3 jeux créés sur le campus
Certains jeux proposent des expériences d'apprentissage... à ceux qui les conçoivent autant qu'à ceux qui les utilisent.
Par Louise Desautels
Apprendre en jouant, voilà une formule connue. Mais encore faut-il inventer le jeu bien adapté au public cible. C’est ce que se sont efforcés de faire professeurs et étudiants avec MagnaQuest pour stimuler la pratique du violon chez les enfants, Math en jeu pour donner le goût des sciences aux élèves du secondaire et Léapps pour faciliter les apprentissages d’une fillette atteinte d’un trouble chromosomique.
1- À la conquête de la musique
Après la méthode Suzuki d’apprentissage du violon, y aura-t-il un jour la méthode Magna Quest, du nom d’un jeu vidéo conçu à la Faculté de musique de l’Université? La «méthode» promet en effet de révolutionner la façon d’apprendre à jouer d’un instrument. Comment? En rendant des 6-12 ans accros à un jeu où le personnage progresse dans des mondes fantastiques en fonction des habiletés et de la créativité du jeune violoniste.
«Le violon acoustique devient le joystick, la manette de jeu», explique Francis Dubé1, professeur à la Faculté de musique. Le pari de Magna Quest: augmenter la fréquence et le temps de pratique de l’instrument, deux paramètres indispensables à la maîtrise du violon. «Nous cherchons avant tout à fournir au jeune une expérience positive, qui le pousse à revenir jouer encore et encore», avance M. Dubé, pilote de ce projet né en 2014 et mené avec le concours de Jocelyne Kiss2, aussi professeure à la Faculté, et de quelques étudiants en musique, en design de jeu et en informatique. Le jeu est conçu pour prendre place sur un simple ordinateur personnel muni d’un micro et de haut-parleurs.
Lorsqu’il sera complet, Magna Quest proposera 10 mondes imaginaires, le premier étant déjà réalisé: la forêt d’Orcynie. Dans ce monde, le personnage doit traverser une rivière où les rochers sont répartis en 4 lignes, parallèles aux berges, qui correspondent aux 4 cordes du violon. En jouant une note puis une autre, à un tempo déterminé, l’utilisateur permet à son avatar de sauter de pierre en pierre tout en évitant des gouffres ou en récoltant des pièces d’or. Le jeune violoniste doit ensuite y aller d’une improvisation qui fera repousser une forêt détruite, chacune des composantes de sa prestation ayant un effet différent: la durée de l’impro détermine la hauteur des arbres, sa vitesse d’exécution la quantité de feuilles, etc.
«La plupart des jeux vidéo ne proposent aucun gain: tout au plus, l’utilisateur développera-t-il des réflexes difficilement transposables dans la vie réelle, souligne Jocelyne Kiss. Alors qu’avec Magna Quest, l’enfant apprend réellement à jouer du violon!» Ce jeu ne remplace toutefois pas le professeur, précise-t-elle: «Il propose des activités musicales qui renforcent l’apprentissage de savoirs ou de savoir-faire vus durant les leçons.» Mis au point pour le violon, ce jeu pourrait devenir un modèle et être adapté à d’autres instruments.
Dès la fin du printemps, le 1er monde de Magna Quest sera soumis à des jeunes apprentis violonistes de différents niveaux, d’abord dans le Laboratoire de recherche en formation auditive et didactique instrumentale (LaRFARDI) de la Faculté, puis au domicile des enfants. Les concepteurs espèrent mettre le jeu en ligne dès 2017.
1 Francis Dubé est professeur en didactique instrumentale à la Faculté de musique; il est également responsable du Centre d’excellence en pédagogie musicale. ↩
2 Jocelyne Kiss, autrefois professeure à l’École de design de l’Université, est une spécialiste des sciences cognitives et des nouvelles technologies. ↩
2- Syl-la-be, une 4e application pour Léa
Les ingrédients réunis ont tout pour inciter les étudiants au dépassement: Léa, une fillette atteinte d’une maladie congénitale pour qui il faut adapter des jeux d’apprentissage; Interface personne-machine, un cours où les étudiants en informatique apprennent à concevoir des logiciels interactifs faciles à utiliser par le commun des mortels; et Nadir Belkhiter3, un professeur du Département d’informatique et de génie logiciel ouvert à la collaboration.
Résultat de la recette: une série d’applications pour tablette électronique baptisée Léapps, dont chaque application comprend un espace où l’éducateur peut facilement moduler le degré de difficulté du jeu. Le plus récent, Syl-la-be, a vu le jour fin 2015. Aucun des 4 jeux de la série n’est pour l’instant accessible à tous, mais des démarches pour une diffusion par l’entremise du App Store de Apple sont en cours.
L’aventure a commencé au début de la session de l’automne 2013, lorsque Nadir Belkhiter a exposé à son groupe d’étudiants en informatique la demande de la maman de Léa: est-il possible de développer une application pour tablette électronique qui permettrait à sa fille de 9 ans, née avec une anomalie chromosomique, d’acquérir différentes habiletés à son rythme?
Défi relevé avec brio par 2 premières équipes d’étudiants en 20134 puis par une autre en 20145 et une 4e l’automne dernier, qui a accouché de Syl-la-be. Toutes les applications ont été mises au point en étroite collaboration avec la maman de Léa, Emmanuelle Robert, et 2 étudiantes en ergothérapie de l’Université du Québec à Trois-Rivières. «Habituellement, les étudiants de ma classe travaillent sur des projets fictifs qui n’ont d’autre utilité que les apprentissages qu’ils réalisent eux-mêmes dans le processus, note M. Belkhiter. Mais cette fois, pour les 4 équipes, l’exercice a été ponctué de rencontres avec des utilisateurs potentiels qui avaient de vrais besoins.»
Syl-la-be, la 4e application de la série Léapps, consiste en un jeu de reconnaissance des lettres de l’alphabet. On y voit une série de lettres et de syllabes, écrites en lettres minuscules ou majuscules, dont l’une doit être appariée à un modèle placé au milieu de l’écran tactile. Invisible pour le joueur, un centre de contrôle est accessible à l’éducateur, qui peut ainsi ajouter des lettres et des syllabes, modifier la vitesse ou le son et obtenir les résultats de chaque joute. Une fois l’application créée, l’équipe d’étudiants a pu voir Léa en action et apporter divers ajustements. Par exemple, à mesure que les syllabes sont déplacées avec succès par Léa, elles ne sont plus remplacées au complet, mais disparaissent jusqu’à ce que l’écran soit vide et qu’une petite mélodie salue le succès de l’enfant.
L’exercice a-t-il été stimulant pour ses concepteurs? Dans son rapport final, l’équipe de 2015 note: «Ce fut une formidable expérience humaine!»
3 Nadir Belkhiter est aussi vice-doyen aux études à la Faculté des sciences et de génie. ↩
4 Voir l’article De la souplesse pour Léa. ↩
5 Voir l’article Une technologie qui fait boule de neige. ↩
3- Pour susciter l’amour des maths
Voici le plus ancien jeu en ligne de l’Université: Math en jeu, accessible sur Internet depuis 2006. Qu’on y joue à 4, en version classique, ou à 12, en version tournoi, les règles sont les mêmes: chaque personnage avance sur un échiquier en répondant à des questions de logique ou de mathématiques afin d’accumuler un maximum de points. Les 12 personnages que les joueurs peuvent endosser vont du squeegee à la planchiste à neige bon chic, une diversité qui interpelle les jeunes de tous horizons.
«Les mathématiques sont partout et nous faisons le pari que des activités ludiques pourront les rendre accessibles au plus grand nombre», note Andrée-Anne Paquet, coordonnatrice de SMAC ou Sciences et mathématiques en action, l’organisme du Département de mathématiques et de statistique qui a, entre autres, créé ce jeu. Le SMAC a été mis sur pied en 2005 par Jean-Marie De Koninck, professeur de mathématiques au Département, justement pour donner aux jeunes le goût des sciences.
Quelque 26 000 joueurs se sont jusqu’à maintenant inscrits à Math en jeu. Traduit en anglais sous le nom de Math Amaze en 2011, le jeu connaît une bonne popularité au Canada selon la coordonnatrice.
Élément central, les questions se comptent par milliers et peuvent être sélectionnées selon l’âge et le niveau des joueurs. La première banque de questions en comptait déjà plusieurs centaines, mais a décuplé depuis 2011. «Notre partenaire dans l’Ouest canadien a eu l’idée de demander à divers championnats de mathématique de nous céder les droits sur leurs questions», raconte Andrée-Anne Paquet. N’importe qui peut également proposer de nouvelles questions, qui seront évaluées et peut-être intégrées au jeu.
C’est cette mine de questions qui incite de plus en plus d’enseignants à inclure des parties de Math en jeu dans leurs cours. Une section spécialement conçue à leur intention vient d’ailleurs d’être mise en ligne. L’enseignant peut désormais sélectionner un module, la géométrie par exemple, et le niveau des questions associées afin que les élèves se disputent une partie en classe, par groupes de 4, ou le fassent comme devoir en mode solo.
Envie de jouer une partie? Rendez-vous au www.mathenjeu.ca.
Publié le 20 avril 2016
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