble d’instructions écrites en langage informatique. Certains médias utilisent le terme codage pour décrire le fait d’écrire du code. Avec le code, on peut écrire des algorithmes, soit des suites d’opérations ou d’instructions permettant de résoudre un problème ou d’obtenir un résultat. Mais, la programmation va au-delà de l’écriture d’instructions en langage informatique, car avant d’écrire du code, il faut analyser une situation, puis s’engager dans une démarche de conception.

Ensuite, il faut faire le choix des systèmes et des langages informatiques pour créer un programme. La programmation est donc une activité réflexive. Elle nous mène à une pensée informatique, une démarche de résolution créative de problèmes qui fait appel aux sciences du numérique. La pensée informatique est parfois nommée «pensée computationnelle» en raison de la traduction du terme anglais proposé par Jeannette Wing: computational thinking. Le terme «pensée informatique» est utilisé par Wing et de nombreux auteurs de la communauté francophone, comme Pierre Tchounikine7.

Objectif: développer la pensée créative
Dans le cadre du projet CoCréaTIC, nous considérons que le code n’est qu’une composante d’une démarche plus large. Nous voyons la programmation créative comme une démarche d’analyse sensible et critique s’accompagnant d’un processus itératif de création d’une solution (technologique) qui fait appel aux connaissances, aux méthodes et aux technologies des sciences du numérique. En tant que démarche d’analyse et de création, la programmation n’est pas uniquement un ensemble de connaissances et de procédures permettant de coder; c’est une compétence qui peut se travailler dans différentes disciplines, de l’art jusqu’aux mathématiques en passant par les sciences et les technologies. En bref, coder à l’école, ce n’est pas assez8. Il faut viser le développement de la pensée informatique et permettre celui de démarches basées sur des approches propres à la créativité à l’ère du numérique, comme la programmation créative et la robotique pédagogique.

Ainsi, la pensée informatique est avant tout une façon de réfléchir qui, en faisant appel aux sciences du numérique, peut éclairer tant notre rapport aux différents savoirs et notre rapport critique et (techno)créatif au monde que la (co)création de savoirs et d’objets divers. La pensée informatique est en lien avec les démarches d’analyse, de création et d’évaluation par le numérique qui peuvent nous permettre de dépasser notre position de consommateurs de technologies pour atteindre celle d’acteurs créatifs, ou à tout le moins critiques, du monde numérique.

1 Pour en savoir plus sur cette formation, cliquez ici.

2 Merci à Alexandre Lepage et à Aurélie Roy.

3 Pour en savoir plus sur ces différents regroupements: Cadre21, CoCréaTIC, LINE et TECHNE.

4 Animés entre autres par Denise St-Pierre, Pierre Lachance, Raoul Kamga, Steve Morissette, Christophe Reverd, Jocelyn Dagenais, Stéphanie Rioux et Sonya Fiset.

5 Pour lire ce rapport, cliquez ici.

6 Par exemple, l’équipe Squeaki du RÉCIT, Ladies Learning Code et Kids Code Jeunesse.

7 Pierre Tchounikine est professeur en sciences informatiques à l’Université Grenoble Alpes et auteur de l’article Initier les élèves à la pensée informatique et à la programmation avec Scratch.

8 Voir l’article De l’apprentissage procédural de la programmation à l’intégration interdisciplinaire de la programmation créative.

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  1. Publié le 26 avril 2017 | Par Stéphanie Rioux

    Ligne directrice de notre atelier à l'AQUOPS: l'algorithmie, une porte d'entrée vers la pensée algébrique.

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