Regards sur la société
Publié le 31 mars 2020 | Par Simon Langlois
COVID-19: ce qui va changer
La crise actuelle causée par le coronavirus nous fait prendre conscience d’une certaine fragilité du monde.
Fragilité de la croissance effrénée, fragilité des acquis en termes de bien-être matériel et même de confort, fragilité des épargnes, fragilité de la sécurité sanitaire. C’est le premier enseignement que nous en retiendrons.
Cette prise de conscience de la fragilité du monde devrait aussi contribuer à mieux faire accepter l’idée, chez ceux qui n’en seraient pas encore convaincus, que l’écologie planétaire est, elle aussi, fragile et qu’il faut prendre au sérieux les menaces qui pèsent sur notre Terre. Le scepticisme, et même la négation, à propos des questions écologiques va sans nul doute régresser dans le contexte de l’après–crise sanitaire.
Regain de confiance envers le politique
La lutte contre la COVID-19 montre qu’il est possible d’affronter une grande menace en déployant d’imposants outils à notre disposition. Le leadership politique, la réorganisation rapide du système de santé, la mise en place de grandes mesures économiques et fiscales et le confinement accepté dans les foyers sont autant de moyens susceptibles d’alimenter le sentiment qu’on va s’en sortir, malgré la menace. On redécouvre l’importance de l’État lorsqu’il fait preuve de leadership dans une situation de crise. C’est un second enseignement qui s’imposera.
Comme corollaire à cette nouvelle perception du rôle de l’État, on observera sans doute une remontée de la confiance envers la sphère politique, très malmenée ces dernières années, au Québec comme ailleurs dans le monde démocratique. Les enquêtes sociologiques avaient en effet montré une très grande perte de confiance envers les élites politiques, comparativement aux autres segments de la population. Mais c’est surtout sur le plan local – provinces, municipalités, États (États-Unis), régions (France) – que le regain de confiance envers le politique se manifeste en ce moment. La confiance envers les élites politiques sur le plan national n’augmente pas au même rythme, comme on le voit en France, aux États-Unis de même qu’au Canada.
Un pour tous et tous pour un
Les pandémies et les épidémies des siècles passés avaient accentué la méfiance envers autrui, les autres étant considérés comme un danger potentiel. De nos jours, malgré des cas isolés de méfiance envers certains voisins âgés qui ne respectent pas le confinement ou envers les immigrants d’origine asiatique, par exemple, c’est plutôt la solidarité et plusieurs messages d’espoirs qui dominent. Les dessins d’arcs-en-ciel qui apparaissent dans les fenêtres envoient le signal qu’il faut rester confiants en l’avenir. La solidarité familiale et communautaire et la préoccupation pour la santé et le bien-être de tous devraient ressortir renforcées une fois la crise passée.
Nouveau regard sur la mondialisation
Une autre chose qui va changer, c’est notre regard sur la mondialisation et la redécouverte du local, de la proximité, de la région, de la nation. La crise sanitaire est largement tributaire de la mondialisation. Le coronavirus a été transmis par des voyageurs avant de se diffuser par interactions communautaires. Les voyages et le tourisme de masse ont facilité la propagation de la COVID-19. On découvre aussi notre dépendance collective aux productions de biens nécessaires au bien-être (médicaments génériques, équipements de toutes sortes, etc.), trop largement délocalisées pour des raisons de coûts dans les pays à faibles salaires. C’est la face noire de la mondialisation dont nous avons jusqu’ici profité avec l’arrivée de biens courants moins chers. Notre regard sur la mondialisation sera désormais plus nuancé. L’ouverture vers les autres pays et les échanges internationaux sont là pour rester, mais nous allons aussi revoir les manières de faire et mieux prendre conscience des enjeux oubliés ou négligés de la mondialisation tous azimuts des dernières décennies. La crise sanitaire mondiale va rappeler aux nations l’importance de conserver une emprise sur leur propre destinée.
Des vertus qui vont perdurer?
Néanmoins, la crise provoquée par la COVID-19 sera-t-elle suffisante pour contrer l’appétit du « toujours plus », l’appétit pour la croissance qui – la sociologie encore une fois le montre – grandit plus vite que le gâteau disponible ? Nous vivons dans une société d’hyperconsommation qui nous a fait anticiper les revenus à venir, qui a conduit à l’endettement de bon nombre de ménages, qui a fait reculer la frugalité de nos arrière-grands-parents qui prévoyaient pour « leurs vieux jours ». Le coup de frein à cette hyperconsommation sera bien réel dans les 2-3 années à venir – le temps pour plusieurs d’éponger leurs dettes ! – mais la tendance à long terme risque de rester la même. Cela ne changera pas vraiment en profondeur…
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