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Photo de Simon Langlois

Structure sociale: place aux femmes

La structure sociale du Québec s’est largement féminisée dans la seconde moitié du 20e siècle. Le nombre de femmes en emploi a, en effet, été multiplié par 3 en 40 ans –passant de 610 044 à 1 865 560, soit une augmentation 2 fois plus élevée que celle observée chez les hommes.

feminisation

Plus nombreuses en emploi, les femmes sont également mieux réparties au sein des différentes classes sociales. Cela n’était pas le cas vers la fin des années 1950, lorsqu’elles sont entrées sur le marché du travail en nombre croissant dans des secteurs d’activité très féminisés comme l’enseignement, la santé ou les services aux personnes. Les femmes ont ainsi complètement modifié le paysage de la stratification sociale au Québec, stratification que j’analyse dans une série de billets qui a commencé par 1971-2011: la mutation sociale radicale du Québec.

Plus de femmes dans les strates sociales élevées
La présence des femmes s’est accrue au sommet de la hiérarchie sociale, comme le montrent les taux de croissance élevés observés dans 4 strates sociales. Si elles ont, en effet, multiplié par 3 leur nombre au sein de la population active, le multiple est nettement plus élevé au sein des plus hautes strates, soit 7 fois plus chez les cadres supérieurs, 8,7 fois plus chez les cadres intermédiaires, 14 fois plus chez les professionnels et 10 fois plus chez les techniciens.

Les avancées faites par les femmes sur le marché du travail en 40 ans ont été largement concentrées dans des emplois qui requièrent en grande majorité un diplôme collégial ou universitaire plutôt que dans les secteurs plus traditionnels dans lesquels les femmes des générations passées se trouvaient en majorité.

La strate sociale dominante chez les femmes n’est plus celle des employés de bureau, un secteur qui comptait pour 30% de l’ensemble des emplois féminins en 1971 et dont la proportion est descendue à 17,9% du total en 2011, mais celle des techniciens, avec 18,3% des femmes qui s’y trouvent.

Les femmes continuent d’être fortement représentées au sein des professions intermédiaires (infirmières, enseignantes, etc.), et la part que représente cette strate sociale dans l’emploi féminin total a décliné quelque peu, passant de 14,2% en 1971 à 12,9% en 2011.

Les femmes sont restées présentes dans les mêmes proportions au sein de 2 strates sociales dans lesquelles elles étaient fortement représentées en 1971, soit les employés dans la vente et les employés dans les services (entre 15% et 17% environ sur toute la période).

Enfin, leur présence au sein de la classe ouvrière a fortement décliné, passant de 14,3% du total de l’emploi féminin en 1971 à seulement 5,6% 40 ans plus tard. Le déclin des emplois industriels dans les secteurs mous (industries du textile, de la confection et de la chaussure, par exemple) explique en partie la diminution de la présence des femmes au sein de l’industrie.

L’examen des données de recensement indique qu’il y a par contre beaucoup plus de femmes dans la strate des agriculteurs et des employés agricoles, et ce, pour une raison simple: de plus en plus de femmes d’agriculteurs ont été identifiées comme exploitantes agricoles en copropriété avec leurs maris dans le dernier tiers du 20e siècle plutôt qu’en tant que femmes au foyer comme c’était le cas au milieu du 20e siècle.

Les statistiques qui précèdent portent sur la distribution des femmes entre les 10 strates sociales établies dans l’étude. Qu’en est-il maintenant de la part qu’elles représentent dans chacune des strates?

tableau

Les taux de féminisation
L’augmentation continue du taux de participation des femmes au marché du travail depuis un demi-siècle a entraîné la féminisation des secteurs d’emploi en haut de la hiérarchie sociale. La féminisation n’est pas forte chez les cadres supérieurs (la proportion de femmes y est passée de 11,5% en 1971 à 28,2% en 2011), mais elle a fait des progrès indéniables chez les cadres intermédiaires (avec 45,8% de femmes), les professionnels (48,9%), les professionnels intermédiaires (secteur dans lequel elles dominent avec 72,9% du total) et les techniciens (52,1%).

La faible représentation des femmes aux plus hauts échelons de la hiérarchie des positions sociales –chez les cadres supérieurs– ne doit pas faire écran au fait que les femmes ont fait des avancées considérables dans 8 strates sociales sur les 10 que nous avons établies. Nous y reviendrons aussi dans les prochains billets, une fois dressé le présent portrait d’ensemble.

Les femmes sont par ailleurs majoritaires dans la strate sociale des employés dans les services aux personnes et dans celle des employés dans la vente avec 53,4% et 58,9% pour chacune d’entre elles. Depuis 40 ans, elles ont accentué leur présence dans ces 2 types d’emplois, puisque les proportions de femmes y étaient respectivement de 52,6 % et de 37,8 % en 1971.

La strate des employés de bureau est de son côté restée largement féminine, passant de 77% à 75% de femmes en 20 ans. Les postes de secrétaire, en particulier, sont encore largement dominés par les femmes.

Le rôle clé de la scolarisation
La forte fréquentation des programmes d’études à l’université et dans les collèges a joué un rôle important dans ce processus de féminisation au sein des échelons supérieurs et dans le fait que les femmes ont atteint la quasi-parité avec les hommes dans 8 strates sociales sur 10, dominant par ailleurs 2 d’entre elles, soit les professionnels intermédiaires et les employés de bureau. Le résultat de leur scolarisation plus poussée a porté ses fruits sur le marché du travail en transformant radicalement la structure sociale en 40 ans. 

Nouvelles formes de division sexuelle du travail
Il faut préciser qu’il existe encore plusieurs types d’emplois dans lesquels les femmes sont sous-représentées (chez les ingénieurs ou les informaticiens, par exemple). Nombre de catégories socioprofessionnelles au sein des grands groupements retenus restent très féminisées alors que d’autres sont à dominante masculine, ce qui commandera une analyse plus fine que nous ferons dans les prochains billets.

La division du travail selon le sexe s’est même accentuée dans 3 strates sociales sur 10, soit au sein de la classe ouvrière, chez les employés de bureau et au sein des professions intermédiaires.

La classe ouvrière est encore plus masculine que par le passé, et la présence des femmes y est marginale. De son côté, la strate sociale des employés de bureau est davantage féminisée, et les femmes ont conservé le quasi-monopole qu’elles exercent sur les emplois de secrétaire. Enfin, la strate des professionnels intermédiaires –infirmières, enseignantes du primaire et du secondaire, etc.– a accentué son caractère féminin, puisque la part des emplois que les femmes occupent dans ce secteur est passée de 64% du total en 1971 à 75 % en 2011.

***

Ce billet est le 2e d’une série sur la mutation sociale du Québec de 1971 à 2011. Pour lire les autres billets:

1. 1971-2011: la mutation sociale radicale du Québec

3. Pourquoi si peu de femmes chez les cadres supérieurs?

4. Les techniciens, au coeur des classes moyennes

5. Féminisation encore plus forte du travail de bureau

6. Vente et services: 2 secteurs typiques de la société de consommation

7. Déclin et mutation de la classe ouvrière

8. Professionnels: plus de diversité et plus de femmes

9. Les professions intermédiaires, un monde de femmes

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