Impressions d'architecture
Publié le 23 avril 2014 | Par Martin Dubois
Carnet de Louisiane
Mon récent voyage dans le sud des États-Unis m’a permis de découvrir les charmes de la Louisiane, un État aux 1000 facettes qui gagne à être découvert. Je pourrais vous parler du delta du Mississipi et de ses nombreux bayous, des alligators et des autres bestioles peuplant les marécages ou des spécialités culinaires de la région à base de crevettes ou d’écrevisses. La présence d’une communauté francophone –les Cajuns–, les bateaux à aubes actionnés à la vapeur ou le Mardi gras qui anime les rues du quartier français tard dans la nuit au son du blues et du jazz sont aussi des particularités locales qui attirent nombre de visiteurs. Je vais toutefois me concentrer sur l’architecture de La Nouvelle-Orléans qui m’a franchement étonnée et qui vaut le coup d’œil pour quiconque s’intéresse au patrimoine bâti. Issue de diverses influences créoles, françaises, espagnoles et américaines, cette architecture est diversifiée et colorée, comme les Néo-Orléanais d’ailleurs.
Le Vieux Carré
La Nouvelle-Orléans a été fondée au début du 18e siècle par les Français. Faisant alors partie de la Nouvelle-France, qui s’étendait jusqu’au golfe du Mexique, la ville s’implante sur les rives du Mississipi. Le Vieux Carré (French Quarter en anglais) est bâti sur le point le plus haut de cette région très plane, ce qui explique que ce quartier historique n’a presque jamais été inondé par les crues tumultueuses de ce fleuve imprévisible, y compris lors de l’ouragan Katrina en 2005.
Dessiné par un ingénieur militaire, le plan de la ville d’origine forme un carré (plutôt un rectangle) où les rues se croisent à angle droit, tel un damier, d’où son appellation. Les noms de rues de ce périmètre évoquent son passé français: Royal, Bourbon, Dauphine, Chartres, Orléans, Toulouse, Ursulines, Bienville, Iberville, Sainte-Anne, Saint-Louis, etc. Malgré plusieurs incendies qui ont ravagé la ville à la fin du 18e siècle, on trouve encore quelques petites maisons créoles d’un seul étage qui sont les derniers témoins, outre la cathédrale Saint-Louis, de cet héritage français.
L’influence la plus évidente dans l’architecture du Vieux Carré provient plutôt des Espagnols. Lors de leur domination de 1762 à 1800, la ville a pris un tout autre visage. Les incendies successifs qui ont détruit bon nombre d’habitations ont amené à construire en brique d’argile rouge plutôt qu’en bois et les maisons ont été enjolivées de grands balcons ornés de balustrades en fer forgé et en fonte, couvrant ainsi les trottoirs. Ces balcons, ainsi que les ouvertures dotées de grands volets qui protègent les intérieurs de la chaleur torride du sud, donnent un accent méditerranéen aux constructions.
Dans le Vieux Carré, mes bâtiments préférés sont toutefois les petites maisons de style Bracket Shotgun. Construites au 19e siècle, ces maisons en bois très étroites, qui s’étirent en longueur vers l’arrière pour s’adapter aux lots très profonds de la vieille ville, sont colorées et bien conservées. Le terme shotgun réfère au fait qu’elles sont composées d’une enfilade de pièces dont les portes qui les séparent sont toutes alignées du même côté. Ainsi, si un coup de fusil (shotgun) est tiré à travers la porte d’entrée, la balle traversera toutes les pièces de la maison jusqu’à la porte arrière sans blesser personne. Le terme bracket, quant à lui, fait référence aux consoles qui soutiennent le toit protégeant la façade avant. Ces éléments décoratifs sculptés sont d’influence victorienne, époque où il était à la mode d’ornementer à profusion les maisons de nombreuses boiseries finement ouvragées.
L’architecture du Vieux Carré est particulièrement bien préservée en raison d’outils mis en place par The Vieux Carré Commission (VCC), un organisme créé par l’État de la Louisiane et la ville de La Nouvelle-Orléans pour protéger l’héritage culturel de ce quartier. Cette commission a un pouvoir de réglementation et un droit de regard sur toutes les interventions qui sont réalisées à l’intérieur du périmètre historique. Elle met également à la disposition des citoyens un guide pour les informer des bonnes pratiques en matière de restauration architecturale. Cela ressemble beaucoup à ce qu’on peut trouver dans le Vieux-Québec en matière de contrôle et de réglementation.
De somptueuses demeures
Plusieurs autres quartiers de La Nouvelle-Orléans sont également très intéressants à visiter. C’est le cas notamment du Garden District, situé à quelques minutes du Vieux Carré lorsqu’on emprunte le streetcar, ce fameux «tramway nommé Désir» qui a inspiré Tennessee Williams pour sa célèbre pièce de théâtre, ensuite adaptée au cinéma. Garden District comprend une impressionnante quantité de résidences cossues construites à partir de 1820.
Plusieurs riches propriétaires terriens ayant fait fortune grâce à leurs plantations de canne à sucre et de coton se sont fait construire de somptueuses villas dans ce quartier. On y trouve tous les styles américains en vogue au 19e siècle: néogrec, néoclassicisme, néo-Queen Anne, colonial géorgien, etc. C’est un régal pour les yeux de se promener dans ces rues bordées de magnifiques maisons entourées de beaux jardins. Le cimetière Lafayette situé dans ce secteur, tout comme bien d’autres cimetières de la ville, est aussi impressionnant avec ses tombeaux sortis de terre le long de ses allées un peu lugubres.
Pour demeurer dans les grandes résidences, il est fortement conseillé de sortir de la ville et de visiter quelques plantations ouvertes au public le long du fleuve Mississipi en direction de la capitale de la Louisiane, Bâton-Rouge. Ces domaines érigés aux 18e et 19e siècles sont riches en histoire et en architecture.
J’ai notamment visité Laura Plantation, Oak Alley et Houmas, toutes d’anciennes plantations de canne à sucre qui fonctionnaient, jusqu’à la guerre de Sécession, grâce au travail des esclaves. Les résidences, appelées mansions, sont toutes plus majestueuses les unes que les autres et permettent de s’imprégner du faste entourant la vie des riches producteurs de sucre. D’ailleurs, de nombreux films et téléséries d’époque ont été tournés dans ces lieux qui évoquent très bien les grandes propriétés terriennes, mais aussi l’esclavage et la guerre civile qui ont déchiré le peuple américain au 19e siècle.
Je vous recommande donc la Louisiane si vous appréciez les destinations culturelles et l’architecture. Vous ne vous y ennuierez pas, c’est certain.
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Ce billet s’inscrit dans une série de Carnets. Pour lire les autres billets:
2. Carnet de Nouvelle-Angleterre
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Publié le 5 mai 2014 | Par Fernand Janson
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