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Photo de Martin Dubois

Le legs du maire L’Allier

Le décès soudain de l’ancien maire de Québec Jean-Paul L’Allier (1938-2016), le 5 janvier dernier, a donné lieu à un concert d’éloges. Je joins ma voix à ces hommages en exprimant toute mon admiration pour cet homme de vision qui a transformé sa ville durant les 4 mandats consécutifs qu’il a passé à la mairie (de 1989 à 2006). Bien que chaque maire laisse habituellement en héritage certains projets qui lui ont été chers, Jean-Paul L’Allier est, à mon avis, un cas à part pour la quantité et la qualité des réalisations urbaines que son équipe a léguées au fil des ans, notamment en ce qui concerne les espaces publics (parcs, espaces verts, places, jardins, etc.). En effet, l’ex-maire avait compris que la beauté d’une ville passe par son architecture et ses monuments, mais aussi, et surtout, par la qualité de ses espaces publics. Je vous ai déjà parlé, dans un billet précédent, du cas du jardin de Saint-Roch et de son rôle dans la revitalisation du quartier du même nom, probablement le plus grand legs de Jean-Paul L’Allier. Voici d’autres exemples de ce riche héritage.

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Jean-Paul L’Allier (1938-2016). Photo Simon Villeneuve

De morosité à fierté
L’arrivée de Jean-Paul L’Allier à l’hôtel de ville marque un tournant pour la ville de Québec. Après plusieurs décennies d’exode de la population et de l’activité commerciale vers les banlieues, un sérieux coup de barre était nécessaire pour revitaliser les quartiers centraux, particulièrement le quartier Saint-Roch, le plus mal en point, en ramenant des commerces, des institutions et des résidents au centre-ville. Le laisser-aller en ce domaine couplé aux grands projets d’infrastructures en béton (autoroutes, berges de la rivière Saint-Charles), à l’architecture conçue par des promoteurs immobiliers et aux démolitions massives de l’époque avaient laissé le cœur de la capitale en lambeaux.

Plusieurs des projets majeurs de l’ère L’Allier ont justement eu comme but de réparer des erreurs urbanistiques commises dans les décennies précédentes (rappelons toutefois que ces projets avaient été conçus selon les valeurs de l’époque où la modernité et le fonctionnalisme rimaient peu avec qualité de vie ou intégration urbaine et architecturale). À ce titre, mentionnons le réaménagement du boulevard René-Lévesque et de l’avenue Honoré-Mercier sur la colline Parlementaire, la renaturalisation de la rivière Saint-Charles entièrement bétonnée dans les années 1960 et la suppression du toit qui couvrait la rue Saint-Joseph et camouflait de magnifiques façades commerciales.

Un nombre impressionnant de parcs et de places publiques ont aussi vu le jour durant les années 1990 et 2000. La place de la FAO (secteur du Vieux-Port), le parc Sylvain-Lelièvre (Limoilou) et la place Jean-Pelletier (en face de la gare du Palais), pour ne nommer que ceux-là, ont permis de reverdir la ville et de créer un réseau d’espaces publics faisant une belle place à l’architecture de paysage. Plusieurs artères ont été réaménagées ou piétonnisées (rue du Sault-au-Matelot, chaussée des Écossais, boulevard Charest Ouest), les rendant plus conviviales et vertes. La création de la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ) par le gouvernement du Québec a aussi permis d’embellir la ville dans la foulée de ce que Jean-Paul L’Allier avait commencé à l’hôtel de ville.

Bien que ce ne soit pas lui qui ait coupé les rubans lors de l’inauguration de plusieurs réalisations dans le cadre du 400e anniversaire de la ville en 2008, dont la promenade Samuel-de-Champlain, la fontaine de Tourny et la baie de Beauport, il en avait assurément semé l’idée et débuté les préparatifs. Encore aujourd’hui, une décennie plus tard, certains projets sont réalisés dans le même esprit de création d’espaces publics de qualité et d’intégration de projets culturels structurants. Pensons notamment au projet Le Diamant de la place D’Youville, à l’agrandissement du Musée national des beaux-arts du Québec ou à la place des Canotiers qui sont en lignée directe avec les plans directeurs mis en place durant son long mandat à la mairie.

La place Jean-Pelletier, inaugurée en 1998 en face de la gare du Palais. Photo Martin Dubois

Outre les réalisations pour embellir et aménager la ville, l’apport de Jean-Paul L’Allier dans le domaine de la démocratie municipale est exemplaire. Avec la création des conseils de quartier, il a fait de la participation citoyenne un élément incontournable dans la prise de décisions quant aux enjeux qui touchent directement les citoyens. En raison de son grand respect envers ses adversaires politiques, il a su passer sans trop de difficultés à travers 2 mandats minoritaires à la mairie. Son plus grand legs demeure toutefois les fusions municipales de 2002. Le regroupement de 13 municipalités (2 se sont retirées en 2006) pour former la grande ville de Québec était devenu essentiel. La ville est maintenant plus forte et plus unie que jamais pour faire face aux enjeux auxquels sont confrontées les grandes agglomérations urbaines d’aujourd’hui. Et sans ces fusions, les derniers projets d’envergure comme la construction du Centre Vidéotron n’auraient probablement pas pu se réaliser.

Un dernier manifeste
Peu avant sa disparition, Jean-Paul L’Allier a rédigé la préface du livre Architectures d’exposition au Québec, lancé la semaine dernière par les architectes et professeurs Jacques Plante et Nicholas Roquet. Ce texte, qui rassemble ses réflexions sur la culture et les musées, est probablement l’un de ses derniers écrits publiés. Il s’adresse aux décideurs qui le suivront et qui auront le pouvoir d’influer sur un meilleur devenir de la culture et de l’architecture et, par conséquent, le mieux-être et le mieux-vivre dans nos villes.

Dans cette préface, Jean-Paul L’Allier invite les grands «donneurs d’ouvrages», c’est-à-dire essentiellement les élus municipaux, provinciaux et fédéraux à se demander ceci: «Si jamais j’ai à décider, à concevoir et à agir, est-ce que je pourrais faire mieux, exiger plus? Demander davantage? Qu’est-ce que je ferais autrement? La règle du plus bas soumissionnaire est-elle de la plus grande pertinence quand il s’agit de construire un bâtiment ou de transformer la vocation d’un édifice public, d’occuper un lieu existant?». Le préfacier ajoute: «Quand on regarde en arrière, partout, dans toutes les villes, on constate que “faire beau” est un investissement, que “faire ordinaire” est une dépense et que “faire un lieu impersonnel et anonyme” peut, au fil des ans, apparaître comme du gaspillage». Ces mots de Jean-Paul L’Allier rappellent et convainquent que la culture est essentielle dans nos villes. C’est là probablement l’un de ses plus grands héritages.

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