Croquis de Russie
Publié le 26 avril 2012 | Par Agnès Blais
Moscou, toujours plus grande, toujours plus pieuse
Je suis arrivée à Moscou par le train qui relie l’aéroport Domodedovo à la gare de Paveletskaïa. Dans le paysage mélancolique tout juste sorti de l’hiver et dont la monotonie austère rappelle le Québec, les bouleaux défilent. Au printemps, leurs bourgeons tout juste éclos les ornent de perles vertes qui forment des cascades délicates. Image très russe.
Aux abords de la voie ferrée, le développement urbain incessant de Moscou apparaît nettement. Des immeubles poussent au milieu des vieilles datchas en bois et des baraquements plus pauvres. Des quidams émergent d’on ne sait quelle route, sac en plastique à la main, d’autres, accroupis sur le talus, discutent et boivent une bière.
Moscou est un perpétuel chantier qui enfle, qui enfle, un étrange mélange d’édifices et de monuments soviétiques, d’anarchie urbaine, un capharnaüm parfois entrecoupé de maisonnettes, d’anciens palais de l’époque tsariste aux couleurs claires et vives typiques de l’Est –rose, turquoise, jaune pâle– et de nombreuses églises. J’entends souvent «Moscou est une méga-mégapole» et encore «Bientôt il n’y aura plus de Russie, qu’une seule Moscou». La capitale compte aujourd’hui 14 millions d’habitants.
Toujours plus pieuse
Dimanche dernier, une foule énorme de croyants orthodoxes s’était rassemblée dans l’imposante cathédrale du Christ Sauveur et sur son parvis. Selon l’Église, plus de 50 000 croyants ont célébré ensemble une messe et prié collectivement pour «défendre la foi». Ce nombre de personnes est aussi élevé que celui des rassemblements d’opposition politique! Ici, la Pâque célébrée le 15 avril continue, et une dame déplore: «L’Europe perd ses croyants. À l’époque soviétique, l’Occident a aidé les croyants. Aujourd’hui, c’est nous qui devons lui venir en aide.»
En me promenant sur la rue Tverksaïa, l’axe principal de Moscou, j’ai rencontré une procession orthodoxe. Des hommes transportaient une grande icône de la Vierge sur un brancard. D’autres portaient des icônes suspendues à leur cou. Si au départ cette ferveur religieuse m’a surprise, elle m’a en même temps permis de réaliser l’ampleur de la destruction des églises. Le groupe, constitué de croyants de l’Église de la Nativité-de-Notre-Dame-de-Poutinki, aussi organisés en petite société historique, célèbre la mémoire du Monastère de la Passion-de-notre-Seigneur qui s’élevait autrefois sur la place éponyme, aujourd’hui la très connue place Pouchkine. En effet, l’ensemble des bâtiments de ce monastère qui encadraient la place ont été fondés en 1654, et détruits en 1937.
Cette communauté de croyants s’arrête aux différents lieux qui constituaient l’ensemble du monastère, prient, chantent et en rappellent la mémoire par des panneaux informatifs. Sur l’ancien emplacement du monastère s’élèvent aujourd’hui le cinéma Roccia, que semble dévorer un casino aux enseignes lumineuses de style asiatique, la place Maïakovski et le McDonald’s. L’icône Notre-Dame-de-la-Passion et la cloche du monastère ont été sauvegardés. La communauté de croyants que j’ai rencontrée milite pour que des fouilles archéologiques soient faites sur la place Pouchkine.
La procession se termine non loin de la place Pouchkine, par le tour de l’Église de l’Assomption, puis chaque croyant passe en dessous de l’icône en se signant. L’Église de l’Assomption a été presque entièrement détruite à l’époque soviétique et a eu différentes fonctions, entre autres celles d’une usine et d’un atelier de coupe des tissus pour fabriquer des vêtements. J’y suis retournée mardi. Le camion d’aide de l’église aux sans-abris est arrivé. Il nourrit tous les jours, à 15h, entre 40 et 60 personnes, encore plus en hiver. Les mardis, vient aussi le camion d’aide médicale.
Moscou se construit, les églises se reconstruisent. La Ville veut détruire les «petits» immeubles khroutchéviens réglementés à une hauteur maximale de cinq étages. Il est intéressant d’étudier comment s’actualise l’héritage tsariste et soviétique.
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Publié le 26 avril 2012 | Par André Baril
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