Croquis de Russie
Publié le 1 février 2013 | Par Agnès Blais
Les réfugiés du printemps arabe
Aujourd’hui, je veux parler de tous ces réfugiés du Moyen-Orient qui arrivent en Russie. Même si le cœur n’y est pas. C’est que je suis troublée. Henrik vient de m’appeler d’Obninsk, une ville située à 3 heures de train de Moscou, dans la région de Kaluga, où il fait quelques ménages comme travail. On l’a attaqué, encore, parce qu’il est gai. On lui a brisé le nez, encore, et les dents, encore. Je n’en sais pas plus. Trop de larmes étouffaient ses mots. Le 31 octobre 2012, Henrik a finalement reçu le statut de réfugié pour les États-Unis. Nous avions fêté cette excellente nouvelle. Depuis, l’ambassade américaine effectue une vérification… Combien de temps encore pour l’accomplir?
Égypte, Tunisie, Jordanie, Syrie
Ce n’est pourtant pas le seul drame qui se joue en ce moment en Russie. Depuis quelques mois, plusieurs réfugiés arrivent du Moyen-Orient et cognent à la porte de l’association Assistance civique, à Moscou, où je fais mon terrain de recherche. D’abord des Coptes d’Égypte, puis des Tunisiens, des Palestiniens déjà réfugiés en Jordanie. Les Syriens sont également nombreux. Ils viennent pour la plupart de milieux assez aisés, mais arrivent dans la précarité. Ils nous montrent des vidéos des manifestations. Tous fuient l’islamisation et la guerre.
«Au Caire, je ne peux pas travailler comme avocat parce que je suis Copte, raconte l’un d’eux. Je travaillais au magasin de mon père, mais maintenant que je suis marié et que j’ai un fils, ce salaire ne suffit plus. Avant la révolution, nous avions un dictateur au pouvoir et la vie était difficile pour nous, mais maintenant, c’est pire. Depuis que les Frères musulmans ont pris le pouvoir, ma femme se fait insulter ou cracher dessus dans la rue et elle ne peut plus travailler parce qu’elle ne porte pas le foulard. Puis on a brûlé la maison de nos voisins, Coptes aussi. »
– Pourquoi êtes-vous venu en Russie?
– C’est la seule ambassade qui m’a donné un visa de touriste. J’ai tenté le Canada, les États-Unis, l’Europe, mais ils ont tous refusé.
Mon amie russe Katia a épousé un médecin tunisien venant d’une famille d’intellectuels aisés. En ce moment, son mari travaille en Libye, car là-bas on manque de médecins. Katia a vécu 7 ans en Tunisie. Elle est rentrée en Russie avec sa fille Mariam avant que la révolution n’éclate, craignant de ne plus pouvoir quitter le pays après. «La frontière entre l’Islam modéré et radical est très mince, quelqu’un peut facilement passer de l’un à l’autre», analyse-t-elle. Tout récemment, un prédicateur tunisien qui a ses entrées au pouvoir a recommandé que les femmes ne conduisent une auto qu’à l’intérieur de leur ville, pas entre les villes, au cas où une panne les laisserait dans un état de «vulnérabilité» pernicieux (la phrase originale a fait l’objet de commentaires –voir plus bas– et été modifiée après vérification le 6 février 2013). Katia, jeune femme russe, athée, psychologue, se sentait en danger.
Le SOS d’Assistance civique
La codirectrice d’Assistance civique, Elena Yourovna Burtina, vient d’envoyer un appel sur Facebook. Je le traduis pour vous, car non seulement il parle de la situation peu connue et très précaire des réfugiés en Russie, mais en plus il montre que les espoirs démocratiques portés aux nues par les journalistes occidentaux lors des révolutions arabes ont des lendemains amers et violents.
«SOS!! Nous, au Comité Assistance civique, manquons à notre tâche pour la première fois en 23 ans d’existence. Nous sommes inondés d’un flux de réfugiés de Syrie et d’Égypte (Coptes). Quelques-uns atterrissent à Moscou sans aucune relation ou lien, ils n’ont nulle part où rester avant que les services de migration ne les envoient au camp de réfugiés d’Achor, dans la région de Perm. Ils doivent attendre entre 2 et 4 semaines. À Moscou, il n’y a aucun centre d’accueil des réfugiés et les services de migration n’en n’ont pas (les autorités de la ville de Moscou comme celles de la région de Moscou refusent de construire un tel centre). Hier, une famille de 10 Coptes est arrivée. Ses membres venaient de passer une partie de la nuit dans le métro, une partie dans la rue. Par chance, 2 d’entre eux, une femme et son bébé, ont été hébergés pour la nuit par une Moscovite au grand cœur. En ce moment, ces Coptes dorment sur le sol et les chaises de notre organisation, en plus de 2 autres réfugiés sans abri qui attendent aussi d’être emmenés au camp d’Achor. Notre bureau s’est transformé en camp de réfugiés.
De plus, ceux qui sont dans nos bureaux en ce moment, et plusieurs autres, sont complètement démunis. Il faut les aider –en nourriture, médicaments et billets de transport. Auparavant, nous avions presque toujours la possibilité de fournir cette aide: quelques sponsors, la plupart étrangers, nous fournissaient cette aide et, quand les moyens manquaient, nous donnions de nos propres poches. Maintenant, nous n’avons plus rien. Nous avons dépensé toutes nos ressources, incluant nos ressources personnelles. Nous avons besoin d’aide. Si quelqu’un veut bien nous aider, voici mon téléphone: 8-962-992-51-45.»
Haut de page
Publié le 6 février 2013 | Par Louise Desautels
Publié le 6 février 2013 | Par Agnès Blais
De plus, j'ai surtout été frappée par l'arrivée soudaine de réfugiés du Moyen-Orient en Russie (Tunisiens, Égyptiens, Palestiniens et les plus nombreux, les Syriens) qui fuient l'islamisation et, dans le cas de la Syrie, la guerre. Bien sûr, il existe des différences entre ces pays, mais cet afflux de réfugiés en provenance de ces pays est nouveau et date d'environ 6 mois. En général issus de la classe moyenne, que fuient-ils au point de quitter pour la Russie? Selon leurs dires des violences parce qu'ils ne se soumettent pas à l'Islam et des milices à la solde des pouvoirs locaux.
Maintenant, je sais aussi que, malheureusement, les révolutions se font dans le sang et la longue durée.
Deux articles intéressants critiques du pouvoir actuel et dont les commentaires sont aussi très pertinents.
Kapitalis:
http://www.kapitalis.com/tribune/14277-tunisie-ennahdha-prefere-la-force-au-droit.html" >http://www.kapitalis.com/tribune/14277-tunisie-ennahdha-prefere-la-force-au-droit.html
Business News.com.tn:
http://www.businessnews.com.tn/Une-société-qui-souffre,-un-pouvoir-qui-se-cherche…,526,36098,4" >">http://www.businessnews.com.tn/Une-société-qui-souffre,-un-pouvoir-qui-se-cherche…,526,36098,4
Publié le 5 février 2013 | Par Slim Barhoumi
Avez-vous vérifié vos sources d'informations?
Il est honteux de dire qu'en Tunisie une loi vient de passer pour interdire les femmes à conduire en dehors des villes.
C'est scandaleux de votre part.
Slim Barhoumi
Publié le 5 février 2013 | Par Maroua
Publié le 5 février 2013 | Par Neila Amara
Vous laissez entendre dans votre article que la Tunisie aurait voté une loi restreignant la liberté de conduire des femmes. CELA EST TOTALEMENT INEXACT!
Merci de corriger.
Publié le 5 février 2013 | Par Amine
Note : Les commentaires doivent être apportés dans le respect d'autrui et rester en lien avec le sujet traité. Les administrateurs du site de Contact agissent comme modérateurs et la publication des commentaires reste à leur discrétion.
commentez ce billet