Croquis de Russie
Publié le 25 janvier 2012 | Par Agnès Blais
Voyage au cœur de la complexité russe
Pour mon doctorat en anthropologie, je vais aller sur le terrain, en Russie, pendant un an. J’étudierai les pratiques et les discours de 3 associations russes de défense des droits de la personne situées dans 3 villes différentes: Moscou, Saint-Pétersbourg et Krasnodar. Moscou, la pieuvre géante multiethnique, Saint-Pétersbourg, l’européenne, le «siège» traditionnel des droits de la personne, et Krasnodar, ville moyenne, au nord du Caucase, chef-lieu des Cosaques du Kouban. Les flux migratoires et l’accueil des réfugiés du Caucase sur le territoire de Krasnodar sont très complexes. Les relations interethniques y sont très tendues.
Présentation de mon blogue
Par ce blogue, je vous convie à un voyage au cœur de la culture russe, dans sa vastitude et sa complexité, au moyen de croquis pris sur le vif, mais conçus comme des fenêtres menant à des découvertes plus profondes. Scènes politiques, culturelles, mouvements sociaux, lieux de mémoire ou d’amnésie (Pierre Nora), fêtes, expositions, conversations, œuvres littéraires, tous ces fragments seront dépeints et expliqués dans mes billets. J’emploierai le genre journalistique de la chronique, qui se définit ainsi: regard que porte un journaliste sur une situation en donnant son point de vue, en disant ce qu’il pense tout en s’appuyant sur des références. Le chroniqueur parle en son nom.
Je conçois ce blogue un peu comme mon journal de terrain. En anthropologie, un tel journal sert bien sûr à noter ses souvenirs et ses analyses, mais il constitue aussi un outil réflexif, car il révèle les perceptions de l’anthropologue qui observe. Ainsi, les notes qu’on y prend permettent de mieux évaluer la distance du regard qui doit tantôt s’approcher du sujet, tantôt s’en éloigner, sans jamais perdre de vue une éthique respectueuse de son interlocuteur. Lors du passage à l’écriture scientifique, le journal de terrain permet d’accroître la justesse des propos.
Écouter la Russie
Pour l’ambiance, j’inclus une courte bande sonore (2,06 minutes) qui illustre mon dernier séjour là-bas (2007-2008): Fragments de Russie
Vous entendrez dans l’ordre: une chanson populaire cosaque, les cloches orthodoxes de la ville de Rostov-Veliki, Le hérisson dans le brouillard et Le Conte des contes, célèbres dessins animés de Youri Norstein qui, dans cet extrait, évoquent le train russe et l’urbanisation, la radio indépendante l’Écho de Moscou et Polka italienne de Rachmaninov.
Je vous propose aussi de regarder le dessin animé Le hérisson dans le brouillard.
Dostoïevski et l’actualité
J’ai d’abord connu la culture russe par l’écrivain Fiodor Dostoïevski. Je me suis engouffrée dans Crime et châtiment dont les personnages exaltés explorent les limites de l’humanité pour finalement être ramenés dans son cœur, celui d’une fresque entre vicissitudes et foi, idées révolutionnaires et dangers du basculement. Dostoïevski dévorait les journaux, était toujours au courant de tout. Par cette lecture compulsive de la presse, il a développé une perception très aiguë de la société et parvenait à discerner la portée historique d’un fait divers. Grand diagnosticien des symptômes funestes de la société, il fut un immense visionnaire. Dostoïevski avait prédit la révolution, ses lois et ses principes.
Son œuvre constitue une analyse politique, sociale et psychologique de la Russie du 19e au 21e siècle impressionnante et juste. Ses héros, devenus des références communes 1, réfléchissent la grande Histoire. Le 16 août 1839, alors que son père, tyran domestique et despote rural, vient d’être assassiné par ses paysans, Dostoïevski écrit à son frère: «L’homme est un mystère. Il faut l’élucider et si tu passes à cela ta vie entière, ne dis pas que tu as perdu ton temps; je m’occupe de ce mystère car je veux être un homme.»2. Après le meurtre de la vieille prêteuse sur gage oppressante, le héros de Crime et châtiment, Raskolnikov, est-il libéré? Non, puisque par son crime il a quitté la communauté des hommes. «Raskol» signifie scission en russe. Le terme désigne aussi le schisme des partisans de l’Église orthodoxe traditionnelle qui refusèrent de se soumettre aux réformes brutales du patriarche Nikon, au milieu du 17e siècle, d’où leur nom de «vieux-croyants». Les raskolnikis se considèrent comme les gardiens de la vraie foi et sont encore nombreux aujourd’hui. Ils représenteraient 1% de la population russe avec 200 paroisses.
1 SARASKINA L., 2010, «Dossier Dostoïevski», Le Magazine Littéraire, no 495, mars. ↩
2 FERNANDEZ D., 2004, Dictionnaire amoureux de la Russie. Paris, Plon. ↩
Publié le 11 mai 2012 | Par DHOKKAR
Par ailleurs, j'ai le plaisir de vous informer que je suis doctorant en anthropologie médicale et que je souhaite coopérer avec vous pour une prochaine étude.
Merci, Mlle Agnès Blais, et à bientôt
Dhokkar M
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Publié le 28 janvier 2012 | Par Colette Brin
Au plaisir de vous lire.
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