Steve Couture: création, technos et affaires
À la tête d'une firme de production de jeux vidéo en pleine expansion, le jeune informaticien se préoccupe aussi de formation.
Par Gilles Drouin
N’allez surtout pas dire à Steve Couture que son travail consiste à jouer : «On me le dit bien assez souvent. Comme si le commerçant de détail passait son temps à magasiner! Je suis en affaires, j’ai une entreprise et non un loisir.»
En effet! À 31 ans, Steve Couture (Informatique 1999) est cofondateur et président de Frima Studio, une firme de conception et de production de jeux vidéo ayant pignon sur rue dans le quartier Saint-Roch, à Québec. Sa jeunesse ne détonne pas, dans le portrait de famille de l’industrie du jeu vidéo. Dans les bureaux à aires ouvertes de Frima Studio, la moyenne d’âge de la soixantaine d’employés ne dépasse pas 26 ans. L’industrie elle-même n’a guère plus de 30 ans. «Le secteur est exigeant, remarque le jeune président. Le marché est mondial et il faut toujours être les meilleurs. Il est rare de rencontrer des gens qui ont plus de 20 ans de carrière.»
Steve Couture n’a donc pas vraiment le temps de s’amuser avec une manette de jeu. Pas plus que ses employés d’ailleurs, dont 50% ne sont pas des adeptes de la console. « Je joue surtout pour voir ce qui se fait dans l’industrie », dit-il. Ses loisirs, il les passe plutôt à pratiquer le soccer et l’Ultimate Frisbee sur les terrains de l’Université, ainsi que le patin à roues alignées et le golf avec sa conjointe.
Passage à l’acte
Dire seulement que Steve Couture détient un baccalauréat en informatique de gestion est un peu réducteur. Outre un diplôme d’études collégiales en administration, ce passionné a aussi suivi des cours universitaires en arts visuels, en communication graphique, en communication publique et en administration. «À l’époque, confie-t-il, j’aurais bien aimé un baccalauréat ou une concentration en multimédia comme il en existe aujourd’hui.»
À défaut de pouvoir profiter d’un tel programme, Steve Couture a contribué à le créer au Département d’informatique ! Il est aussi un des chargés de cours de la concentration multimédia à l’Université. Comme si ce n’était pas suffisant, il a également enseigné au collégial. «Enseigner est une bonne façon d’apprendre parce qu’il faut organiser sa pensée afin de bien rendre la matière», explique-t-il. Ah oui, il est aussi coordonnateur d’un programme de formation en jeu vidéo dans un collège privé!
«Sa passion transparaît dans sa façon d’enseigner», constate Nadir Belkhiter, directeur du programme de baccalauréat en informatique de l’Université, qui se dit impressionné par les qualités de pédagogue de Steve Couture. M. Belkhiter se souvient aussi de lui comme étudiant. «Steve savait ce qu’il voulait. On sentait qu’il était dans son domaine. Il s’intéressait beaucoup aux questions d’ergonomie, d’interface personne-machine et de conception de logiciel.»
Lui-même vendu au domaine, Steve Couture comprend mal l’intérêt relativement faible des jeunes pour l’informatique. «Les gens perçoivent le travail d’informaticien comme un peu ennuyant, estime-t-il. Cela n’a rien à voir avec la réalité du marché du travail. L’informatique peut vous amener à découvrir toutes sortes de milieux, comme le droit ou la santé. Moi, j’ai choisi un secteur créatif parce que cela me convient mieux.»
L’industrie du jeu vidéo est très inventive, on doit toujours y repousser les limites, affirme Steve Couture. «Il y a beaucoup de recherche en intelligence artificielle, sur la qualité graphique et l’animation. Cela fait que les technologies des jeux vidéo sont ce qu’il y a de mieux en informatique interactive. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour qu’elles ne trouvent pas d’applications ailleurs.»
M. Couture donne l’exemple de la simulation de situations bien réelles à des fins de recrutement de personnel. «L’armée américaine s’en sert déjà en utilisant un jeu de simulation qui place les futurs soldats dans des situations de combat dont le réalisme va très loin», dit-il. Les activités de formation aussi y gagneraient. «Dans ce domaine, il y a encore beaucoup d’applications interactives dont la qualité est inférieure à celles des jeux vidéo.»
Un entrepreneur dans l’âme
Le coup de foudre de Steve Couture pour le domaine du multimédia et du jeu vidéo se produit en 1994. Pour les fins d’un travail scolaire, il rencontre des gens de Megatoon, une petite entreprise de Québec, pionnière au Canada dans les jeux pour console. «Je suis tombé sur le derrière, raconte-t-il, encore un peu excité. Je me suis dit que c’était exactement le genre d’endroit où j’aimerais travailler.»
Il savoure particulièrement le mariage entre une belle folie créative et un goût pour la technologie. «L’ambiance qui règne dans ce domaine m’attire beaucoup. C’est une industrie de passionnés.»
Steve Couture est d’abord et avant tout un entrepreneur dans l’âme. Bien avant de terminer ses études, il possède une petite entreprise de formation en informatique, offrant des sessions d’animation dans les écoles primaires. Toutefois, après son bac, il entre plutôt chez Sarbakan, un autre fleuron du jeu vidéo de Québec. «J’ai apprécié cet emploi mais, après cinq ans, mon côté entrepreneur m’a rattrapé.»
Il quitte alors l’entreprise avec deux collègues, Philippe Bégin et Christian Daigle, pour fonder en février 2003 Frima Studio, une boîte indépendante de production et de création de jeux vidéo. «Être en affaires, lance-t-il, c’est ce qui me motive le plus. J’adore l’informatique et je considère qu’il s’agit d’une profession passionnante, mais je pense que je suis meilleur entrepreneur qu’informaticien.»
En 2003, après l’éclatement de la bulle boursière, il n’y a rien de facile pour les entrepreneurs du secteur technologique. Dans une telle situation, Frima Studio doit trouver le moyen de percer un monde dominé par des joueurs comme Ubisoft ou Activion, capables de consacrer des dizaines de millions de dollars à la conception et à la commercialisation d’un jeu. La solution de Frima: un modèle d’affaires hybride mariant, d’un côté, les contrats de services et, de l’autre, la conception de produits originaux.
Peter Flat: succès en vue!
Au départ, Frima Studio conçoit de petits jeux vidéo, souvent voués à la promotion de produits. Par exemple, en 2006, Frima a lancé une quinzaine de jeux promotionnels gravitant autour de films diffusés au cours de l’été. Ces contrats permettent de financer l’entreprise tout en se faisant connaître davantage dans le milieu du jeu vidéo.
Mine de rien, Frima en profite pour élaborer sa propre technologie et sa façon de concevoir les jeux. «Nous conservons les droits de propriété intellectuelle sur nos technologies», précise Steve Couture. L’entreprise conçoit ainsi une plateforme technologique qui lui permet d’entrer dans le domaine des jeux dits «massivement multijoueurs», un créneau prometteur, selon le jeune président. Avec ce type de jeux, il n’y a qu’une seule partie en cours. L’internaute se branche au réseau et joue son personnage dans une sorte d’univers virtuel. Lorsque l’internaute se déconnecte, son personnage entre en dormance, mais il peut réintégrer le jeu à la visite suivante.
Frima Studio compte déjà quelques bons coups à son bilan. Elle est déjà connue pour son jeu Ciao Bella, inspiré d’une série de Radio-Canada et destiné aux femmes de 15 à 35 ans. En 2006, elle a obtenu un contrat de Corus Entertainment pour concevoir un jeu de type «massivement multijoueurs» (GalXseeds) pour les enfants de 8 à 12 ans.
Mais le coup fumant pourrait bien être l’entente de distribution conclue au début de l’été avec Big Fish Games. Le deuxième plus gros portail de jeux en ligne au monde distribuera Les gonflantes aventures de Peter Flat, un jeu de plateformes en 3-D créé par Frima, dont le personnage central doit franchir 52 épreuves afin de décrocher un emploi de bureau.
L’entente pourrait rapporter des gros sous, mais surtout la notoriété. «Il suffit qu’une création originale connaisse le succès pour mettre l’entreprise sur la carte mondiale», s’emballe Steve Couture.
Et l’argent? «Nous pourrions déjà vendre la compagnie et vivre confortablement, remarque-t-il. Mais notre objectif est de créer une entreprise qui sera un jour une icône dans le divertissement numérique sur la scène internationale. Tout en restant à Québec.»
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En effet! À 31 ans, Steve Couture (Informatique 1999) est cofondateur et président de Frima Studio, une firme de conception et de production de jeux vidéo ayant pignon sur rue dans le quartier Saint-Roch, à Québec. Sa jeunesse ne détonne pas, dans le portrait de famille de l’industrie du jeu vidéo. Dans les bureaux à aires ouvertes de Frima Studio, la moyenne d’âge de la soixantaine d’employés ne dépasse pas 26 ans. L’industrie elle-même n’a guère plus de 30 ans. «Le secteur est exigeant, remarque le jeune président. Le marché est mondial et il faut toujours être les meilleurs. Il est rare de rencontrer des gens qui ont plus de 20 ans de carrière.»
Steve Couture n’a donc pas vraiment le temps de s’amuser avec une manette de jeu. Pas plus que ses employés d’ailleurs, dont 50% ne sont pas des adeptes de la console. « Je joue surtout pour voir ce qui se fait dans l’industrie », dit-il. Ses loisirs, il les passe plutôt à pratiquer le soccer et l’Ultimate Frisbee sur les terrains de l’Université, ainsi que le patin à roues alignées et le golf avec sa conjointe.
Passage à l’acte
Dire seulement que Steve Couture détient un baccalauréat en informatique de gestion est un peu réducteur. Outre un diplôme d’études collégiales en administration, ce passionné a aussi suivi des cours universitaires en arts visuels, en communication graphique, en communication publique et en administration. «À l’époque, confie-t-il, j’aurais bien aimé un baccalauréat ou une concentration en multimédia comme il en existe aujourd’hui.»
À défaut de pouvoir profiter d’un tel programme, Steve Couture a contribué à le créer au Département d’informatique ! Il est aussi un des chargés de cours de la concentration multimédia à l’Université. Comme si ce n’était pas suffisant, il a également enseigné au collégial. «Enseigner est une bonne façon d’apprendre parce qu’il faut organiser sa pensée afin de bien rendre la matière», explique-t-il. Ah oui, il est aussi coordonnateur d’un programme de formation en jeu vidéo dans un collège privé!
«Sa passion transparaît dans sa façon d’enseigner», constate Nadir Belkhiter, directeur du programme de baccalauréat en informatique de l’Université, qui se dit impressionné par les qualités de pédagogue de Steve Couture. M. Belkhiter se souvient aussi de lui comme étudiant. «Steve savait ce qu’il voulait. On sentait qu’il était dans son domaine. Il s’intéressait beaucoup aux questions d’ergonomie, d’interface personne-machine et de conception de logiciel.»
Lui-même vendu au domaine, Steve Couture comprend mal l’intérêt relativement faible des jeunes pour l’informatique. «Les gens perçoivent le travail d’informaticien comme un peu ennuyant, estime-t-il. Cela n’a rien à voir avec la réalité du marché du travail. L’informatique peut vous amener à découvrir toutes sortes de milieux, comme le droit ou la santé. Moi, j’ai choisi un secteur créatif parce que cela me convient mieux.»
L’industrie du jeu vidéo est très inventive, on doit toujours y repousser les limites, affirme Steve Couture. «Il y a beaucoup de recherche en intelligence artificielle, sur la qualité graphique et l’animation. Cela fait que les technologies des jeux vidéo sont ce qu’il y a de mieux en informatique interactive. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour qu’elles ne trouvent pas d’applications ailleurs.»
M. Couture donne l’exemple de la simulation de situations bien réelles à des fins de recrutement de personnel. «L’armée américaine s’en sert déjà en utilisant un jeu de simulation qui place les futurs soldats dans des situations de combat dont le réalisme va très loin», dit-il. Les activités de formation aussi y gagneraient. «Dans ce domaine, il y a encore beaucoup d’applications interactives dont la qualité est inférieure à celles des jeux vidéo.»
Un entrepreneur dans l’âme
Le coup de foudre de Steve Couture pour le domaine du multimédia et du jeu vidéo se produit en 1994. Pour les fins d’un travail scolaire, il rencontre des gens de Megatoon, une petite entreprise de Québec, pionnière au Canada dans les jeux pour console. «Je suis tombé sur le derrière, raconte-t-il, encore un peu excité. Je me suis dit que c’était exactement le genre d’endroit où j’aimerais travailler.»
Il savoure particulièrement le mariage entre une belle folie créative et un goût pour la technologie. «L’ambiance qui règne dans ce domaine m’attire beaucoup. C’est une industrie de passionnés.»
Steve Couture est d’abord et avant tout un entrepreneur dans l’âme. Bien avant de terminer ses études, il possède une petite entreprise de formation en informatique, offrant des sessions d’animation dans les écoles primaires. Toutefois, après son bac, il entre plutôt chez Sarbakan, un autre fleuron du jeu vidéo de Québec. «J’ai apprécié cet emploi mais, après cinq ans, mon côté entrepreneur m’a rattrapé.»
Il quitte alors l’entreprise avec deux collègues, Philippe Bégin et Christian Daigle, pour fonder en février 2003 Frima Studio, une boîte indépendante de production et de création de jeux vidéo. «Être en affaires, lance-t-il, c’est ce qui me motive le plus. J’adore l’informatique et je considère qu’il s’agit d’une profession passionnante, mais je pense que je suis meilleur entrepreneur qu’informaticien.»
En 2003, après l’éclatement de la bulle boursière, il n’y a rien de facile pour les entrepreneurs du secteur technologique. Dans une telle situation, Frima Studio doit trouver le moyen de percer un monde dominé par des joueurs comme Ubisoft ou Activion, capables de consacrer des dizaines de millions de dollars à la conception et à la commercialisation d’un jeu. La solution de Frima: un modèle d’affaires hybride mariant, d’un côté, les contrats de services et, de l’autre, la conception de produits originaux.
Peter Flat: succès en vue!
Au départ, Frima Studio conçoit de petits jeux vidéo, souvent voués à la promotion de produits. Par exemple, en 2006, Frima a lancé une quinzaine de jeux promotionnels gravitant autour de films diffusés au cours de l’été. Ces contrats permettent de financer l’entreprise tout en se faisant connaître davantage dans le milieu du jeu vidéo.
Mine de rien, Frima en profite pour élaborer sa propre technologie et sa façon de concevoir les jeux. «Nous conservons les droits de propriété intellectuelle sur nos technologies», précise Steve Couture. L’entreprise conçoit ainsi une plateforme technologique qui lui permet d’entrer dans le domaine des jeux dits «massivement multijoueurs», un créneau prometteur, selon le jeune président. Avec ce type de jeux, il n’y a qu’une seule partie en cours. L’internaute se branche au réseau et joue son personnage dans une sorte d’univers virtuel. Lorsque l’internaute se déconnecte, son personnage entre en dormance, mais il peut réintégrer le jeu à la visite suivante.
Frima Studio compte déjà quelques bons coups à son bilan. Elle est déjà connue pour son jeu Ciao Bella, inspiré d’une série de Radio-Canada et destiné aux femmes de 15 à 35 ans. En 2006, elle a obtenu un contrat de Corus Entertainment pour concevoir un jeu de type «massivement multijoueurs» (GalXseeds) pour les enfants de 8 à 12 ans.
Mais le coup fumant pourrait bien être l’entente de distribution conclue au début de l’été avec Big Fish Games. Le deuxième plus gros portail de jeux en ligne au monde distribuera Les gonflantes aventures de Peter Flat, un jeu de plateformes en 3-D créé par Frima, dont le personnage central doit franchir 52 épreuves afin de décrocher un emploi de bureau.
L’entente pourrait rapporter des gros sous, mais surtout la notoriété. «Il suffit qu’une création originale connaisse le succès pour mettre l’entreprise sur la carte mondiale», s’emballe Steve Couture.
Et l’argent? «Nous pourrions déjà vendre la compagnie et vivre confortablement, remarque-t-il. Mais notre objectif est de créer une entreprise qui sera un jour une icône dans le divertissement numérique sur la scène internationale. Tout en restant à Québec.»
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